Macron au Mali veut relancer une coopération sécuritaire régionale illusoire

Emmanuel Macron, qui se rend au Mali ce dimanche 2 juillet, va-t-il se livrer à une révision déchirante de la politique française au Sahel? La création hypothétique de la force du G5 (5000 hommes) , qui regroupe le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Tchad, et le Burkina, ne peut guère servir de panacée.

C’est une véritable poudrière que retrouve à Bamako ce dimanche 2 juillet le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, lors du deuxième voyage effectué au Mali depuis le début de son mandat. Est ce que la tentative de relancer la coopération sécuritaire régionale à travers le G5 sera-t-elle payante? On peut largement en douter pour trois raisons au moins: la désorganisation des armées nationales que regroupe cette structure, la faillite des chers d’Etat qui la composent du nigérien Issoufou au malien IBK et au mauritanien Aziz, en raison de l’hostilité de l’Algérie, le parrain régional, à cette stratégie inspirée par la France. Sans compter la gravité de la situation à Bamako que la présence de 2000 soldats français permet de masquer. Jusqu’à quand?

Même un Emmanuel Macron peu familier de l’Afrique et ses conseillers formés à Bruxelles et à New York sur ces dossiers africains  sans véritable pratique de terrain, commence à réaliser que La France a perdu la guerre au Mali. Le précédent président français, François Hollande, est bien le seul à penser avoir vécu là bas en 2013 au milieu des soldats, « le plus beau jour de sa vie politique ». Pour son successeur, ce pourrait être bientôt « le pire jour de sa vie politique ».

La situation totalement détériorée, qui prévaut au Mali depuis des mois malgré le « story telling » lénifiant du ministère français des Armées (ex défense) commence à être dénoncée au Quai d’Orsay et même dans les rangs de l’armée française. Disons que tant que François Hollande était encore en fonctions personne n’osait remettre en cause le bilan d’une intervention qui, selon Laurent Fabius, alors ministre des Afffaires Etrangères, avait rétabli la paix dans ce pays ami et … rétabli la démocratie. Forcément!

Une voix aussi autorisée que celle de l’ancien patron de la DGSE (services français), Jean Claude Cousseran, dont on dit qu’il a aujourd’hui ses entrées à l’Elysée, explique dans « le Canard Enchainé » de cette semaine que « le Mali sera l’Afgahnistan de la France ». A droite, le monsieur sécurité de Nicolas Sarkozy, Bernard Squarcini, a toujours estimé, lui aussi, que les Français s’enliseraient rapidement au Mali après une intervention armée qui ne s’est jamais accompagné d’une solution politique.  » On a laissé les clés de l’appartement témoin d’un immeuble qui est encore en construction, résume-t-il avec un art consommé de la formule, puis on s’en va le plus rapidement possible, avant que le bâtiment entier ne s’effondre ».

Du coté des ONG, l’option strictement guerrière choisie par la France face au terrorisme perd visiblement du terrain.« Les opérations militaires seules ne suffiront pas à tirer le Sahel de ce bourbier », note Corinne Dufka de Human Rights Watch. La politique française au Mali est trop « purement militaire », et doit prendre en compte le besoin de changement démocratique qui s’exprime sur le continent, estime quant à lui Florent Geel, de la FIDH.La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a publié un rapport alarmant sur le Mali, qui connaît « un niveau d’insécurité sans précédent » près de deux ans après la signature d’un accord de paix.

Des touaregs ignorés

A peine terminée l’opération Serval, les élections présidentielles bâclées de l’été 2013 avaient porté au pouvoir Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, un politicien roublard et corrompu, incapable de tendre la main aux Touaregs du Nord, mais il est vrai membre de l’Internationale socialiste et donc ami de la France de Hollande, Valls et Le Drian.

Quatre ans après le début de l’opération Serval, il faut se rendre à l’évidence. L’intervention militaire française de janvier 2013, destinée à stopper l’avancée des groupes terroristes, a échoué à les déloger du Nord Mali, point névralgique de la crise sécuritaire malienne. Dans cette zone de non droit, les islamistes violents proches d’Al-Qaida se déplacent comme des poissons dans l’eau. Dans la vie quotidienne, des groupes djihadistes imposent la loi coranique, comme le prouve la lapidation d’un couple non marie dans la zone de Kidal (voir ci dessous contre notre enquête).

Silence dans les rangs

Tout aussi grave, les attentats se multiplient, même si l’armée française veille à étouffer le moindre incident et continue, sous l’autorité de l’ancien ministre de la Défense, jean Yves Le Drian, aujourd’hu promu ministre des Affaires Etrangères, à imposer une version optimiste et béate de la sitaution au Sahel. Revendiqué par le groupe Al-Mourabitoun très actif au Sahel, l’attentat suicide qui a eu lieu au début de l’année contre un camp militaire du Nord Mali avait fait 70 morts. De ces morts là, on ne parle qu’à peine à Paris et Washington, parceque ce sont des soldats africains qui sont tués. Ces attentats et bien d’autres témoignent d’une situation sécuritaire totalement détériorée. Et l’insécurité est désormais présente également dans le Sut et au centre du pays, ce qui n’était pas le cas au moment de l’opération Serval.

Hélas, ce dossier malien aura été à peine évoqué pendant la campagne présidentielle, sinon pour se glorifier, tous candidats confondus, de l’admirable politique sécuritaire française au Sahel. Or l’héritage de François Hollande est, comme dans bien d’autres domaines mais plus encore au Mali, calamiteux.

Il est minuit moins une, docteur Macron, pour sauver ce qui peut l’être de la présnce française dans cette partie du monde.

Nord Mali, un couple lapidé pour « concubinage »