Le terrible massacre dans le village de Solhan où 160 personnes ont trouvé la mort témoigne de l’inquiétante dégradation de la situation au Burkina Faso et de la revitalisation de l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS).
Cette tuerie confirme, s’il en était encore besoin, que les groupes d’autodéfense sont, non seulement, incapables de protéger les populations, mais pire qu’ils les exposent aux représailles.
L’impuissance des forces de défense
Dans la nuit du 4 au 5 juin 2021, des hommes armés non-identifiés se sont rendus dans le village de Solhan, province de Yagha, région du Sahel, ils ont d’abord attaqué le poste des volontaires de la patrie (VDP) puis ils sont entrés dans les concessions et se sont livrés à des exécutions sommaires contre les civils. Horreur dans l’horreur une grande partie des victimes avaient moins de 16 ans. Les premiers assaillants ont été aperçus vers 21h, l’assaut a commencé vers 2 h du matin et s’est poursuivi jusqu’à 8 h sans que personne ne vienne à leurs secours. Entre cette commune et le premier poste militaire de la ville de Sebba, il n’y a que 12 km de piste, pourtant les forces de défense et de sécurité burkinabè ne sont arrivés sur les lieux qu’après les faits. Elles n’ont donc pu que constater le drame et aider à enterrer les morts. Pire encore, lorsque l’armée a quitté la zone, les bourreaux sont revenus sur les lieux de leur crime pour casser les boutiques, piller le bétail et incendier commerces et habitations. Dans un communiqué, l’état-major des armées a démenti ces faits, mais le maire de Solhan les a confirmés à RFI.
Les milices, vecteur de la dégradation sécuritaire
Sans faire de surenchère macabre, il n’est pas exact d’écrire que ce massacre est le pire qu’ait connu ce pas depuis 2015 comme cela est écrit partout depuis 48 heures. Selon les associations de victimes, le 1er janvier 2019, à Yirgou, 210 personnes avaient été massacrées par la milice des Koglweogos et après ce drame un long cycle d’attaques/représailles s’en était suivi. Au lieu de punir les responsables et de prendre la mesure des menaces que faisaient peser ces groupes d’autodéfense sur la cohésion sociale, le gouvernement burkinabé a créé les VDP, des supplétifs de l’armée nationale en janvier 2020. Ces hommes, recrutés le plus souvent au sein de l’ethnie mossie, reçoivent une arme et un maigre salaire. Quant à la formation obligatoire de 14 jours seulement, elle n’est jamais effectuée, selon des sources militaires. D’après un communiqué du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation daté du 27 mai 2021, les VDP se sont livrés à de multiples exactions, assassinats, enlèvements et disparitions forcées sur la communauté peule dans le nord du pays. Ce groupe d’autodéfense a été lui-même la cible d’hommes armés non-identifiés et des djihadistes signant ainsi un cycle de violence sans fin.
La signature de l’Etat islamique
L’attaque de Solhan n’a pas été revendiquée et elle ne le sera probablement pas ; l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) n’ayant jamais reconnu les tueries contre les populations civiles. Pourtant tout laisse à penser que ce massacre porte son sceau, il se situe dans son territoire, celui des Trois frontières et correspond à son mode opératoire. En mars 2021, l’EIGS avait signé des carnages similaires, plus de 200 victimes en une semaine à Tahoua et Banibangou au Niger. De plus, le nouveau numéro deux de cette organisation Abu Ibrahim, le remplaçant d’Abdul Hakim, est un Burkinabè à la triste réputation, il revendique là sa toute nouvelle promotion. Par ailleurs, l’EIGS qui avait semblé très affaibli en 2020, pris en tenaille entre la force Barkhane et le JNIM de Iyad Ag Ghali qui l’a combattu tout au long de cette année-là, semble renaître de ces cendres et ses attaques contre les populations civiles augmentent de façon exponentielle.
L’inquiétante dégradation sécuritaire
A partir de la fin de l’été 2020 et le début de la campagne électorale pour l’élection présidentielle de novembre, la situation au Burkina Faso s’est sensiblement améliorée, la vie avait repris dans la ville de Djibo, dans la province du Soum, et les incidents sécuritaires avaient spectaculairement diminué. Cet état de fait était dû à des négociations, jamais reconnues officiellement, entre le JNIM et le gouvernement burkinabè. Or, depuis avril 2021, le pays a renoué avec la crise. Le mouvement de Iyad Ag Ghali a revendiqué l’attaque de Pissila contre une position des VDP, le 16 mai 2021, qui avait fait une dizaine de morts, signant ainsi la fin de la trêve avec les autorités de ce pays. Le Burkina Faso est donc de nouveau pris en étau entre l’EIGS, le JNIM, les Koglweogos et les VDP. Les incidents sécuritaires graves se sont multipliés au point qu’en mai 2021, le CICR a tiré la sonnette d’alarme. « Au fil des semaines, le nombre de victimes ne cesse de s’alourdir. Cette situation est aussi douloureuse que préoccupante » a écrit le chef de délégation de la Croix Rouge Internationale. A la même date, le CISC a lui aussi alerté et lancé un appel pressant aux autorités afin qu’elles prennent toutes leurs responsabilités.
L’inquiétude semble aussi gagner Paris. Après le drame de Solhan, Le ministre des Affaires Etrangères a annoncé, via twitter, qu’il se rendrait dans la semaine au Burkina Faso. Dans son message posté dimanche 6 juin, Jean-Yves Le Drian a aussi tenu à rassurer l’opinion sahélienne et le président Roch Marc Christian Kaboré : « Nous sommes plus que jamais déterminés à poursuivre notre combat commun contre le terrorisme au Sahel. » En une semaine, la France opère ainsi une volteface à 180% après les propos d’Emmanuel Macron dans le JDD de la semaine dernière menaçant de quitter la région. L’Elysée et le Quai d’Orsay craignent-ils d’être accusés de n’avoir pas remédié à l’effondrement du Burkina Faso
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