La junte au Mali a annoncé, le jeudi 25 janvier, la « fin, avec effet immédiat », de l’accord d’Alger signé en 2015 avec les groupes pro-autonomie et indépendance basés dans le nord du pays. Longtemps considéré comme essentiel pour stabiliser le pays, l’accord a été principalement orchestré par l’Algérie, mais avec cette annonce, les éléments fondamentaux de la paix dans la région ont disparu.
En réalité, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, communément appelé Accord d’Alger, faisait déjà face à des difficultés et s’est effondré au moment où l’armée malienne et les rebelles touaregs ont repris les hostilités l’année dernière.
La junte malienne affirme que le gouvernement algérien a agi contre les intérêts de Bamako en maintenant des liens avec les Touaregs. La visite le mois dernier à Alger de l’Imam Dicko, considéré comme un opposant au régime de Bamako, a ajouté de l’huile sur le feu, la junte malienne accusant Alger de s’ingérer dans les affaires intérieures. Dans une déclaration lue à la télévision par le porte-parole de la junte, le colonel Abdoulaye Maiga, le Mali affirme que sa position a été rendue nécessaire par « le changement de posture de certains groupes signataires » (c’est-à-dire les Touaregs), mais aussi en raison « d’actes d’hostilité et d’instrumentalisation de l’accord par les autorités algériennes, dont le pays est le leader de la médiation ».
Tensions
Les tensions entre la junte et les habitants du nord ont suivi le retrait de la mission des Nations Unies (Minusma), incitant les Touaregs à avertir que Bamako romprait son engagement envers l’Accord d’Alger et se livrerait à une campagne de représailles, maintenant que la communauté internationale n’a plus de présence sur le terrain.
La fin de l’Accord d’Alger est une autre étape dans la feuille de route de la junte visant à mettre fin aux accords et aux relations hérités, rompant la plupart des liens avec la France et d’autres nations occidentales, les Nations Unies, et maintenant avec l’Algérie.
Détérioration des relations entre Bamako et Alger
Cet événement survient au moment où le Mali et ses voisins se tournent vers la Russie, rompant l’ancienne alliance avec la France et ses partenaires européens. La fin de l’accord intervient également dans un climat de détérioration profonde des relations entre le Mali et son grand voisin algérien, avec lequel le Mali partage des centaines de kilomètres de frontières.
Le colonel Maiga a lu une autre déclaration forte jeudi soir, spécifiquement contre l’Algérie. Le gouvernement « exprime une préoccupation sérieuse devant une augmentation du nombre d’actes hostiles, d’incidents d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali par les autorités algériennes », a-t-il déclaré. Il a dénoncé « une fausse perception des autorités algériennes, qui considèrent le Mali comme leur arrière-cour ou un État verrouillé, sur fond de mépris et de condescendance ».
La question touareg
Parmi les diverses plaintes, la junte accuse l’Algérie d’héberger des bureaux de représentation de certains groupes signataires de l’accord de 2015, c’est-à-dire les Touaregs, devenus des « acteurs terroristes » aux yeux de Bamako.
Le Mali est en crise depuis 2012, lorsque certains Touaregs ont rejoint les insurrections salafistes dans le nord après des décennies de demandes d’autonomie restées sans réponse. L’insurrection a ouvert la voie à des groupes armés liés à Al-Qaïda qui ont conquis la majeure partie du nord, entraînant une intervention militaire de la France et plongeant le Sahel dans la guerre. Après un cessez-le-feu en 2014, les groupes armés principalement touaregs ont signé en 2015 avec le gouvernement et les groupes loyalistes combattant à ses côtés l’accord de paix d’Alger, prévoyant une plus grande autonomie locale et l’intégration des combattants dans une armée dite reconstituée, sous l’autorité de l’État.