Le ministre des Affaires Étrangères du Qatar sur tous les fronts

Si ces derniers mois, le petit émirat gazier, premier pays arabe à organiser une coupe du monde de football, a été au centre de l’actualité, l’activité diplomatique de Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, ministre des Affaires Étrangères vice Premier ministre, est à la fois discrète et performante en matière de médiation des conflits en Afrique et au Moyen Orient

Le brillant ministre des Affaires Étrangères et vice Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani

Lorsque Audrey Azoulay, l’ancienne ministre de la culture de François Hollande, avait été élue à la tète de l’Unesco le 13 octobre 2017, c’est en l’emportant sur un concurrent qatari, Hamad bin Abdoulaziz Al-Kawari. La surprise, c’est que cette victoire n’avait été obtenue que de justesse: trente voix pour la franco-marocaine, vingt huit pour son challenger malheureux au sixième tour de scrutin. D’un coté, nous avons une candidate soutenue par la diplomatie française et par des poids lourds comme l’Egypte et l’Arabie Séoudite, sans parler du coup de pouce que lui ont apporté les Américains et les Israéliens qui se retiraient alors de l’Unesco. En face, on trouve un candidat inconnu appuyé par le petit Qatar, 300000 habitants et à l’époque des ennemis en pagaille, dont notamment les frères ennemis séoudiens et émiratis qui lui reprochaient de ne pas mettre la min à la poche pour soutenir la guerre contre les milices chiites au Yémen.

Autant dire que la diplomatie qatarie que beaucoup avait enterrée n’était pas si isolée sur l’échiquier mondial. « Le résultat de cette élection à l’Unesco, admet-on aujourd’hui à Doha, fut une divine surprise. Le monde a compris qu’on existait encore, mais pas trop, sans cette arrogance qu’on avait pu nous reprocher…. »

Voici quelques photos qui montrent les soldats qataris participant à l’évacuation des Afghans, mises à la disposition de la presse internationale par les autorités de Doha,.

Un ministre jeune et brillant

Depuis, l’Émirat a appris la modestie et l’efficacité sous la houlette de son brillant ministre des Affaires Étrangères, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani. Ces dernières années, le Qatar s’est imposé comme un acteur incontournable au Moyen-Orient notamment en jouant un rôle clé dans les pourparlers entre les Taliban et l’administration Trump en 2020.avant de faciliter à la fois l’arrivée à Kaboul des journalistes occidentaux et le départ des réfugiés afghans. Autre signe de cette reconnaissance internationale, l’Émirat participera, à partir du 6 février prochain, à une réunion à Paris sur l’avenir du Liban aux cotés notamment des Égyptiens et des Émiratis avec qui les Qataris ont renoué après une brouille sévère (1).

Le conflit israélo-palestinien est l’objet de toutes ses attentions. Le Qatar joue le rôle d’intermédiaire entre le gouvernement israélien et le Hamas, le mouvement islamiste palestinien qui gère la bande de Gaza avec notamment des financements qataris. Fin janvier, Doha a aussi tenté aussi de relancer les négociations, bloquées depuis plusieurs mois, sur le nucléaire iranien.

 L’Afrique, un horizon privilégié  

Mais c’est certainement en Afrique, que le Qatar déploie actuellement la plus grande activité diplomatique. Doha est devenu la capitale où tout le monde africain se rend. À l’instar du président nigérien, Mohamed Bazoum, réputé très proche des Emirats arabes unis et de l’Arabie Saoudite,qui devrait  effectuer une visite officielle de quatre jours à Doha début février. L’instigateur du réchauffement entre Doha et Niamey est l’ancien conseiller de Blaise Compaoré, le Mauritanien Limam Chafi, qui, sous le règne de l’ex président Aziz à Nouakchott, vivait entre Rabat et Doha..

Ce dernier avait déjà été, aux côtés du Burkinabè Djibril Bassolé, l’initiateur du dialogue qui s’est tenu à Doha pendant une bonne partie de l’année 2021 entre le pouvoir tchadien et les différents groupes rebelles de Ndjamena.

Entre Rwandais et Congolais

Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani s’est montré également très actif  en Afrique de l’Est, Ethiopie, Mozambique, Somalie. C’est en Afrique Centrale qu’il a essayé de jouer les bons offices, pour réconcilier la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Mais la mission s’avérait ardue, voire impossible. De plus, les anciennes et étroites relations entre le président Kagamé et l’émir Al-Thani ont attisé la méfiance de Félix Tshisekedi, le président congolais qui a fini par bouder l’offre de paix proposé par Doha en refusant de se rendre dans la capitale qatarie le 23 janvier dernier.

Du Sahel à la Libye, il n’y a qu’un pas. Dans ce pays livré au chaos, le Qatar est très actif depuis le départ du dictateur libyen,  Mouammar Kadhafi, au coeur de ce printemps arabe que Doha avait favorisé. Désormais et après avoir aidé le camp de Tripoli menacé par les visées du maréchal Haftar,  l’Émirat joue désormais les médiateurs pragmatiques en tentant un rapprochement avec son adversaire d’hier, l’Égypte du maréchal Sissi, pour trouver une porte de sortie au chaos qui dure depuis 2011.

(1)Le ministère français des Affaires étrangères a confirmé, ce jeudi 2 février, la tenue d’une réunion consacrée au Liban lundi prochain à Paris et réunissant des représentants français, américains, saoudiens, qataris et égyptiens. Le Quai d’Orsay a exprimé à cette occasion « sa préoccupation très vive sur le blocage que connaît le Liban en matière politique », alors que le pays sombre dans une crise économique sans précédent doublée d’une crise politique.

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)