Affaire SOMELEC/WARTSILA : derniers rebondissements et diplomatie de façade

Dans l’affaire SOMELEC-WARTSILA, une affaire dans l’affaire a occupé la diplomatie mauritanienne et d’Arabie Saoudite toute la semaine… Rappel des événements précédents : – Le 9 janvier l’ONG anti-corruption SHERPA reçoit, suite à des échanges d’informations entre les deux organisations, un email de la Banque Islamique de Développement (BID) annonçant sa décision de sursoir à sa décision de financer le projet d’extension de la Centrale électrique de Nouakchott, attribué de gré à gré à la société finlandaise Wartsila pour un montant d’environ 50 millions €. – A la suite de cette annonce, une première concernant le financement par un bailleur international d’un projet mauritanien, les médias et la classe politique mauritanienne s’emparent de l’affaire.

831CD71809E245DFAC15035B8B6305E3Reculade ou opération de communication visant à « sauver les meubles » ?

En début de semaine, face au tollé provoqué en Mauritanie par l’annonce de l’ONG anti-corruption SHERPA, la BID se fend d’un communiqué qui semble nier les affirmations de SHERPA… En fait c’est l’impression qui souhaite être donnée en termes de communication mais la Banque, sur le fond, confirme exactement les affirmations de l’ONG, à savoir que sans abandonner le financement de la première tranche du projet elle sursoit à sa décision de participer au projet d’extension tant qu’un appel d’offres n’est pas lancé en toute transparence.

Diplomatie de façade…

Mais là où cela devient savoureux c’est quand le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, trépigne de colère et force les dirigeants de la BID ainsi que le Ministre des Finances d’Arabie Saoudite à une sorte de danse du ventre diplomatique. En effet, un sommet de l’investissement Mauritanie – Pays arabes se tenait à Nouakchott en début de semaine. Il a d’ailleurs été question de l’annuler, mais il fallait sauver la face… Dans ce cadre l’Arabie Saoudite était représentée par son Ministre des Finances et le représentant de la BID, qui a affirmé avec force dans les médias proches du pouvoir que rien n’était remis en cause de la collaboration entre son entité et l’état mauritanien (ie la SOMELEC). Des engagements de nouveaux financements ont par ailleurs été pris lors de ce sommet, mais qui ne concernent pas directement la BID. La colère d’Aziz était telle que de lourdes pressions ont pesé en coulisse sur la représentation d’Arabie Saoudite, si bien qu’en catastrophe le Président de la BID, qui ne devait pas participer au sommet, a été dépêché en catastrophe mardi matin 28 janvier pour rencontrer le président mauritanien et calmer sa colère. Ou comment un dirigeant sans foi ni loi particulièrement corrompu parvient à faire plier, au moins dans la forme, les dirigeants d’un pays puissant. Aziz a depuis été nommé président pour un an de l’Union Africaine, ce qui n’augure rien de bon pour la crédibilité de l’organisation.

SHERPA persiste et signe

Depuis lors, mercredi 29 janvier, SHERPA s’est fendu d’un autre communiqué pour ré-affirmer les termes de sa première annonce, à savoir que le projet de financement de l’extension de la Centrale était suspendu en attendant un appel d’offres transparent et de faire toute la lumière sur les soupçons de corruption qui entachent l’attribution à Wartsila de la première tranche du marché.

Malgré la colère et les rodomontades du dictateur, malgré l’opération de communication de la BID pour brouiller les cartes et lui faire plaisir, les faits sont là : comme la plupart des marchés publics en Mauritanie ce gros projet d’infrastructure électrique est entaché de soupçons d’irrégularités voire de corruption à grande échelle. Et tout le monde en Mauritanie sait ce qu’il en est, ainsi que de l’état de délabrement de l’entreprise publique en charge du dossier, la SOMELEC, en quasi-faillite structurelle. Tous ces grands projets ne servent qu’à afficher une ambition de développement de façade (qui ne profite finalement jamais à la population toujours en grande partie privée d’électricité), et à engraisser le clan des proches du pouvoir …

PAR GARY BOUVIER