Florence Parly, les yeux plus gros que le ventre

Moins d’un quart du financement de la force conjointe du G5 Sahel est pourvu, d’après les déclarations, dimanche, de la ministre française des armées, Florence Parly. Ce qui n’empêche pas cette dernière d’évoquer, dans un fantasme guerrier improbable, une possible intervention française au Burkina-Faso.

« De 10 à 25 % des fonds» des quelque 400 millions d’euros promis pour équiper la force conjointe du G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Tchad et Burkina Faso) ont effectivement été déboursés, a regretté, le dimanche 4 novembre, la ministre française des armées Florence Parly. Laquelle compte rappeler les pays donateurs à leurs engagements lors du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, qui s’ouvre ce lundi 5 novembre à Dakar. Les promesses « pour l’instant, se matérialisent très lentement », a reconnu la ministre. Et cela malgré les engagements des émiratis et des séoudiens, érigés au rang d’alliés de la France au Sahel, de mettre au pot pour 140 millions d’euros.

Les dons sollicités par la France auprès des Emirs du du Golfe sont totalement choquants, alors que les monarchies pétrolières, hier, finançaient les groupes djihadistes dans la sous région et aujourd’hui, envoient des Imams salafistes obscurantistes qui alimentent le terreau nourrissant le terrorisme.

Résumons nous. Pour lutter contre les groupes djihadistes qui se jouent des frontières et embrasent la région, ce groupe de cinq pays avait lancé en 2015 un projet de force conjointe de 5000 hommes, mais sans résultats tangibles, avec l’appui de la France. Le projet a été réactivé en 2017, sur l’insistance du nouveau président français, Emmanuel Macron, qui espère que cette force se substituera dans la région aux soldats français. Sauf que l’argent, le nerf de la guerre, n’arrive qu’au compte-gouttes et que tout reste à faire pour former et équiper des armées africaines totalement embryonnaires.

L’intervention militaire, seul horizon 

Pourtant dimanche dernier, Florence Parly qui n’est pas à une contradiction près, a estimé que la France serait prête à intervenir au Burkina Faso, maillon faible de la lutte anti terroriste au Sahel, si la situation empirait encore. L’accord de défense que ce pays africain a conclu avec la Russie de Poutine cet été n’est pas pour rien dans l’activisme dont fait preuve la ministre française. Il n’empêche, la chef des Armées reconnait « en même temps », comme dirait son patron, qu’il n’y a plus un sou pour financer la force G5 Sahel, mais qu’elle peut néamoins trouver miraculeusement des ressources pour engager l’armée française sur un nouveau front au Burkina. De qui se moque-t-on?

Un signe qui ne trompe pas sur les moyens financiers de la France est le tout récent voyage de Jean Yves le Drian en Centrafrique où il s’agit, là encore, de contrer l’influence russe grandissante sur cette terre de présence française. On nous avait assuré que le ministre des Affaires Etrangères, qui a récemment rencontré le Président Touadera, à New York puis à Erevan, allait annoncer une progression de l’aide bilatérale française que mettrait en oeuvre le nouvel ambassadeur de France à Bangui, en fonction depuis deux mois. Résultat, le ministre n’a pu signer qu’un modeste chèque de dix millions d’euros pour financer, s’est-il glorifié, deux mois des salaires des fonctionnaires centrafricains. Soit une aumône qui traduit bien le poids désormais de la France.

Une schizophrénie française

On avait cru comprendre que Florence Parly, connue pour ses compétences budgétaires, y compris comme secrétaire d’Etat de François Hollande, savait au moins compter, à défaut de bénéficier de grandes qualités oratoires et pédagogiques. Emmanuel Macron l’avait choisi, disait-on, pour ses aptitudes à imposer, calculette à la main, un peu d’austérité au ministère de la Défense jugé trop gourmand à son gout, notamment pour les Opérations Extérieures.

Apparemment, la ministre « des armées » cède comme son prédécesseur sous Hollande, Jean Yves Le Drian, à l’appel aux armes, mais désormais sans en avoir les moyens financiers.

Florence Parly, une schizophrénie française

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)