Le Sommet de l’Union africaine (Ua), qui se termine, ne constituera pas un des meilleurs souvenirs d’Antonio Gutteres, interpellé sur l’inefficacité des casques bleus en Afrique.
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, ne se départit jamais de son légendaire sourire. Le diplomate portugais promène en toutes circonstances son empathie communicative envers ces interlocuteurs. Les participants au 30 ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, qui s’est tenu les 28 et 29 janvier 2018 à Addis Abeba, ont encore pu le constater. Nul doute qu’Omar El-Bechir, le président soudanais interdit de voyager et passible de la Cour Pénale Internationale, a pu apprécier la bienveillante courtoisie du Secrétaire général de l’Onu, lors de leur entretien en tête-à-tête.
Antonio Gutteres interpellé
Dès le discours d’ouverture du Sommet, le président guinéen, Alpha Condé, président en exercice sortant de l’Ua ne ménagea pas ses reproches à l’ONU, en se tournant ostensiblement vers son Secrétaire général. La critique acerbe des Casques bleus et de leur inefficacité en RDC (République Démocratique du Congo), en RCA (Centrafrique) et au Soudan du Sud ressemble comme un réquisitoire contre les Opérations de maintien de la paix. Antonio Gutteres ne s’attendait pas à une telle interpellation publique qui devrait conforter le Président Donald Trump dans son appréciation de l’ONU et ses coupes budgétaires. Cette quasi remontrance vise à stigmatiser la participation de certains contingents de Casques bleus, peu habitués aux théâtres africains, afin de donner la priorité aux Casques bleus africains. L’exemple du G5 au Sahel devient la référence. Encore faut-il que les grandes puissances entendent financer cette force militaire africaine.
Sur deux autres dossiers majeurs, Antonio Gutteres a dû faire étalage de ses qualités de diplomate et réaffirmer son attachement à l’Afrique et sa confiance en l’Union africaine, mais en réaffirmant le leadership de l’Onu sur toute autre initiative.
Médiations concurrentes
La médiation africaine dans la crise libyenne constitue un point de friction entre l’ONU et l’Ua. Le Haut comité de l’Ua pour la Libye, présidé par le président congolais Denis Sassou Nguesso, se trouve marginalisé par la médiation française menée, avec efficacité et discrétion, par Jean-Yves Le Drian et surtout par la médiation onusienne, sous la houlette de l’expérimenté diplomate libanais et politologue francophone Ghassam Salamé, envoyé spécial d’Antonio Gutteres en Libye. La réunion prévue à Addis Abeba, avec le Haut comité de l’Ua pour la Libye, a été reportée sine die, avec les regrets de Ghassam Salame qui a certes reconnu la dimension africaine de la crise libyenne, mais aussi la primauté du plan d’action de l’Onu.
La question du Sahara occidental est une autre source de divergence de vues. Le Comité Paix et Sécurité ( CPS) de l’Union africaine, présidé par le diplomate algérien Smaïl Chergui, a été jusqu’à maintenant l’inspirateur de la position plutôt pro RASD de l’Union africaine. Cette position pourrait évoluer avec l’élection du Maroc au CPS. Le médiateur de l’Union africaine, l’ancien président mozambicain, Joachim Chissano, n’a jamais caché sa proximité avec le Polisario et son refus de reconnaître la position du Maroc. L’ancien Secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, et son envoyé spécial, l’ancien ambassadeur américain en Algérie, Christopher Ross, étaient sensibles aux arguments de Smaïl Chergui. La nomination du médiateur Horst Kohler, ancien président de l’Allemagne, par Antonio Gutteres, a rompu cette identité de vues. Comme pour la Libye, l’Onu fait valoir sa prééminence sur toute autre médiation, même si l’une d’elle vient d’Afrique.
En réclamant que les crises africaines soient réglées en Afrique par les Africains, l’Union africaine émet un louable souhait mais ce qui est possible en RDC ou en Centrafrique, sera plus difficile dans les crises concernant directement l’Union européenne et indirectement l’Onu, notamment sur les questions migratoires et la lutte contre le terrorisme.