Dans son numéro 2965 du 5 au 11 Novembre 2017 le magazine panafricain basé à Paris, Jeune Afrique a consacré un « plus » de douze pages à la Mauritanie et l’a intitulé : La Mauritanie, l’avenir en pointillé. « Réalisme » économique oblige, notre confrère parisien a consacré 8 pages de ce supplément à de la publi information. Ce n’est pas un reproche ! Mais on peut s’étonner de la présence parmi ces annonceurs des sociétés Kinross et Maurilog toutes deux citées dans une enquête de la SEC et du Département de la Justice américaine; cette même Maurilog qui a d’ailleurs été compensée et récompensée par le transfert en sa faveur des services logistiques de Kosmos, après la rupture sous pression de son juteux contrat avec Kinross. C’est dire que l’ambition du journal de faire un papier sur le secteur minier mauritanien sera passablement plombée.
Par contre on peut lui reprocher dix grosses erreurs, un certain nombre d’approximations et des mensonges par omission.
1- Le vote par le Sénat mauritanien contre les amendements constitutionnels s’est déroulé le 17 Mars 2017 (Date désormais gravée dans le marbre pour les mauritaniens) bien avant l’accident malheureux du sénateur Mohamed Ould Ghadda le 12 Mai.
2- L’endettement extérieur actuel du pays représente plus de 100% du PIB ( 5 milliards de US dollar) et non les 72% annoncés qui ne prennent pas en compte la dette du Koweit; par ailleurs, Jeune Afrique n’a pas fait état du glissement de l’ouguiya: Une simple consultation du site Mauriweb lui aurait permis de voir que le 6 Aout 2008, 1 euro équivalait à 330 ouguiyas et 1 dollar us à 226 ouguiyas alors qu’aujourd’hui il faut 426 ouguiyas pour un euro et 359 ouguiyas pour un dollar us, soit un glissement de 30 % par rapport à l’euro et 58,5 % par rapport au dollar.
3- Jeune Afrique semble trouver normal que dans un « Etat de Droit » les téléphones d’un citoyen mis en cause dans un accident de la route soient saisis et leurs contenus épluchés et divulgués par les services sécuritaires.
4- Jeune Afrique a omis de dire que le Sénateur Mohamed Ould Ghadda a été arrêté cinq fois, molesté deux fois et a subit diverses vexations en dépit de son immunité parlementaire. Et que ses problèmes n’ont débuté que lorsqu’il a commencé à poser des questions gênantes et à s’intéresser aux marchés de gré à gré passés par le régime; alors il a été kidnappé un soir à minuit sans mandat et gardé au secret pendant six jours. Et comme si cette humiliation ne suffisait pas il fut décidé de le présenter menotté devant les juges.
5- Jeune Afrique a oublié d’évoquer les atteintes aux droits de l’homme et à la liberté d’expression et de manifestation, ainsi que les dysfonctionnements de la Justice qui condamne à trois ans de réclusion le jeune auteur d’un simple jet de chaussure sur un Ministre, au bannissement dans le Guantanamo mauritanien de Bir Moghrein, des militants d’IRA et au placement sous contrôle judiciaire avec restriction de leurs mouvements de journalistes et de syndicalistes sous de fallacieux prétextes; sans oublier bien évidemment l’organisation d’un referendum anticonstitutionnel en vue de supprimer le sénat après que le parlement ait rejeté le projet de loi y relatif.
6- Jeune Afrique a oublié de mentionner que pour cette même justice, lorsque l’Homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou finance à hauteur de plusieurs milliards, la campagne de Mohamed Ould Abdel Aziz ou qu’il subisse, comme les autres banquiers et hommes d’affaires, le racket des hommes du pouvoir en vue de financer à hauteur de plusieurs centaines de millions leurs activités politiques, c’est du patriotisme et lorsqu’il participe financièrement aux activités de l’opposition c’est de la corruption et de la haute trahison.
7- Jeune Afrique n’a pas relevé qu’à la veille de la soumission du projet de loi portant amendements constitutionnels, le président Aziz a reçu de nombreux parlementaires (députés et sénateurs) et leur a distribué personnellement des terrains, des quotas de pêche de poulpe et même du cash en leur demandant de voter Oui a ces amendements finalement rejetés par le Parlement.
8- Le Général Ghazwani a raison d’affirmer qu’il ne peut y avoir « d’armée riche et une population pauvre » mais ce qu’il a oublié de dire c’est qu’aujourd’hui il y a un Président riche et une population pauvre. Un Président qui continue de s’enrichir et qui se soustrait volontairement à la déclaration de patrimoine imposée pourtant par la loi. D’ailleurs, le visiteur de Jeune Afrique était-il aveugle au point de ne pas avoir remarqué le grand nombre de nouveaux riches tous appartenant au clan présidentiel? Était-il sourd au point de n’avoir pas entendu que toutes ces nouvelles fortunes ont été bâties en si peu de temps au détriment des douanes et des impôts? Pouvait-il ignorer qu’aujourd’hui il y’a en Mauritanie ceux qui dédouanent à 100% et ceux qui dédouanent à 10%? Ceux qui sont rackettés par les impôts et ceux qui ne paient pas d’impôts?
9- Jeune Afrique a oublié de souligner que la grande Diva et sénatrice Malouma Mint Meydah, la fille du Mozart de la musique mauritanienne allait être jetée en prison pour avoir reçu moins de 5000 euros comme participation à une soirée culturelle pour fêter le rejet des amendements constitutionnels.
10- Jeune Afrique a oublié de mentionner la mort suspecte à plus d’un titre de Feu Ely Ould Mohamed Vall, père de la réforme constitutionnelle limitant le nombre des mandats présidentiels et des premières élections libres et transparentes: décédé vers 14 heures en plein désert à plus de 1000 km, le corps fut rapatrié le même jour et inhumé à 22 heures ( 8 heures) sans autopsie, sous la supervision directe et en présence de Ould Abdel Aziz, son ennemi politique juré.
Les journalistes mauritaniens, directeurs de publications francophones auxquels on a pu parler, ont toujours soutenu Jeune Afrique, qu’ils considèrent comme le plus grand journal francophone d’Afrique et le plus ancien aussi.
A chaque occasion, ils ne manquent pas de dire Bravo à son Fondateur et à ses équipes qui tiennent le coup depuis plus d’un demi-siècle et les félicitent très sincèrement pour cela; tout en leur faisant ces reproches, ils les invitent à continuer à s’intéresser au plus près à leur pays, la Mauritanie.
Selon eux, sans Jeune Afrique, l’Afrique francophone serait orpheline et fort heureusement il est connu pour toujours refuser de collaborer avec les petits dictateurs.