Tristes fins de règne en Afrique

Le refus de nombreux despotes africains de respecter les droits humains ne leur assure en rien une retraite paisible, bien au contraire. Beaucoup d’entre eux terminent leur existence en prison ou en exil

Gambie, l’ex président Yahia Jammeh s’exile en Guinée équatoriale

Le continent africain a le triste privilège d’avoir connu des périodes d’exploitation foulant aux pieds les valeurs humaines les plus élémentaires. Du nord au sud et d’est à l’ouest, la colonisation a meurtri de nombreux peuples, ancré des traumatismes encore perceptibles et a laissé des traces ne fusse que dans la délimitation des frontières des États ayant accédé à l’indépendance.

La démocratie et la bonne gouvernance sont encore à consolider, voire à inventer, dans la plupart des 54 États africains.

Despotisme, népotisme, prédation

Seuls les trois Etats archipels que sont Maurice, Les Seychelles et le Cabo Verde ainsi que le Botswana connaissent vraiment, à la fois, des élections libres, les alternances politiques, le respect des droits de l’homme et l’exercice du pouvoir pour le bien être des populations qu’elles soient nationales ou étrangères.

En revanche, tant d’autres pays connaissent le despotisme, le népotisme, la prédation des dirigeants, la manipulation chronique du droit, l’impunité des crimes mêmes ceux contre l’humanité, les violations institutionnelles et le travestissement de la démocratie dans des élections truquées. Les autocrates qui dirigent ces pays font le vide autour d’eux et se perpétuent au pouvoir dans une indifférence coupable, proche de la complicité, des organisations internationales, régionales et de leurs partenaires financiers.

 Les règnes de ces despotes se terminent parfois très mal comme ce fut le cas pour Samuel Doe au Liberia (1990) et Mouammar Kadhafi en Libye (2011). A leur chute, s’ils évitent une mort atroce, leur sort varie entre un accueil  bienveillant chez un autre despote et la fuite à l’étranger assortie parfois d’une incarcération. Faisons le point sur ces despotes déchus encore vivants.

L’exil bienveillant entre despotes

Mengistu Haïle Mariam.  L’un des pires chefs d’État qu’a connu l’Afrique est incontestablement l’Éthiopien Mengistu Haïle Mariam. Âgé de 82 ans, l’ancien dictateur (1977-1991) est responsable de plus d’un million de morts. Condamné dans son pays pour génocide, l’organisateur de la « Terreur rouge » vit paisiblement dans sa ferme au Zimbabwe, grâce à la volonté de feu Robert Mugabe et de son successeur.

Yahya Jammeh.  L’autocrate gambien ( 54 ans) a dirigé son pays comme sa propriété privée. Il a méprisé le droit et établi sa dictature de 1994 à 2017. L’actuelle procureure générale de la Cour Pénale Internationale ( CPI) de La Haye, Fatou Bensouda, fut sa conseillère juridique puis sa ministre de la justice jusqu’en 2000, avant de rejoindre la CPI en 2004 . Yahya Jammeh a été accueilli par le plus ancien chef d’État africain, l’Equatoguinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo ( 40 ans de pouvoir) pour se lancer dans l’agrobusiness.

L’asile politique

Maaouya ould Sid’Ahmed Taya.   Cet ancien chef de l’État mauritanien (1984- 2005) a réprimé durement son opposition , notamment nègro-africaine, favorisé les détournements et la corruption, notamment au bénéfice des Smacides, sa tribu, et porte une lourde responsabilité dans « les événements sénégalo-mauritaniens, qui firent des milliers de victimes. Accueilli par l’Émir du Qatar, Maaouya ould Sid’Ahmed Taya (78 ans) vit paisiblement dans sa luxueuse villa de Doha.

Blaise Compaoré.  L’ ancien président du Burkina Faso (1987-2014) a certes connu une chute moins dramatique que son ancien compagnon d’armes, Thomas Sankara, assassiné dans des circonstances troubles en 1987. Il n’en demeure pas moins que le médiateur attitré des crises ouest-africaines a été chassé par son peuple en révolte. Les assassinats politiques, les manipulations institutionnelles et la jeunesse du « Balai citoyen » ont conduit à l’exfiltration de Blaise Compaoré (68 ans) vers la Côte-d’Ivoire, dont il a pris la nationalité.

François Bozizé.   L’ancien putschiste qui a mené à la ruine la Centrafrique (2003-2013). Désormais âgé de 74 ans, il vit en exil en Ouganda. Interdit de voyager et ses avoirs mis sous séquestre, François Bozizé est sous mandat d’arrêt de la justice centrafricaine. 

Moussa Dadis Camara.    L’éphémère et brutal président de la Guinée ( décembre 2008-janvier 2010) restera pour l’Histoire celui qui porte la responsabilité du massacre du 28 septembre 2009 dans un stade à Conakry. Au moins 157 tués et des centaines de blessés ont été enregistrés.

Victime lui-même d’une tentative d’assassinat, désormais âgé de 55 ans, cet ancien militaire attend au Burkina Faso le feu vert pour rentrer en Guinée.

José Eduardo Dos Santos.  Chef de l’État de l’Angola (1979-2017), l’ancien leader tout puissant du MPLA (77 ans) a passé la main à Joao Lourenço qui s’est empressé de mettre à mal son empire familial, notamment représenté par ses enfants Isabel et José Filomeno. José Eduardo Dos Santos vit désormais en exil à Barcelone.

Les autocrates emprisonnés

Charles Taylor. L’ancien président  du Liberia (1997-2003) a été impliqué dans la guerre civile de Sierra-Leone et condamné pour ses crimes contre l’humanité à 50 années de prison. Ce tyran de 71 ans les purge dans une prison du Royaume-Uni.  


Hissène Habré.  L’ancien président du Tchad ( 1982-1990) a été condamné par les chambres extraordinaires africaines, tribunal siégeant à Dakar, à la prison à perpétuité pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les actes de tortures subi par des milliers de citoyens tchadiens. Le despote de 77 ans purge sa peine au Sénégal.


Laurent Gbagbo.  Après sept ans de prison préventive controversée, au sein de la CPI de La Haye, l’ancien président de Côte-d’Ivoire (2000-2011), désormais âgé de 74 ans, a été acquitté, le 15 janvier 2019. La procureure générale de la CPI ayant interjeté appel, Laurent Gbagbo attend son second procès en résidant en Belgique, sous contrôle judiciaire.

Omar Al-Bechir.  Le despote soudanais a régné sans partage durant  près de 30 ans avant d’être déchu par les incessantes manifestations populaires, le 11 avril 2019. Omar Al-Bechir est actuellement incarcéré à Khartoum pour des motifs de corruption, mais il reste inculpé par la CPI de La Haye pour des crimes contre l’humanité et de génocide, concernant notamment le Darfour. 

D’autres despotes sont morts en exil sans pouvoir revenir dans leur pays comme ce fut le cas pour le Camerounais Ahmadou Ahidjo, l’Ouganda Idi Amin Dada et le Tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. 
Les actuels autocrates au pouvoir devraient méditer ces fins de règne peu enviables.