L’Allemagne d’Olaf Scholz lorgne vers l’Afrique

Depuis l’arrivée à la Chancellerie de Olaf Scholz en 2021, le pays cherche de plus en plus à approfondir ses relations commerciales avec les pays Africains, notamment en multipliant les visites et en organisant le forum Compact with Africa le 21 novembre.

Mateo Gomez.

Devant l’effacement historique de la France sur le plan international, et singulièrement en Afrique francophone, l’Allemagne a défini une nouvelle politique africaine moins calquée sur l’Union européenne et centrée sur quelques pays émergents comme le Ghana, le Nigeria ou l’Afrique du Sud. L’Allemagne entend ainsi s’imposer comme l’avocat de la bonne gouvernance sur le continent tout en développant ses relations économiques. Berlin entend pour cela soutenir les partenariats prometteurs dans les domaines du numérique, des infrastructures et de l’exploitation des matières premières

Le ministre de l’économie Allemand, Robert Habeck, a visité en 2022 la Namibie, ancienne colonie allemande, et l’Afrique du Sud. En 2023, c’est le chancelier en personne, Olaf Scholz, qui a visité le Kenya premièrement en mai, puis le Nigéria en octobre. Au menu, visite des capitales et leurs nouvelles infrastructures (la majorité d’entre elles payées par la Chine), et bien évidemment, les rencontres avec les chefs d’État.

L’Asie plutôt que l’Afrique

L’Allemagne, depuis la perte de ses colonies africaines en 1919, ne s’est jamais vraiment intéressée à l’Afrique. Son gouvernement a toujours considéré que ce pré carré n’était pas le leur. Les entreprises allemandes se sont donc majoritairement tournées, depuis l’effondrement du communisme, vers l’Europe de l’Est et l’Asie. Le faible niveau d’industrialisation de l’Afrique et le poids limité de la classe moyenne n’intéressaient pas forcément les groupes allemands, qui produisent souvent des biens chers a haute valeur ajoutée.

En 2010, seulement 1% des investissements directs à l’étranger allemands étaient en Afrique selon la banque d’investissement étatique KfW. Et parmi cet unique pourcentage, les trois-quarts étaient destinés vers le premier et troisième pays les plus industrialisés d’Afrique, c’est-à-dire l’Afrique du Sud et l’Egypte. Même sur le marché des machines et outils industriels, où l’Allemagne jouit d’un avantage comparatif considérable sur le marché mondial, le pays ne contrôle que 10% du marché continental, loin derrière la Chine, important rival commercial.

« Compact avec l’Afrique »

Mais Berlin a décidé que l’heure était au changement. Scholz comme Habeck et Christian Linder, ministre des finances, multiplient les visites officielles. La semaine dernière s’est tenu à Berlin le forum économique “Compact with Africa”, signifiant “Compact avec l’Afrique”, initiative allemande datant de 2017 visant à encourager les investissements et les relations commerciales avec, le continent Africain. Treize pays Africains y ont participé. C’est peu, nettement moins qu’au sommet Russie-Afrique en juillet: 49 délégations étaient présentes.

Mais pour un pays qui partait de loin, le résultat n’est pas nul. L’idée, pour l’Allemagne, est dans la continuité d’une aspiration à un monde multipolaire où l’Europe doit trouver sa place stratégique au lieu de se laisser embarquer par les aléas des relations entre la Chine et les États-Unis. 

Le Chancelier Scholz avait souligné, à l’occasion, l’immense potentiel de croissance de l’Afrique, la jeunesse de sa population, et son importance croissante dans les relations internationales. Il avait également annoncé l’investissement de 4 milliards d’euros pour la production d’énergies renouvelables sur le continent, dans l’idée de diversifier ses sources d’approvisionnement d’énergie suite aux craintes suscitées par et confirmées par la dépendance au gaz russe et la guerre en Ukraine. En échange, un contrat a été signé avec le Nigéria, promettant plus de 1,2 millions de tonnes de gaz naturel par an pour l’Allemagne.

Scholz a tenu a préciser: « soyons clairs : il ne s’agit pas ici d’aide au développement, selon un schéma dépassé donateurs-bénéficiaires. Il s’agit d’investissements qui sont rentables pour les deux parties ».

Des efforts pour l’instant embryonnaires, mais qui pourront mener vers des relations commerciales plus fructueuses.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)