Apparue en Guinée Conakry début février, la fièvre Ebola, habituellement cantonnée aux pays d’Afrique centrale et de l’Est, menace aujourd’hui l’Afrique de l’Ouest. L’épidémie a d’ores et déjà atteint le Liberia et la Sierra Leone. Par mesure de sûreté, le Sénégal et la Mauritanie ont restreint l’accès à leur territoire. Etat des lieux à Conakry, la capitale guinéenne
Depuis plus de trois mois, la fièvre Ebola frappe la Guinée Conakry, faisant de nombreuses victimes, principalement dans la région forestière.
Avec les campagnes de sensibilisation, les médias, Internet et les ONG déployées sur place, les habitants de Conakry ont appris brutalement l’existence d’Ebola, cette maladie, dont il s’agit de la première apparition en Afrique de l’Ouest. Le virus s’est d’abord déclaré en Guinée forestière en janvier dans les préfectures de Guéckédou, Kissidougou et Macenta. Mais ce n’est que fin Mars qu’il a fait l’objet d’un traitement actif des autorités avec l’envoi de laboratoires mobiles, de tonnes de médicaments et de tentes par les ONG comme Médecins sans frontières ou par l’Organisation mondiale de la santé.
Un déficit d’information
Un observateur négligent pourrait passer à côté des signaux de la peur à Conakry. Parler de psychose serait exagéré. Ici et là, quelques gestes et attitudes interpellent. A la Une d’un journal local le Lynx ce jeu de mots qui en dit long : « Cona cris en a ras l’Ebola » L’emploi d’antiseptique ou de l’eau de javel s’est généralisé à l’entrée des lieux publics, boutiques et boîtes de nuit. L’hygiène est devenue le maître mot de cette ville qui souffre de problèmes d’assainissement et d’insalubrité. Les poubelles en ville sont rares et les déchets encombrent les allées.
Le mot Ebola suscite la gêne et parfois l’incompréhension de la population. « Beaucoup de gens n’ont qu’une partie de l’information » explique Sam Taylor porte-parole de Médecins sans frontières en Guinée. « Notre rôle est de leur donner l’information la plus complète possible. » Certaines personnes mal renseignées se munissent de masques alors qu’Ebola se propage par le contact direct, par la sueur, le sang ou les liquides. Si la ville grouille toujours de vie, la peur du virus a tout de même un impact. «J’ai remarqué qu’il y a eu moins de rassemblements et d’embouteillages en ville que d’habitude » analyse Sidy Yansané, correspondant local de RFI. Pour éviter les bains de foule, facteurs de propagation, le chanteur sénégalais Youssou N’Dour a même annulé un concert prévu au Palais du Peuple, une salle fermée de la capitale.
Une trentaine de personnes touchées dans la capitale
Ebola est une maladie qui fait peur parce qu’elle est inconnue et invisible. Sauf bien sûr pour les personnes qui ont été en contact avec la trentaine d’individus infectées dans cette métropole de deux millions cinq cent mille habitants. Aminata Kouyaté, journaliste à la Radio télédiffusion guinéenne a avoué avoir fait des cauchemars et évite désormais les contacts directs dans les taxis collectifs. Dans une culture ou la convivialité veut que l’on mange dans la même assiette et ou le respect exige que l’on salue en serrant la main, le risque de propagation est réel. « Je me montre prudent mais ça ne m’empêchera pas de continuer à saluer les amis et les anciens » explique un jeune habitant du quartier Dixinn. D’autres se montrent indifférents ou confiants. A Kaloum, un secteur historique et populaire de la ville, la préoccupation des jeunes conakryka c’est avant tout… le match Paris-Chelsea.