Fonds de la Défense – un 2e journaliste arrêté au Niger

Ali Soumana, le directeur de publication du Courrier

Ali Soumana, le directeur de publication du Courrier, a été interpellé dimanche et placé en garde à vue à la police judiciaire de Niamey, en vertu de la nouvelle loi contre la cybercriminalité, de plus en plus utilisée au Niger pour contourner la loi sur la presse qui protège les journalistes des mesures de privation de liberté. Présenté à un juge, il a été remis en liberté mardi.

C’est le retentissant scandale des détournements au ministère de la Défense, estimés en février à 76 milliards de francs CFA par l’Inspection générale des Armées, qui vaut cette arrestation au journaliste, après avoir déjà envoyé en prison depuis un mois l’activiste nigérienne Samira Sabou. Paradoxalement, les fournisseurs et intermédiaires mis en cause dans le dossier n’ont toujours pas écopé de la moindre sanction pénale ni garde-à-vue.

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Dans une publication sur les réseaux sociaux le 11 juillet, Ali Soumana écrit que « les commerçants mis en cause dans le rapport d’audit ont commencé à défiler devant l’agence judiciaire de l’Etat, la structure étatique qui est née sur les cendres du service du contentieux de l’Etat. » On leur y proposerait l’alternative suivante : soit ils s’engagent sur un moratoire de remboursement, soit ils sont menacés de poursuites et d’une incarcération, poursuit le journaliste. Aucun refus de payer n’a encore été enregistré à l’en croire.

Toujours pas d’information judiciaire ouverte

Il affirme aussi que, contrairement à ce qu’avait laissé entendre le procureur de Niamey le 23 juin dernier, « le dossier n’a jamais été transmis, à ce jour, à un juge d’instruction ».

A la suite de la publication du rapport d’inspection révélant les dessous des marchés publics du ministère de la Défense de 2017 à 2019, un deuxième rapport, non signé cette fois, a évalué, le 29 mars, après audition des fournisseurs et négociation avec eux, le montant détourné à 30,6 milliards de francs CFA.

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Devant le tollé provoqué par cette gestion étonnamment permissive du scandale, dans un contexte très sensible en raison des pertes déplorées sur le front par l’armée nigérienne, les autorités ont finalement saisi le parquet de Niamey. En enquête préliminaire, la police judiciaire a entendu les fournisseurs ainsi que, pour la première fois, quelques uns de leurs éventuels complices au ministère de la Défense.

Dans son rapport, la police judiciaire a encore revu le préjudice de l’Etat à la baisse, à 18 milliards de francs CFA. Sur la base de ce rapport, le 23 juin dernier, le procureur de la République a publié un communiqué estimant qu’il « ressort de l’examen du dossier des faits susceptibles de recevoir des qualifications pénales et justifier l’ouverture d’une information judiciaire contre des personnes dénommées et leurs complices pour plusieurs infractions à la loi pénale. »

Mais manifestement, tout est fait pour qu’aucun juge d’instruction ne soit saisi de l’affaire, considérée par les observateurs comme très dangereuse pour le régime de Niamey, en raison de la proximité notoire des fournisseurs avec les plus hautes autorités du pays. Cette gestion du dossier pose cependant de nombreuses questions de légalité.

Ali Soumana est membre du consortium d’investigation ouest-africain Cenozo, qui a réclamé sa libération immédiate.

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