La famille de l’économiste Ayman Hadhoud n’a appris sa mort que le 9 avril. Or son décès dans les geôles égyptiennes remontait au 5 mars, un mois après sa disparition. Les autorités nient toute torture et disparition forcée, une pratique dont sont victimes d’innombrables Égyptiens et évoquent « un accident cardiaque » et autres fables.
Au cours des quelques dernières années, les autorités égyptiennes ont inlassablement sévi contre les organisations non gouvernementales, promulgué la loi draconienne de 2017 qui interdit effectivement tout travail indépendant par des organisations non gouvernementales, et poursuivi en justice de nombreux employés d’organisations égyptiennes.
Les autorités ont également gelé les avoirs des défenseurs et des organisations les plus influents du pays et émis à l’encontre d’un grand nombre d’entre eux, des interdictions de voyage. En avril 2018, le gouvernement qui avait annoncé son intention d’abroger la loi abusive de 2017 interdisant les ONG, mais n’a rendu public aucun nouveau projet de loi.
Les autorités égyptiennes ont également exercé des représailles contre les défenseurs et activistes des droits humains pour avoir coopéré avec des observateurs de la situation des droits humains régionaux et internationaux, notamment des agences et experts des Nations Unies. Fin 2018, les autorités égyptiennes ont détenu plusieurs citoyens qui s’étaient entretenus avec la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le logement convenable pendant sa mission officielle en Égypte, ont en plus, démoli leur maison et leur ont interdit de voyager. Le gouvernement a nié tout agissement répréhensible et accusé le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et d’autres responsables des Nations Unies d’avoir violé les normes des Nations Unies et d’avoir opté pour « les mensonges » des organisations « terroristes ».
En septembre 2017, des agents de la sécurité ont empêché Ibrahim Metwally, juriste et co-fondateur de l’Association des familles des disparus, de se rendre à des réunions avec des fonctionnaires des Nations Unies à Genève. Les agences de sécurité l’ont arrêté à l’aéroport et l’ont tenu au secret pendant quelques jours. Il se trouve encore en « détention préalable au procès » pour des chefs d’accusation grotesques.
Les autorités égyptiennes répriment sévèrement depuis un certain temps toute dissidence et réduisent à néant l’espace d’expression ou de rassemblement pacifiques avant le scrutin public tenu entre le 19 et le 22 avril sur les amendements constitutionnels draconiens qui renforceront le contrôle de l’armée sur la vie publique et politique, et saperont encore davantage l’indépendance judiciaire déjà bien réduite.
Depuis qu’al-Sissi s’est assuré un deuxième mandat par les élections de mars 2018 qui n’ont été dans l’ensemble ni libres, ni équitables, ses forces de sécurité ont intensifié une campagne d’intimidation, de violence et d’arrestations arbitraires contre ses opposants politiques, les activistes et d’autres qui ont exprimé des critiques, même très mesurées, du gouvernement. Le gouvernement et les médias d’état égyptiens ont font passer cette répression comme une lutte contre le terrorisme et al-Sissi a de plus en plus fréquemment invoqué le terrorisme et la loi sur l’état d’urgence du pays pour réduire au silence les activistes pacifiques.
En juillet 2013, le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine a suspendu la participation de l’Égypte à toutes les activités de l’Union africaine à la suite de la destitution forcée de l’ex-président Mohamed Morsi par l’armée conduite par al-Sissi, alors ministre de la défense. La suspension a pris fin après l’élection d’al-Sissi en juin 2014.
Mais l’Égypte n’a pas véritablement enquêté, ni demandé de comptes à aucun responsable ou membre des forces de sécurité concernant les massacres de manifestants pendant l’été 2013 en dépit des demandes nationales ou internationales, notamment de la CADHP, et malgré les preuves à charge. En août 2013, les forces de sécurité égyptiennes ont très vraisemblablement massacré au moins 817 personnes en quelques heures pendant la dispersion de la manifestation assise, essentiellement pacifique, de soutien à Morsi sur la place Raba du Caire. Ce massacre est susceptible d’avoir constitué un crime contre l’humanité.
« En accueillant de telles sessions, l’Égypte tente de blanchir son désastreux bilan d’abus », a déclaré George Kegoro, directeur exécutif de Kenya Human Rights Commission. « La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples devrait saisir l’occasion d’interpeller le gouvernement égyptien au sujet de ses propres actions qui menacent les droits et la vie même, de nombreux Égyptiens. »