Le président turc Recep Tayyip Erdogan cherche désormais à se positionner comme un interlocuteur consensuel et incontournable, capable de peser sur les équilibres mondiaux notamment face à l’Ukraine et à la Russie dont i se tient à égale distabce.. Encore faudrait-il que le maitre de la Turquie ne rate pas la dernière marche de ce son positionnement en décidant, ces jours ci, d’intensifier les frappes aériennes contre les bastions du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) au Nord de la Syrie et en lançant, demain, une offensive terrestre contre ces opposants radicalisés qualifiés de terroristes par Ankara.
Le cercle vertueux que connait la diplomatie turque devra, pour se poursuivre, parvenir à un règlement d’un dossier particulièrement épineux: celui d’une présence kurde hostile à la Turquie au nord de la Syrie et en Irak. La région syrienne de Kabané abrite, sans contestation possible, de nombreux bastion du PKK, ce parti nationaliste violent qui exige d’Ankara la création d’un Kurdistan indépendant. C’est la position historique de la diplomatie turque, qui justifie ainsi les bombardements qui viennent d’atteindre le nord de la Syrie en bravant de nombreuses condamnations de la communauté internationale sensible au sort de la population civile de ces régions dévastées.
Entre 2016 et 2019, Ankara a œuvré à la construction d’une aire de sécurité à sa frontière avec la Syrie en s’attaquent aux forces kurdes présentes, dont beaucoup étaient affiliées au PKK. Les opérations « Bouclier de l’Euphrate » (août 2016-mars 2017) et « Rameau d’olivier » (janvier 2018) ont ainsi ciblé des zones à l’ouest de l’Euphrate, tandis que l’opération « Source de paix » (octobre 2019) ambitionnait d’étendre la région limitrophe sous contrôle turc à l’est du fleuve, jusqu’à la frontière avec l’Irak. Ankara n’a réussi que partiellement dans sa tentative. Le récent attentat qui a frappé le coeur de la Turquie et imputé au PKK par les autorités turques a sans aucun doute durci les réactions d’Ankara qui provoque une confrontation plus brutale avec les miliciens du PKK réfugiés en Syrie.
La sécurité, l’obsession d’Erdogan
Ces derniers mois, des indices nombreux semblent indiquer que la Turquie envisageait une intervention musclée chez son voisin syrien, pour réprimer les kurdes regroupés au sein des « Unités de protection du peuple », le faux nez, semble-t-il, du PKK. Pas un jour désormais sans une attaque au drone contre la population kurde de la région de Kabané, cette ville reprise par les forces kurdes à l’organisation l’État Islamique » en 2015, avec l’appui des forces internationales emmenées alors par les Américains.
Le projet d’Erdogan est de prolonger « la zone de sécurité » profonde de trente kilomètres que l’armée turque, aidée de supplétifs syriens, a réussi à conquérir depuis 2016 en provoquant un clash diplomatique avec notamment la France. Seul souci pour le président Erdogan, le projet provoque l’opposition de la Russie et des États Unis, qui tolèrent les attaques au drone, mais rien de plus. D »après le journal « le Monde » enfin qui reprend à son compte des chiffres de morts donnés par des ONG situées en zone kurde, « de nombreuses victimes civiles » sont tuées dans l’actuelle guerre d’usure entre la Turquie et les kurdes.
Des échanges entre Erdogan et Assad
Le journal libanais « L’Orient-Le Jour » avait indiqué en septembre que « les deux dirigeants syrien et turc (…) pourraient s’entretenir par téléphone prochainement ». On peut imaginer que leurs échanges porteront sur ce qui est devenu l’obsession d’un Erdogan, qui a repris, sans états d’âme, l’héritage nationaliste intransigeant de Mustapha Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.
Au printemps dernier, la guerre acharnée menée par l’armée d’Erdogan contre le PKK a placé la Turquie en porte à faux avec ses alliés occidentaux, quand le président turc s’est opposé à l’entrée dans de l’OTAN de la Suède et de la Finlande. Le président turc n’agissait pas au nom de la Russie, mais vent debout contre l’idée que deux pays abritant les cellules dormantes du PKK puissent rejoindre une coalition dont la Turquie était membre.
Le PKK, l’épine entre Paris et Ankara
Les relations chaotiques entre la France et la Turquie doivent beaucoup à ce dossier kurde. La France, qui avait utilisé en forces d’appoint ces mêmes kurdes dans sa lutte contre les extrémistes de Daech, a dénoncé violemment toutes les interventions de la Turquie au nord de la Syrie, en provoquant des réactions très fermes de la diplomatie turque. « La diplomatie française, a confié un ministre turc à Mondafrique, a considéré que ces terroristes kurdes, qui se servaient de la Syrie comme base arrière pour nous attaquer, devaient être défendus. Cette position était inadmissible. Le comble, c’est que Macron en a voulu à Erdogan, alors que ce dernier défendait seulement son pays contre un redoutable terrorisme ». Et d’ajouter: « Que diraient nos amis français, si nous soutenions des groupes corses ou basques qui remettent en cause violemment l’intégrité territoriale de la France? »
Les combattants du PKK, dont la vision du monde est proprement stalinienne, ne sont pas en effet des enfants de choeur !Si le président turc décide malgré tout une offensive terrestre contre les bases du PKK au nord de la Syrie, il pourrait bien perdre le bénéfice politique qu’il est en train de tirer d’une diplomatie sophistiquée. Une intervention mal comprise chez son voisin syrien pourrait constituer une grave erreur d’appréciation pour Recep Tayyip Erdogan.
Les Kurdes pris en étau entre l’Iran et la Turquie