Quand le président angolais Joao Lourenco réécrit l’Histoire

Le 26 mai dernier, le Président angolais s’adresse à la nation par télévision interposée afin de proposer la réconciliation nationale en mémoire des « victimes des conflits politiques en Angola entre le 11 novembre 1975 et le 4 avril 2002 ». Ce jour là, Joao Lourenco se livre à d’énormes mensonges … par omission

Un article d’Yves Loiseau

 

Le 27 mai est effectivement un terrible anniversaire pour les Angolais dont la seule évocation reflète la véritable terreur qui a régenté la vie politique pendant près de cinquante ans….

Le 27 mai 1977, le MPLA, déjà au pouvoir à cette époque, a tué environ 25 000 personnes, 30000 même Amnesty Internationale. Certains, comme l’agence de presse cubaine EFE, vont jusqu’à avancer le chiffre de 90 000 morts. Une différence de chiffre hallucinante qui montre la profondeur du silence  qui s’est abattu sur ce devenu pays totalitaire. Ce carnage a disparu de l’histoire officielle, mais pas de l’inconscient collectif: c’est ce qu’on appelle l’utilisation politique de la terreur. Au point de départ de cette boucherie, un différend politique, interne au parti unique puisque les autres mouvements signataires des accords d’indépendance avec le Portugal ont été éjectés très tôt par la force.

À l’intérieur du MPLA donc, la polémique est animée par un haut dignitaire du régime, le ministre de l’intérieur, Nito Alves. Des témoins ont raconté cet épisode terrifiant, notamment au Portugal pour les Angolais qui ont réussi à fuir ou aux Etats Unis pour les conseillers ou médecins cubains qui s’y sont réfugiés. Il suffit de lire sur ce sujet  « In the Name of the People: Angola’s Forgotten Massacre » -non traduit- écrit par Lara Pawson, la correspondante de la BBC en Afrique -dont deux ans en Angola- où qui elle a eu accès aux récits de témoins qu’elle n’avait pas sollicité.

Des inégalités entre Blancs, Métis et Noirs

Ministre de l’intérieur lorsqu’il représente l’Angola au 25eme Congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique et très populaire auprès des « masses », Nito Alves était un militant très important du MPLA dont il animait la ligne la plus à gauche. Lui et ses proches veulent l’alignement de la politique du MPLA sur l’URSS et réclament l’installation de bases soviétiques en Angola alors que les Cubains sont déjà présents. Du haut des responsabilités qu’il exerce, et de sa place dans la hiérarchie du pays, il peut se permettre de formuler de telles revendications.  

Ces revendications géopolitiques ne sont pas les seules critiques que Nito Alves émet sur le fonctionnement de son propre parti: il accuse Agostinho Neto de s’entourer de métis et de blancs et de leur donner trop de place dans les rouages du pouvoir alors que lui et ses partisans souhaiteraient un état dominé par les noirs avec une ligne plus radicale et plus nationaliste. La critique n’est pas sans fondement puisque c’est le Parti communiste portugais qui a porté le MPLA au pouvoir et que les Cubains sont connus pour favoriser dans leur propre pays l’émergence des teints clairs au détriment des noirs. 

Nito Alves est alors accusé de fractionnisme et est expulsé du MPLA. Ses partisans attaquent une prison de Luanda pour tenter d’en libérer des prisonniers et la répression, tout à la fois cubaine et angolaise s’abat: «  Nous appliquerons la dictature démocratique et révolutionnaire pour en finir définitivement avec les saboteurs, les parasites et les opportunistes. » indique le bureau politique qui rassemble les fidèles d’Agostino Neto.

Le président Neto, le 1er Président de l’Angola indépendante, est pleinement responsable de ce crime monstrueux que tous les admirateurs, y compris étrangers, de ce régime communiste ont caché pour des raisons idéologiques. Avec cette question lancinante pour les Angolais: Neto, l’assassin en chef du 27 mai est-il toujours, aujourd’hui, le héros national que le MPLA continue à fêter tous les ans le jour de sa naissance après avoir érigé à Luanda un monument spectaculaire à sa gloire ? La réponse ne peut plus être positive évidemment puisqu’après ces pseudos révélations présidentielles, c’est toute l’histoire du pays qui s’en trouve revisitée…..

Mais ce règlement de compte sanglant ne s’est pas joué entre les seuls angolais: les troupes cubaines qui étaient présentes sur place ont été largement impliquées dans ce sordide épisode que Joao Lourenco vient de reconnaître -sans citer les Cubains-. Et pourtant, ce sont notamment les blindés cubains qui ont repris la radio nationale qui était tombée aux mains des « Nittistes ».

Selon les loyalistes, la révolte de « l’extrême gauche » du MPLA était un « coup d’Etat » qu’il fallait étouffer dans l’oeuf et la répression s’est abattue sur les partisans de Nito Alves et sur des milliers de personnes qui n’avaient sans doute rien à voir avec « les fractionnistes nittistes » Nito Alves a été torturé et finalement exécuté. Ainsi que ceux qui ont été cités par l’actuel Président angolais, tous membres du MPLA. Est-ce que le terme de coup d’Etat lui même est bien celui qui convient…. Ce 1er gouvernement angolais ne rassemblait aucun élu du peuple…. Il n’y a jamais eu d’élections pour installer le MPLA au pouvoir deux ans plus tôt…. En terme de propagande le terme de « coup d’état » est sans doute le plus payant mais en terme juridique il semble inadapté…. et donc mensonger !

La déclaration d’excuse télévisée de Joao Lourenco aurait pu être un geste historique dans un pays qui a connu une guerre civile. Elle ne l’ pas été !

500000 mprts durant la guerre civile

Malgré toutes ces imperfections, on voit bien que la déclaration d’excuse télévisée de Joao Lourenco aurait pu être un geste historique dans un pays qui a connu une guerre civile de plusieurs dizaines d’années et qui aurait fait 500000 morts. Il est encore temps qu’elle soit le début de ce qui devrait être une enquête en profondeur pour nettoyer le passé de ces scories honteuses qui fondent l’histoire du parti au pouvoir. Le comité de Réconciliation mis sur pied il y a quelques mois n’est qu’une parodie scandaleuse de ce qu’il devrait être. Pour ce qui concerne la période de trois ans environ qui a suivi le 27 mai 19977, le Président angolais ne peut plus s’en tirer avec l’aveu des seuls morts qu’il a cité, et qui étaient des dignitaires de l’histoire officielle du MPLA tous « loyalistes de haut rang » ou « rebelles de haut rang » mais tous membres du MPLA. Il y a aussi les autres membres du parti, les militants sans grade qui ont été fusillés dans de petites villes de province devant des fosses communes préparées à l’avance.

Cuba doit aussi des explications. Les troupes cubaines ont été largement utilisées pour récupérer le pouvoir: elles étaient la pour ça. C’était la mission du général Rafael Moracen Limonta qui en avait reçu l’ordre de Raul Castro alors ministre de la défense cubain. L’unité spéciale de troupes d’élite cubaines qu’il commandait devait assurer la sécurité du président, Agostinho Neto. Rien d’autre. Le MPLA était tellement sur de l’assise populaire de son pouvoir sur les Angolais que les instructions de Castro étaient claires « être en état d’alerte permanente parce qu’à tout moment, il pouvait y avoir une tentative de coup d’État » comme Rafael Moracen Limonta l’a expliqué au quotidien cubain Gramma et à la télévision cubaine en 2016. Gramma raconte en détail les événements tels qu’ils se sont produits et le journal n’a pas été avare de détails sur le rôle central des troupes cubaines.

Raoul Castron ministre cubain de la Défense,  à Luanda

Fin mai 1977, une semaine après la boucherie à laquelle ont donc largement participé ses troupes, Raul Castro est à Luanda. Dans le rapport qu’il fait à Fidel à son retour à la Havane -et qui est sur internet- les autorités angolaises lui disent que suite aux déclarations de Nito Alves, elles ont du expliquer plusieurs fois aux soviétiques que le MPLA n’était pas contre la politique de Moscou mais dit-il « notre mission militaire a appris que des interprètes militaires russes avaient exprimé leur soutien à Nito et à Bakalov -un des principaux « comploteurs »-… J’ai donné des instructions pour enquêter…. et comme l’indique un autre rapport, l’évaluation commune étaient que Nito, Bakalov et les autres étaient des amis de l’Union soviétique. Certains Soviétiques sont activement partisans, d’autres disent qu’ils sont neutres. Il y a aussi le cas du colonel Grishin… qui a caché un des rebelles dans sa voiture et l’a aidé à s’échapper. Connaissant les Soviétiques, et surtout leurs militaires, il est clair que des comportements et des attitudes de ce genre, même s’ils sont spontanés et reflètent les opinions personnelles d’un individu, doivent s’expliquer, en dernière analyse, par le fait que ces individus savent que leurs opinions sont conformes à celles de leurs supérieurs. » En 2021, aucun officiel cubain n’a réagi au discours de Joao Lourenco. Aucun officiel russe non plus…..

Avec ce paragraphe du rapport de Raul Castro à son frère, c’est donc également le rôle de l’URSS, dans l’origine et le suivi de ce massacre de masse, qui est posé. Est-ce que Nito Alves et ses partisans agissait avec le soutien du Kremlin comme peut le laisser supposer le rapport cubain ? Est ce qu’ils avaient donne le feu vert aux comploteurs angolais pour limiter l’influence éventuelle des troupes de Castro et de Che Guevarra sur le continent africain et obtenir in fine la création de bases permanentes qui manquaient à sa stratégie ?

De hauts représentants américains se trouvaient également à Luanda au moment de ce massacre: comment se fait-il que les Etats-Unis n’aient pas fait état de ce massacre barbare alors que la guerre froide battait son plein et que Washington soutenait Jonas Savimbi et l’UNITA ? Etait-ce à ce moment la, précisément, qu’a été négocié la poursuite de l’exploitation pétrolière américaine à Cabinda sous protection cubaine en échange du silence de Washington sur l’ampleur du massacre de communistes angolais par des communistes angolais et cubains ? Est-ce que les intérêts de la « Chevron » étaient plus important que le respect des Droits de l’homme dont se paraient volontiers les Américains dans leurs interventions en Afrique lorsqu’ils soutenaient les « combattants de la liberté » ?

Que de questions posées par le discours de Joao Lourenco toujours sans réponse à la plus importante d’entre elles: combien de morts ? ou les dépouilles ont elles été enterrées ? on parle de fosses communes en bas de falaises en bord de mer d’où les corps auraient été jetés ? On parle également de corps jetés du haut d’hélicoptères à la fin d’interrogatoires musclés ? 

Des témoins ou des victimes de ce massacre sans nom et qui ont réussi à s’échapper sont encore présents en Angola: va t on leur donner la parole pour qu’ils expliquent ce qui s’est passé ? Rien n’est moins sur dans un pays qui n’est pas particulièrement reconnu pour la liberté laissée à ses journalistes ! Le témoignage de l’un des plus célèbres d’entre eux pourrait pourtant beaucoup apporter au débat national et la recherche de la vérité, c’est celui de William Tonet, le directeur de « Folha 8 » qui a été emprisonné à l’époque pour avoir été un des Nittistes…..

Une mise en scène à visée électorale

On voit mal les Angolais se satisfaire de ce qui pourrait apparaitre comme une mise en scène de circonstance à un an d’élections présidentielles où le MPLA risque de perdre un pouvoir qu’il conserve par des coups de force successifs depuis plus de 40 ans. Par le geste qu’il a fait, Joao Lourenco a donné vie à un passé refoulé… Qu’on le veuille ou non, ce massacre est aujourd’hui officiel et est partie intégrante de l’histoire de ce pays. Même si, à ma connaissance, aucun organe de presse extérieur ne s’est intéressé à ce discours présidentiel angolais, c’est tout de même la porte de la grande Histoire de l’Afrique et de la décolonisation qui a été ouverte par cette reconnaissance officielle de Luanda.

Et l’agence gouvernementale Angop, suivant aveuglement l’exemple donné en haut lieu, et sans doute en totale complicité avec lui, a effectué le même tour de passe-passe dans son compte rendu…. un peu comme le faisait la Pravda pour les affaires de l’Union Soviétique.

L’objectif du discours du Président de la République d’Angola -qui est aussi le chef du MPLA- est que le silence et le secret persiste et il y a des chances que le mensonge par omission puisse une nouvelle fois s’imposer à la place de la vérité. Je le disais: pas une ligne dans la grande presse internationale pour évoquer cette révélation et tenter d’éclairer ce qu’elle révèle.

« La réalité » de la réconciliation

L’analyse du discours de Joao Lourenco tel qu’il a été prononcé. https://www.angop.ao/noticias/discursos-do-presidente/comunicacao-do-pr-no-ambito-da-reconciliacao-nacional-em-memoria-das-vitimas-dos-conflitos/ livre des tas d’enseignement sur la réalité de la « réconciliation » que propose le Président angolais. Rappelons qu’en Angola le chef du parti politique arrivé en tête aux élections législatives devient automatiquement le Président de la République.

Joao Lourenco raconte: « personne n’imaginait que des divisions internes des mouvements de libération…. auraient des conséquences aussi tragiques qui laisseraient des blessures aussi profondes » Quels mouvements de libération, Monsieur le Président ? Dans le cas que vous évoquez, il s’agit seulement du votre….. le MPLA !

Concernant la révolte de Nito Alves et la répression qui a suivi: « Dans le but de rétablir l’ordre, la réaction des autorités de l’époque a été disproportionnée et extreme, et des exécutions sommaires ont été pratiquées sur un nombre indéterminé de citoyens angolais dont beaucoup étaient innocents. » dites vous. C’est un aveu certes. Celui de la violence aveugle. Mais ou se trouve la responsabilité du parti de celui qui prononce le discours dans cette boucherie qui aurait peut être fait plus de 20000 morts ? 20000 morts ce ne peut pas être « un nombre indéterminé de citoyens » ! Qui d’autres que ceux qui ont exécuté le massacre peuvent donner toutes les informations qui ont été cachées jusque la.

Ou se trouve la responsabilité des Cubains dans ce carnage perpétré dans l’ensemble du pays ? Certains Cubains, qui ont témoigné à l’extérieur, ont évoqué les fusillades collectives devant des fosses communes déjà creusées ? Vous ne pouvez pas l’ignorer….. D’autres ont évoqué le soutien des Soviétiques à Nito Alves et à tous ceux qui étaient également fractionnistes et qui étaient tous membres du MPLA: « Immortal Monster », « Balakof », « Sita Valles », « Zé Van Dunem », « Urbano de Castro », « David Ze », « Artur Nunes », « Sianuk » selon leurs surnoms de « guerre », etc: qu’en est-il vraiment de cette boucherie entre frères d’armes ? La réconciliation passe t elle par la reconnaissance que ces morts sont bien les propres camarades de haut rang de celui qui a prononcé le discours ? 

Est-ce que l’Angola était le terrain d’une lutte fratricide et sanguinaire entre deux formes de communisme dont des milliers d’Angolais auraient fait les frais ? 

Est-ce que le Président angolais peut confirmer -ou démentir- que la boucherie dont nous parlons était la conséquence d’une lutte d’influence sur ce territoire d’Afrique centrale entre l’Union Soviétique et Cuba ? 

Les Angolais pris en otage

En évoquant cet anniversaire Joao Lourenco rappelle, sans l’avouer explicitement, un drame interne au MPLA: rien à voir donc avec la réconciliation nationale dont il est soi disant question. Est-ce que les camarades des militants massacrés et ceux de Joao Lourenco peuvent se réconcilier ? c’est le souhait formulé, mais  l’ensemble du peuple angolais n’a rien à voir avec cette boucherie. En fait le MPLA tente de prendre les Angolais en arbitre d’un drame dont ils ont été les témoins et les victimes mais sur lequel ils n’ont reçu aucune information officielle. C’est un tour de passe-passe qui est fait dans ce discours, pas une révélation. La réalité est que le MPLA cherche à éluder la responsabilité de l’armée dont l’actuel Président de la République a été un des plus hauts cadres pendant des dizaines d’années. On appelle ça: « passer l’éponge ! » ou « circulez, il n’y a rien à voir ! »

« Ce n’est pas le moment de pointer un doigt accusateur; chacun doit assumer sa part de responsabilité. » dit le Président Lourenco, mais c’est tout le contraire qui devrait être de rigueur: c’est le moment d’assumer ses responsabilités puisque vous venez de révéler officiellement, pour la première fois, deux drames sordides et sanglants qui ont été scrupuleusement cachés jusque la par vos prédécesseurs ! Pour le MPLA, le parti au pouvoir en Angola depuis le coup d’état qui a suivi l’indépendance en 1975, le mensonge -par omission- est toujours mieux que la vérité. Il s’agit tout de même de faire passer dans les oubliettes de l’histoire deux massacres terrifiants: environ 50.000 morts au minimum -suivant les estimations les plus crédibles- dont le parti au pouvoir depuis près de 50 ans, le MPLA, est le seul, et indiscutable, responsable. 

L’Histoire gommée

Les deux massacres évoqués -celui dit du « 27 mai 1977 » et celui dit de « la Toussaint sanglante » du 30 octobre au 1er novembre 1992- sont passés sous les radars des observateurs internationaux. Et le silence persiste, sauf pour Human Right Watch et  Amnesty International. Et, en 2021, alors que la guerre froide est terminée, les informations contradictoires manquent. Historiquement, il est maintenant de la responsabilité du gouvernement, comme l’on fait d’autres, ailleurs -Afrique du Sud, Chili, Uruguay, etc….- avant vous, de donner toutes ses chances à l’éclosion de la vérité. Ce n’est pas le cas de la pseudo commission que a été organisée jusque là et qui est une parodie de ce que investigations et justice exigent de paritarisme et d’indépendance: ce sont des juristes qui doivent être aux commandes et pas des militaires qui ne peuvent pas, à l’évidence être juges et parties.

Et alors, dans le déroulé de ce discours, quel numéro de voltige intellectuelle pour faire d’un Président de la République un formidable prestidigitateur politique. « Ni vu ni connu je cherche à embrouiller le peuple dont je suis le Président » vous accrochez au premier massacre commis par le MPLA un second massacre, « la Toussaint sanglante » commis par le même parti dans d’autres circonstances, des dizaines d’années plus tard, contre les 8 principaux partis d’opposition de votre pays -avec des incidences diverses suivant leur importance- et deux ethnies angolaises. A la boucherie commise par le MPLA contre ses propres militants, le Président Joao Lourenco accroche sans autre forme de procès, et toujours sans les nommer, ce que l’on a appelé aussi les « massacres d’Halloween ».

Dans les deux cas, il n’y a jusqu’à aujourd’hui aucun document officiel sur ces boucheries commises par le parti unique qui s’est installé au pouvoir, dès 1975, en violant, d’entrée de jeu, les accords de décolonisation passés avec le Portugal. 

Des cadavres couverts de crachats

En 1992, ces massacres qui ont duré trois jours et ont eu lieu dans tout le pays visaient en premier lieu les responsables de l’UNITA de Jonas Savimbi et ceux du FNLA de Roberto Holden, mais aussi par extension tous les Ovimbundus et les Bakongos que l’on pensait proche de ces deux partis. Huit Partis politiques avaient contesté les élections et le MPLA les a tous frappés. Dans ces trois jours sanguinaires, la responsabilité personnelle de Joao Lourenco est directement engagée parce qu’à l’époque il était ministre de l’Information, tous les soirs à la télévision pour commenter les événements. C’est lui qui a présenté aux téléspectateurs angolais les cadavres des dignitaires de l’UNITA, extraits de leur voiture avant d’être fusillés, avant que les corps ne soient frappés à coups de pieds par les policiers  et arrosés de crachats .

Jeremias Kalundula Chitunda, le vice président de l’UNITA présent à Luanda pour négocier avec le MPLA, est assassiné à la fin d’une séance de négociation. Les massacres ont commencé à midi le 31 octobre par des attaques des Brigades anti émeutes sur toutes les implantations de l’UNITA à Luanda. Cela faisait plusieurs semaines que des armes avaient été distribuées dans les quartiers à des militants de votre parti d’origine kimbundus pour la plupart, regroupés dans l’Organisation de la Défense Populaire et les Brigades de Vigilance Populaire. L’armée y a bien évidemment participé également. Les deux rapports de Human Right Watch et d’Amnesty International sont formels: la préparation de ce massacre a commencé à la mi octobre avec la distribution des armes qui aurait culminé le 28 et le 29. Ce massacre était donc parfaitement prémédité et organisé. Et il a eu lieur également dans d’autres villes: Huila, Lubango -Hotel Imperio-, Soyo, Benguela, Lobito et dans un camp de l’UNAVEM à Ndalatando

Suivant les églises, le nombre des morts seraient compris entre 25 000 et 40 000 personnes assassinées. Ces exactions sans nom sont racontées ainsi par Amnesty International « le droit à la vie bafoué ! Londres Aout 1993 » « Dimanche 1er novembre 1992: les rues de Luanda sont jonchées de cadavres. Certains se consument lentement après avoir été arrosés d’essence et incendiés. La plupart étaient des sympathisants présumés ou avérés de l’UNITA »Je passe les détails sur la description d’un certain nombre d’exécutions et de lieu de fosses communes: cimetières, prisons, poste de police qui devraient faciliter les recherches alors que le discours présidentiel affirme: « on s’attend à ce qu’il ne soit pas possible de localiser et d’identifier les restes de toutes les victimes ! » 

En représailles, l’UNITA aurait effectué, à son tour, dans les zones qu’elle contrôlait des massacres de militants du MPLA et de civils kimbundus. Cependant, dans les provinces, Amnesty note que les massacres qui auraient été pratiqués par l’UNITA ont été beaucoup moins documentés et que l’on ne sait pas très exactement combien d’Angolais ont péri dans ces épisodes qui auraient duré plusieurs mois après les élections. 

 

L’ex Président Dos Santos coule des jours paisibles en Espagne

 ÉDITO, L’INCROYABLE IMPUNITÉ DE L’EX PRÉSIDENT DOS SANTOS

Voila une bonne occasion de pratiquer la réconciliation prônée, aujourd’hui, par le Président angolais: dans un régime multi parti, ce qui est officiellement le cas de l’Angola. e Chef de l’Etat ne peut pas réagir comme le chef d’un seul parti même -et surtout- s’il est dominant, la réconciliation implique que toutes les parties concernées aient la possibilité d’enquêter et de se défendre si elles sont mises en cause. Est ce que les assertions rendues publiques par Joao Lourenco sont exactes ? Combien de morts ont fait ces massacres terrifiants ? Qui est responsable ? Qui est coupable ? et j’ose demander parce que pas une seule fois le discours n’en parle -pas une seule fois- comment la justice va t elle passer ? Ces cas sont ils encore du ressort de tribunaux internationaux ? Vont ils rester impunis ?

De 1975 à 2002, la propagande du MPLA a diabolisé ses adversaires au point qu’en 2021 on disait encore aux étudiants en journalisme d’une université de Montréal que « Savimbi était le Hitler de l’Afrique »… Je ne ferai pas de commentaires sur la façon dont les deux premiers Présidents angolais ont conduit leur peuple, selon moi, c’est aujourd’hui du ressort de la justice mais je note tout de même que pour associer l’UNITA et son ancien leader, Jonas Savimbi, le Président angolais, sans citer une seule fois le principal parti d’opposition ni son défunt chef, fait état de deux règlements de compte qui demandent effectivement de véritables enquêtes: le meurtre de Tito Chigungi et de Wilson dos Santos ainsi que ceux de leurs familles -membres de l’UNITA-, l’attentat contre le train Zenza-do-Itombe -condamné par le Conseil de Sécurité en son temps et qui a fait 150 morts civils et attribué à l’UNITA- la mort de « braves femmes brulées à Jamba » comme le dit Joao Lourenco « et des martyrs des villes de Cuito et de Huambo et d’autres qui ne sont pas mentionnés ici ! » et dont on subodore qu’ils sont également attribués à l’opposition puisque le Président de la République ne donne pas d’autres détails…..

Un régime « terroriste »

Et pourquoi s’arrêter en 2002 puisqu’en 2015, le 16 avril les « Niinjas », la police anti émeute du régime MPLA est accusée d’avoir commis un massacre de plus de 1000 personnes sur le Mont Sumi dans la province de Huambo. Un nouveau drame dont le MPLA est entièrement -et seul- responsable et qui prouve que la terreur est incluse dans la gouvernance de ce parti. Les deux premiers massacres de 1977 et de 1992, même s’ils doivent rester comme une tache indélébile pour le MPLA, peuvent être imputés au climat de « guerre civile » qui régnait dans le pays. Je n’y crois pas mais je l’écris. Mais ce massacre de 2015 sur une secte adventiste du 7eme jour en train de prier, alors que le pays est en paix depuis 13 ans, montre bien, sans discussion possible, la nature profonde de ce régime fondamentalement « terroriste ».

En lisant ce discours insensé, je me demande comme un chef d’état peut ainsi, en 2021, tenter de quelques traits de plume, et sans envisager une seule seconde que la justice des hommes puisse s’intéresser à ses massacres, effacer de la mémoire collective et de l’histoire de l’Afrique une centaine de milliers de personnes. Le Président dos Santos, dont la famille est déjà rendue responsable de détournements de fonds sans précédent, peut aujourd’hui être accusé d’avoir du sang sur les mains: il coule des jours paisibles en Espagne sans avoir, semble t il été incriminé dans aucune des actions que vient de révéler son successeur

                                                                                  Yves Loiseau