Liban, les victimes de l’acharnement judiciaire de la juge Ghada Aoun

Michel Mecattaf, patron de la société Mecattaf, qui avait été mis en cause dans les procédures judiciaires mises en oeuvre par des magistrats zélés, est décédé d’une crise cardiaque durant une randonnée matinale dans la neige, à Fayara, dans le Kesrouan.

« Cela fait des mois qu’il ne vit plus « . Ce terrible constat était répété par plusieurs des proches de Michel Mecattaf, un chef d’entreprise grec catholique très engagé politiquement en faveur de la souveraineté du Liban. Plus exactement, depuis que Ghada Aoun, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban proche du camp familial du Président libanais, s’était lancée dans une campagne acharnée contre un certain nombre d’intérêts financiers, au détriment de la santé économique d’un Liban au bord de la faillite (voir l’entretien avec le gouverner de la Banque du Liban, Riad Salamé).

Des fuites coupables de capitaux

Une partie de la presse en France se fait l’écho de ces attaques sans jamais mettre en évidence les arrières pensées politiques de cette offensive et les vraies causes de la crise libanaise. La plupart des grandes banques de Beyrouth sont accusées ainsi de tous les maux sans discernement aucun et le Président de la Banque Centrale du Liban, Riad Salamé, présenté comme « le Monsieur chaos libanais -dixit « le Monde »-, ce qui est lui faire beaucoup d’honneur.. « Mediapart » récemment en a remis une louche sous la plume des amis d’ONG française ou suisse (1) qui, en déposant plainte voici quelques mois, ont favorisé les campagnes totalement orientées de la juge Aoun. Nos amis français anti corruption ont plongé dans l’Orient compliqué avec beaucoup de naïveté, voire de mauvaise foi.

C’est dans la foulée de ces combats poliitico-judiciaires douteux que le chef d’entreprise, Michel Meccataf, a été soupçonné, sans preuves, d’avoir opéré des transferts de fonds illicites vers l’étranger durant le dernier trimestre de 2019. Autant de soupçons qui n’ont jamais été démontrés par les véritables enquêtes qui restent à mener. Le Liban se porterait mieux si la justice avait révélé  les vrais auteurs des fuites de capitaux qui se sont produites dans les semaines qui ont procédé la non convertibilité de la livre libanaise.

Ghada Aoun, la Procureure alliée au clan présidentiel

La croisade de Ghada Aoun

En dépit d’une redistribution des missions au sein des parquets de la cour d’appel à l’époque, Ghada Aoun, la désormais célèbre magistrate membre de la famille du Président Aoun, médiatise des procédures judiciaires qui visent à mettre en cause tous ceux qui résistent au Liban à l’alliance que le  Président libanais a noué avec le Hezbollah chiite.

Secondée par des partisans du Courant patriotique libre (CPL) du gendre du Président libanais et protégée par des agents du Service de sécurité de l’Etat aux ordres de la Présidence, la juge avait opéré en avril 2021 une série de perquisitions, dont les locaux de la société de Michel Mecattaf qui avait fort mal encaissé cet acharnement qu’il jugeait arbitraire. D’autant que sa compagnie de convoyage de fonds jouissait d’une réelle notoriété auprès des marchés financiers internationaux avec lesquels elle traitait dans un Liban réputé pendant des décennies pour des montages financiers sophistiqués qui ont garanti sa prospérité.

Onze mois après la saisie par la force des dossiers et des ordinateurs de la compagnie, le Parquet de la cour d’appel libanaise n’a progressé en rien sur les activités de la société. Seule compte la médiatisation de la procédure judiciaire dans la perspective des élections du mois de mai qui mobilisent désormais toutes les énergies

Michel Meccataf, un homme libre

Michel Meccatf était un farouche défenseur de la souveraineté d’un Liban libre et solide. Ancien gendre du président Amine Gemayel, et proche surtout de son fils, Pierre Gemayel, assassiné en novembre 2006, il était l’une des figures éminentes du 14 Mars, ce courant politique souverainiste constitué après l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, en février 2005.

Le chef d’entreprise s’était présenté aux élections de 2018, au siège grec-catholique du Metn, sur une liste appuyée par les Forces libanaises dont il est proche, dans l’espoir de faire partie d’un bloc parlementaire qui saura dire non à l’hégémonie des armes du Hezbollah, qui empêche l’État dont il rêvait de voir le jour.

(1) Mondafrique avait enquêté sur les politiques libanais qui ont créé la coquille vide qui a déposé plainte contre le gouverneur de la Banque du Liban et dont la réputation n’est pas glorieuse

Le Gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, répond aux attaques

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)