La faute fatale que fut l’invasion du Koweit

Le 2 Août 1990, Saddam Hussein envahissait le Koweit, une date qui correspond à une descente irrémédiable du monde Arabe aux Enfers. Une chronique signée par Skander Ounaies, professeur à l’Université de Carthage (Tunisie).

 Le 2 Août 1990 , à l’aube , Saddam Hussein envahit le Koweït ,une sorte de « Blitzkrieg » à l’irakienne, qui verra la soldatesque irakienne arriver au centre de Koweït-city en l’espace de quelques heures. La plupart des responsables koweitiens étaient soit en Egypte, ou encore à Beyrouth et à Londres pour les vacances. L’Emir du Koweït ne devra son salut que grâce à l’intervention héliportée US qui le fera évacuer in extremis avant l’arrivée du commando irakien chargé de le capturer.

Un pillage général

Commencera alors le pillage , en bonne et due forme du pays par les troupes d’occupation, (le mot est faible), vu les exactions en termes de droits de l’homme, commises sur la population du Koweït . Ce pillage prendra fin le 28 Février 1991, date de la libération du Koweït, par la coalition des 35 pays menée par les USA .Toutefois, la guerre contre l’Irak continuera, sous une autre forme, avec un embargo qui va engager le fameux programme de l’ONU « pétrole contre nourriture », programme qui durera prés de 13 ans (1990- 2003), et ne sera définitivement levé qu’en 2010.

Ce programme prévoyait des dépenses de l’ordre de …4 milliards de dollars annuels , en nourriture, médicaments , infrastructures, pour une population de 22 millions d’habitants !!! Il générera à une large échelle, de la mauvaise gestion (ONU), de la corruption (régime irakien) et de la contrebande (pays voisins de l’Irak), à tous les niveaux, et n’empêchera pas la mort de prés de 500.000 enfants irakiens, à propos desquels la Secrétaire d’Etat US Madeleine Albright dira textuellement durant l’émission  « 60 minutes » de CBS News,le 12 Mai 1996 que «(..) cela valait la peine de tuer 500.000 enfants irakiens  », en somme un détail de la Guerre du Golfe !!!

Comment en est on arrivé à ce stade de folie ? Pour comprendre cet enchainement désastreux, il faut remonter à deux événements majeurs précédant la première Guerre du Golfe :

 Le premier événement est la Guerre Iran-Irak, qui durera 8 ans (1980 -1988) et dont les objectifs étaient, pour l’Occident de tuer dans l’œuf la Révolution Islamique en Iran, par le truchement de l’Irak, vu l’idéologie de Khomeiny de propager la Révolution dans le monde, et pour l’Irak de récupérer les avantages territoriaux perdus suite à l’accord d’Alger (6 Mars 1975) ,du temps de la puissance militaire du Shah ,et de profiter de la désorganisation de l’Iran pour l’écarter définitivement comme puissance régionale rivale et dangereuse. Cette guerre verra, entre autres, l’utilisation de missiles lancés, de part et d’autre, sur les villes, et surtout, une dette extérieure de l’Irak en 1990, équivalente à 86 milliards de dollars, ce qui est un montant énorme pour l’époque. Ce point constituera, plus tard le cœur du problème avec les pays occidentaux qui ont « soutenu » l’Irak dans sa guerre contre l’Iran, et surtout avec les monarchies du Golfe, et en particulier le …Koweït ;

Le second événement est la présentation à la télévision irakienne par Saddam Hussein, le 9 Mai 1990, de détonateurs de bombes nucléaires.

Le « gendarme » du Golfe qu’était l’Irak s’affranchissait des règles tacites édictées par ces mêmes Chancelleries et se lançait dans l’industrie d’armement de technologie de pointe. On assistait à un risque majeur de rupture de l’équilibre s régional, qui doit toujours être en faveur d’Israël. L’Irak (et le Monde Arabe ) sont poussés vers l’abime après de multiples sous-entendus que ,malheureusement, Saddam Hussein ne saura pas décoder. Le Raïs n’a quasiment aucune expérience internationale, à l’exception de deux voyages officiels, l’un en France et l’autre en ex URSS.

Ainsi, l’ambassadrice américaine en Irak, April Glaspie, dira au dirigeant irakien que les USA ne se mêleraient pas des affaires du Monde Arabe (ce que Saddam Hussein a décodé comme : « vous pouvez envahir le Koweït ,on ne bougera pas !!!! »).

Quelles ont été les conséquences majeures de ce conflit à l’échelle mondiale, et surtout pour le Monde Arabe ?

1) Au niveau mondial :

-au niveau politique mondial, lancement du « Nouvel Ordre Mondial », par le Président américain      H .G. Bush qui va consacrer, à travers l’ONU, le droit d’ingérence et le principe de l’intervention multilatérale ;

– au niveau géoplitique, localisation et domination permanentes des USA dans le Golfe, une région qui assure prés de 30 % de la production mondiale de pétrole et surtout prés de 60% des réserves mondiales ;

2) A l’échelle du Monde Arabe :

– destruction d’un équilibre, il est vrai précaire (Iran/Irak), avec renforcement de l’axe chiite dans la région, surtout après le seconde Guerre du Golfe (2003), axe hyper dominant en Iran et majeur en Irak , et « libération » des velléités d’autonomie pour les Kurdes de la région ;

– L’émergence du terrorisme très vite devenu islamique (Etat Islamique ou « Daech » selon l’acronyme arabe) avec toutes ses conséquences actuelles dans «  l’arc de crise » qui s’étend, selon plusieurs analystes, du Maghreb au Pakistan (principalement en Syrie, Irak, Liban, Lybie), avec une extension vers l’Afrique sub- saharienne (Mali, Niger, Nigéria) ;

– Des développement de l’Iran en tant que puissance régionale interventionniste dans les conflits régionaux (Syrie, Liban) avec des résultats particulièrement probants en Syrie. Ce même développement (technologique, militaire) a fait que l’Iran est considéré comme une menace par une autre puissance régionale (sunnite), à savoir l’Arabie Saoudite, dont toute la politique étrangère consiste à le contrer ;

-La dernière crise entre le Qatar et les autres pays de la région, a montré d’une part l’alignement immédiat derrière l’Arabie Saoudite des autres Monarchies du Golfe plus l’Egypte, à part le Koweït qui a toujours cherché une politique relativement équilibrée dans la région. On retrouve cet alignement au niveau de la coalition contre les Houthis du Yémen, faction soutenue par l’Iran, bien qu’il s’en défende ;

– L’apparition d’un même objectif (contrer l’avancée de l’Iran par tous les moyens) pour des pays supposés antagoniques qui sont l’Arabie Saoudite et Israël, avec une implication évidente au niveau de l’intervention pour la résolution du dossier palestinien, implication qui a fait ressortir des propositions nouvelles de la part du Prince Héritier Mohamed Ben Salmane ;

– Enfin, l’apparition d’un nouvel acteur sur la scène du Moyen Orient et du Golfe, à savoir la Turquie, dont le rôle dans le conflit syrien (problème kurde) et la crise avec le Qatar, a montré une implication régionale de plus en plus visible, qui est peut être, la cause réelle de la crise actuelle avec les Américains.

En conclusion, une région instable, des richesses dilapidées, trois grands pays dominants (Iran, Arabie Saoudite, Turquie) aux objectifs opposés, sans parler du rôle décisif d’Israël dans la région. Voilà donc la nouvelle équation complexe à résoudre dans la région du Golfe

Ces événements sont parfaitement analysés par Said K. Aburish dans sa biographie            « Le vrai Saddam Hussein » (2003), éditions Saint Simon.

 

1 COMMENTAIRE

  1. Il n’y a jamais existé de « révolution islamique » sauf à parler de la révolution anti-esclavagiste appelée « révolte des Zanj » où les kharidjites firent scission de l’Islam contre les sunnites et les chiites.
    Une révolution abolit une casemate d’une classe sociale – partie de la state des Parasites – et ouvre une période de révolisation.
    Période de révolisation qui sera cloturé par une contre-révolution (remettant en selle la classe sociale dont la casemate a été détruite) ou une thermidoration (par la construction comme en 1794 Thermidor ou 1927 Russie d’une nouvelle casemate protégeant une nouvelle classe sociale spoliatrice.
    Si la chute du Shah d’Iran ouvrit une telle période de révolisation, les fascistes ribanazis la refermèrent presque aussitôt en installant une nouvelle casemate protégeant les banques et le système capitaliste. Comme Hitler protégea les banques et le système capitaliste.
    Khomeini soutenu secrètement par l’impérialisme (depuis ses offres de service de 1963) mit en place une CONTRE-révolution pour saboter une véritable révolution que craignaient ses maîtres.
    Comme tous les fascistes missionnés par la bankoslavoisie, les ribanazis iraniens imitèrent une (toute) petite partie de ce qu’auraient fait de véritables révolutionnaires.
    Sauf évidemment la fermeture des banques et l’abolition historique du crédit
    Ce paragraphe

    – Le premier événement est la Guerre Iran-Irak, qui durera 8 ans (1980 -1988) et dont les objectifs étaient, pour l’Occident de tuer dans l’œuf la Révolution Islamique en Iran, par le truchement de l’Irak, vu l’idéologie de Khomeiny de propager la Révolution dans le monde, et pour l’Irak de récupérer les avantages territoriaux perdus suite à l’accord d’Alger (6 Mars 1975) ,du temps de la puissance militaire du Shah ,et de profiter de la désorganisation de l’Iran pour l’écarter définitivement comme puissance régionale rivale et dangereuse

    … est de la propagande bancocrate stupide.
    Ce que voulurent tuer dans l’oeuf les bancocrates impérialistes occidentaux – en manipulant et en finançant Saddam Hussein – ce fut une véritable révolution.

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