Yves Mamou: « le 1er novembre en Israël, des élections pour rien » 

Les Israéliens se rendront aux urnes le 1er novembre prochain, pour la cinquième fois en deux ans et demi, sans que les questions qui fâchent (les menaces extérieure et intérieure, la hausse des prix alimentaires, l’envolée des prix de l’immobilier…) ne fassent vraiment partie du débat. Seule question qui compte, « Bibi », alias Benjamin Netanyahu, aura-t-il une majorité ?  –

Une chronique d’Yves Mamou

Alors que les violences se multiplient en Cisjordanie, que Gaza peut entrer en éruption à tout moment, que le Hezbollah menace de redéfinir à lui tout seul les frontières maritimes d’Israël et que le dossier du nucléaire iranien demeure en suspens, la question sécuritaire demeure étrangement marginale, voire absente, du débat électoral en Israël. Les Israéliens se rendront aux urnes le 1er novembre prochain, pour la cinquième fois en deux ans et demi, sans que les médias et la classe politique abordent de front les menaces extérieure et intérieure qui mettent en jeu la survie du pays, les mêmes menaces depuis plus de 70 ans.  –

Ni la vertigineuse hausse du coût de la vie, ni l’extrême difficulté des jeunes à se loger à Tel Aviv, poumon économique du pays, ni le rôle trop important des juges et de la cour suprême dans la vie politique du pays ne percent dans un débat politique particulièrement atone. L’œil et la voix des commentateurs israéliens ne s’animent que sur un seul sujet :« Bibi » (Benjamin Netanyahu) ! L’homme que la gauche, les médias et les juges n’en finissent plus de tenter d’abattre, réussira-t-il à monter une coalition qui le portera au poste de premier ministre ? « Bibi a monopolisé le débat. Il se présente comme le sauveur de la population et cela convainc », explique l’économiste Jacques Bendelac. 

A quatre semaines des élections!

Benjamin Netanyahu a fédéré autour de lui trois partis d’extrême droite et deux partis religieux orthodoxes. Rien ne garantit qu’il obtiendra une majorité d’au moins 61 députés, mais sa personnalité clive toutes les situations : ainsi, le parti Esprit Sioniste que la sémillante Ayelet Shaked, ex-numéro 2 de Naftali Bennet, a monté de toutes pièces avec Yoaz Hendel, un laisser pour compte de la droite, a explosé en vol parce que ce même Hendel refusait de participer à une éventuelle coalition sous l’égide de Netanyahu.

Quarante listes sont aujourd’hui en compétition. Dans ce système de proportionnelle intégrale ou les plus petits des partis font et défont les majorités, c’est la foire d’empoigne. On compte même un parti pro-cannabis dont le leader est aujourd’hui en prison.

Les chances de Bibi sont toutefois accrues par le fait que ses adversaires se présentent en ordre dispersé. Yaïr Lapid, premier ministre sortant et chef du parti centriste Yesh Atid, n’a ainsi pas réussi à fédérer sous son aile le Meretz (islamo-gauchiste) et le Parti travailliste (gauche socialiste), deux organisations dont le nombre de députés baisse régulièrement. Yaïr Lapid aurait pu mettre en avant le fait qu’il a écrasé le Jihad Islamique Palestinien de Gaza en aout dernier, mais il préfère tenter de séduire les électeurs sur le thème de la parité homme-femme.

Dispersion du coté arabe

La liste arabe unie elle-même n’a plus rien d’uni. Le parti nationaliste arabe Balad a déclaré jeudi dernier qu’il sortait de la liste commune et présenterait une liste séparée lors du scrutin de novembre. Si Balad n’atteint pas le seuil minimum de 3.25% des voix, il n’aura aucun député et ses votes auront été gaspillés.

Les sondages récemment effectués laissent penser que la mobilisation de l’électorat musulman (20% de la population) – longtemps historiquement faible – le sera plus encore le 1er novembre, analyse l’agence américaine Associated Press (AP).

Cette désunion des anti-Bibi s’explique sans doute par l’échec de la précédente coalition. Le 23 mars 2021, une coalition hétéroclite de huit partis s’était constituée, uniquement dans le but de chasser Benjamin Netanyahu du pouvoir. Mais cette alliance « anti-Bibi », qui associait des partis de gauche et d’extrême gauche, des partis de droite – notamment Yamina, le parti sioniste religieux de Naftali Bennet et Israel Beteynou d’Avigdor Liberman, deux partis qui auraient dû se retrouver aux côtés de Benjamen Natanyahu – ainsi que la Liste arabe unie dirigée par Mansour Abbas, leader des Frères Musulmans, était trop fragile et porteuse de trop d’intérêts contradictoires pour durer très longtemps.

Si cette cinquième élection échouait à donner au pays une majorité stable, la crise du système politique israélien, à savoir l’incapacité des électeurs à stabiliser leur démocratie, ajouterait aux difficultés sécuritaires et économiques du pays.

Yves Mamou