Le Royaume Uni négocie le retour des iles Chagos à l’Ile Maurice 

Après une première prise de contact à Londres le 23 et 24 novembre, des diplomates  du Royaume-Uni et Maurice poursuivront les négociations le 11 et 12 janvier 2023 à Port-Louis pour la rétrocessions aux Mauriciens de la base militaire de Diego Garcia, ont débuté.

Une chronique de Vel Moonien

Une petite pognée de patriotes mauriciens avaient planté, voivi yn an, le drapeau mauricien au coeur des îles contestées

Les négociations pour la rétrocession de l’archipel des Chagos en faveur de l’île Maurice par le Royaume-Uni ont débuté. A l’issue d’une première prise de contact à Londres le 23 et 24 novembre derniers, celles-ci se poursuivront le 11 et 12 janvier prochains à Port-Louis. Très peu d’informations ont filtré sur le contenu des discussions entre diplomates et avocats du Parquet des deux pays pour une issue qui devra être conclu sous peu. De nombreuses spéculations circulent déjà dans la presse anglo-saxonne quant à l’avenir de ces îles au milieu de l’océan Indien, dont l’une abrite la base militaire et navale de Diego Garcia où les bombardiers américains ont décollé durant l’invasion du Koweït par l’Irak.

C’est le 3 novembre dernier, journée où l’expulsion forcée des 2 000 habitants des Chagos par les Britanniques afin de faire la place pour la base de Diego Garcia est commémorée à l’île Maurice que le Premier ministre Pravind Jugnauth a annoncé à l’Assemblée nationale que le Royaume-Uni a décidé d’accepter de rétrocéder l’archipel. Son discours était quasiment le même que celui déposé à Westminster le même jour par le chef de la diplomatie britannique James Cleverly. Diego Garcia demeurera cependant sous contrôle britannique. Il permettra aux Américains, qui bénéficient d’une location-bail de la base militaire jusqu’en 2036, de maintenir une présence en ces périodes troubles sur la scène internationale.

Sous l’œil bienveillant des États-Unis et de l’Inde

La rétrocession, elle, se fera , avec l’onction du « grand frère » indien de l’île Maurice. L’Inde participe depuis 2019 à des exercices navals à Diego Garcia aux côtés des États-Unis, son allié naturel depuis que le Pakistan s’est rapproché de la Chine, laquelle tente d’étendre son influence dans l’océan Indien à travers sa politique dite de « Collier de perles ». L’Inde aurait eu un rôle déterminant dans la décision des Maldives à ne pas s’opposer à l’île Maurice quant au litige sur leurs frontières maritimes respectives au niveau des Chagos devant le Tribunal international du droit de la mer.

« Nous chercherons à renforcer de manière significative notre coopération en matière de sécurité […] Le Royaume-Uni et l’île Maurice ont réitéré que tout accord entre nos deux pays garantira la poursuite du fonctionnement efficace de la base militaire conjointe du Royaume-Uni et des États-Unis à Diego Garcia, qui joue un rôle essentiel dans la sécurité régionale et mondiale. Nous reconnaissons les intérêts des États-Unis et de l’Inde et nous les tiendrons informés des progrès réalisés, » ont souligné Pravind Jugnauth et James Cleverly le 3 novembre dernier. Ce développement fait suite à la rencontre entre Pravind Jugnauth et Liz Truss, l’ex-cheffe du gouvernement britannique, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York, en septembre dernier.

« Nous sommes sur la bonne voie. Les Maldives ayant reconnu la souveraineté de Maurice sur les Chagos devant le Tribunal international du droit de la mer en octobre, nous nous attendions à un tel dénouement. C’est un jour historique. Cette annonce intervient alors que nous commémorons la déportation des Chagossiens. J’ai toujours eu espoir que ce jour viendra et les faits me donnent raison. Le retour est proche. Attendons voir maintenant, » déclarait alors Olivier Bancoult, porte-parole du Groupe réfugiés Chagos qui représente les intérêts de la communauté chagossienne à l’île Maurice.

Un long parcours de combattant 

Olivier Bancoult n’était encore qu’un enfant lorsqu’il a été débarqué des iles Chafos à l’île Maurice. Depuis la fin des années 90, il a été la cheville ouvrière d’une série d’actions légales contre Londres. Le gouvernement mauricien lui a emboîté le pas lorsque le Royaume-Uni a cru utile de créer un parc marin aux Chagos en 2010 afin d’ôter toute envie aux habitants de s’y réinstaller. Port-Louis avait eu gain de cause devant le Tribunal international du droit de la mer en 2015. Cette instance onusienne a estimé que cette décision était illégale. L’île Maurice s’était basée sur les câbles diplomatiques échangés entre l’ambassade américaine à Londres et Washington, lesquels avaient été révélés par WikiLeaks.

Un nouveau gouvernement mené par feu Sir Anerood Jugnauth a enfoncé le clou. En février 2019 un avis consultatif de la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction des Nations Unies, déclarait illégale l’occupation britannique de l’archipel des Chagos. Mauvais joueur, le Royaume-Uni n’a pas voulu négocier. Trois mois plus tard, l’Assemblée générale des Nations unies a voté par une forte majorité une résolution reconnaissait la souveraineté de l’île Maurice sur les Chagos. Il y a eu des échanges acerbes entre Port-Louis et Londres. Lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Pravind Jugnauth en avait profité pour dénoncer le double langage des Britanniques sur la souveraineté et la violation de l’intégrité territoriale. C’est ce qui aurait bousculé les choses.

Il faut savoir que l’archipel des Chagos avait été démembré du territoire de l’île Maurice peu avant qu’elle n’obtienne son indépendance du Royaume-Uni. Les 2 000 habitants ont été expulsés vers l’île Maurice et les Seychelles entre 1965 et 1973 afin que Diego Garcia puisse être transformé en base militaire et navale. Avec la décision de Londres d’entamer les négociations pour la rétrocession, la presse anglo-saxonne reprend des allégations d’un député conservateur britannique et d’un élu républicain du congrès américain que l’île Maurice pourrait céder une partie de l’archipel des Chagos… à la Chine pour les besoins d’une base militaire et navale. C’est très mal connaître la proximité de l’île Maurice avec l’Inde qui a financé plusieurs chantiers d’envergure depuis 2015.

La presse anglo-saxonne, dont le « Stars and Stripes », le quotidien pour l’armée américaine, a repris ces arguments avec le passage d’un sous-marin nucléaire américain, l’USS West Virginia, un lanceur de 20 missiles balistiques de type Trident II D5, à Diego Garcia fin octobre. Habituellement classée secret défense, la nouvelle a été divulguée par le commandement stratégique américain la semaine dernière pour faire part de ses capacités de déploiement dans la zone indo-pacifique. L’US Navy a aussi voulu faire comprendre à ses « ennemis » qu’il peut intervenir à tout moment dans n’importe quelle partie du monde.

« Stars and Stripes » dit craindre que ces négociations auront un impact sur l’avenir de la base de Diego Garcia alors que l’île Maurice a fait comprendre en de nombreuses occasions qu’elle ne s’opposera pas à la présence des Américains aux Chagos. Le quotidien cite quand même Blake Herzinger – un expert en défense dans la région info-pacifique et qui un membre du « think tank » American Enterprise Institute. Dans un article publié par le « think tank » australien Lowly Institue l’an dernier, ce dernier rappelait que l’île Maurice a offert une location-bail de 99 ans à Washington.

Vel MOONIEN

Le forcing de l’île Maurice contre la couronne britannique

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)