Comment comprendre l’incroyable histoire de « Tunisie-Télécom » qui dilapide des millions d’euros et fraude les douanes, via sa filiale mauritanienne, comme le raconte Mondafrique (voir l’enquète ci dessous)? Dans la Tunisie de 2017, une telle gabegie s’explique, hélas, par le retour de pratiques douteuses que l’on croyait enterrées depuis la fuite du président Ben Ali et de son épouse, le 14 janvier 2011.
Leila Trabelsi, dégage!
Souvenons nous: les années 2000-2010 furent celles où la famille de Leila Trabelsi, que j’avais surnommée dans un livre « la régente de Carthage » (1), faisait main basse sur la Tunisie. Le clan de la première dame peuplée de petits voyous, dont le plus emblématique fut son neveu Imed, volait les terrains à construire, pillait les entreprises publics ou encore s’exonérait de droits de douanes. Autant de prédateurs qui ruinaient les banques publiques, décourageait les vrais entrepreneurs et ruinaient la classe industrieuse..
.Après la fuite de Ben Ali, le 14 janvier 2011, vers l »Arabie Saoudite, la meilleure des maisons de retraite pour dictateurs vieillissants, on pouvait espérer que la page serait tournée, les coupables punis et l’économie enfin débarrassée des voleurs.
Or il n’en est hélas rien. Pire, les malversations se sont généralisées et la corruption s’est démocratisée. Sur fond de mauvaise gouvernance et de crise économique où l’on voit le dinar dégringoler en chute libre.
Sur le banc des accusés
Sans que pour l’instant les preuves de détournement d’argent aient pu être produites, on assiste au sein d’un grand groupe comme Tunisie Télécom au délitement des responsabilités et au gaspillage de l’argent public, sans que les pouvoirs publics ne réagissent. Voici un an, cette société de téléphonie engloutit 300 millions d’euros dans le rachat d’une filiale à Malte dont la rentabilité est mal assurée.
Cette acquisition acrobatique avait été contestée aussi bien par le Premier ministre, alors Habib Essid, que par le puissant syndicat tunisien de l’UGTT, et plusieurs ministres, dont celui de l’Energie, Mongi Marzoug. Les dirigeants de Tunisie télécom furent sommés de s’expliquer devant la très officielle « commission de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption » du jeune parlement tunisien. Mais rien n’y a fait. Les dirigeants de Tunisie Télécom sont passés en force, sans impliquer ni le Ministère des Finances et ni la Banque Centrale, les partenaires habituels des opérations financières des groupes publics.
Complicités inavouées
Et voici qu’aujourd’hui, alors que la presse apporte les preuves que la filiale de Tunisie Télécom, la société Mattel, fraude les douanes mauritaniennes, personne à Tunis ne semble s’en inquiéter. Pourtant la réputation de ce pays, si fier d’avoir tracé la voie de la démocratie et de la transparence lors du printemps arabe, est en jeu.
Le pédégé de « Tunisie Télécom », Nizar Bouguila, qui semble « couvert » par les autorités, bénéficierait-il de complicités inavouées au sein de l’administration et du gouvernement? L’actionnaire minoritaire émirati aurait-il quelques entrées discrètes au Palais de Carthage? A moins que la gabegie soit telle dans la Tunisie de 2017 que les patrons des entreprises publiques peuvent conduire leurs embarcations où bon leur semble et même au risque de se fracasser contre les récifs?
LIRE L’ENQUETE DE MONDAFRIQUE SUR TUNISIE TELECOM
La filiale mauritanienne de Tunisie Télécom frauderait les douanes