Emmanuel Macron à N’Djamena pour honorer la mémoire de son allié Driss Déby 

Le président français qui avait renoncé pour raisons sanitaires à se rendre en février dernier à N’Djamena sera présent vendredi dans la capitale tchadienne pour les obsèques de Déby. Une manière de témoigner de la reconnaissance de la France à cet allié de la lutte contre le terrorisme au Sahel. 

Macron se rend ce vendredi à N’Djamena pour participer aux obsèques du président Idriss Déby décédé mardi des suites d’une blessure lors des affrontements avec les rebelles.  La présence du président français à l’ultime adieu à  Déby témoigne du statut d’allié stratégique de la France du défunt chef de l’Etat tchadien. En Centrafrique en 2012 et depuis 2013 au Sahel et dans le bassin du Lac Tchad Paris a su compter sur le soutien diplomatique mais surtout militaire d’Idriss Déby. Et pourtant, les relations entre le président tchadien et la France n’ont pas toujours été bonnes. 

Les relations entre Deby et Hollande furent très mauvaise au départ pour connaitre ensuite une embellie quand le Tchad et la France sont intervenues ensemble dans le cadre de l’opération Serval 

Des relations heurtées avec François Hollande 

Sous François Hollande, ces rapports furent même exécrables. Au moins, au tout début du quinquennat en 2012. En effet, le nouveau président français, qui tenait encore à rester fidèle à la promesse de « démanteler la Françafrique » faite lors d’un meeting au Bourget, se méfiait de ses homologues africains usés par leur  longévité au pouvoir. Arrivé au pouvoir en décembre 1990, Déby Itno faisait alors naturellement partie des parias à l’Elysée. Toutefois, sur le chapitre des relations entre la France et l’Afrique, rien n’est jamais sûr. 

 Au terme d’un lobbying intense Hollande finit par accepter de recevoir le président Déby à Paris. Il décide ensuite de déprogrammer cet entretien pour rester fidèle à son engagement du Bourget. Nous sommes quelques semaines du XIV ème Sommet de la Francophonie prévu fin novembre 2012 à Kinshasa. Prenant cette déprogrammation comme une offense, Idriss Déby Itno décide, en représailles, de ne pas se rendre à la grand-messe du monde francophone dans la capitale congolaise. Pire, pour mieux manifester son mécontentement, le chef de l’Etat tchadien choisit la même période que le Sommet pour effectuer une visite de travail en Afrique du Sud. Il marque, à son retour du pays de Nelson Mandela,  une escale à Kinshasa d’où venaient de repartir ses pairs du monde francophone,  mais où il  retrouve toutefois  le président congolais Joseph Kabila, lui aussi, remonté à bloc contre François Hollande et « ses leçons de démocratie ». Entre Déby Itno et Hollande la rupture semblait alors consommée. 

jean Yves Le Drian, successivement à la tète de la Défense puis des Affaires Etrangères fut le plus fidèle allié de Driss deby à Paris ces dernières années. Pour lemeilleur et pour le pire !

Bonnes affaires pour le lobby militaire 

Sorti  de la promotion 1986 de l’Ecole de guerre de Paris, le chef de l’Etat tchadien, que même ses adversaires politiques décrivent comme un redoutable guerrier, dispose e d’un solide carnet d’adresses bâti en France dans les milieux militaires, à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, renseignements extérieurs français), au Quai d’Orsay et dans le monde des Affaires.  Tout ce beau monde acquis à Déby jubile lorsque la France décidé de lancer en janvier 2013 l’opération militaire Serval pour débarrasser le Mali des groupes djihadistes.   

A N’Djamena, le lobby militaire français réussit à convaincre Déby Itno de s’engager militairement au Mali aux côtés des forces françaises et des autres troupes africaines. Le chef de l’Etat tchadien, qui fleure la bonne affaire,  décidé d’y dépêcher des troupes d’élite lourdement armées avec comme Commandant en second son propre fils,  le général Mahamat  Déby Itno, aujourd’hui à la tête du Conseil militaire de transition, organe dirigeant du Tchad. La première manche est ainsi gagnée pour Déby.  

A Paris aussi, la manœuvre se poursuit auprès de François Hollande pour vanter l’engagement militaire décisif tchadien. Les lobbyistes pro-Déby Itno trouvent ainsi une oreille attentive auprès du général Benoît Puga, à l’époque chef d’état-major particulier du président français, de l’Amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major des armées françaises et du général Didier Castres, sous-chef d’etat-major Opérations.  

Distingués pour leurs engagements aux combats sur le champ de bataille, les militaires tchadiens sont choisis par l’armée française pour l’opération de  « nettoyage » des montagnes des Ifoghas. Suivant le schéma tactique convenu, les français prennent le flanc ouest, les Tchadiens le flanc est avec pour objectif une jonction au centre. L’armée tchadienne s’acquitte remarquablement de son mandat avec efficacité et rapidité. C’est le triomphe pour Déby Itno. 

Retournement de situation 

Plus rien ne sera dès lors comme avant pour le président tchadien. Le paria du début du quinquennat de Hollande a accédé au statut d’allié stratégique et incontournable de la lutte contre le terrorisme au Sahel. En succédant à François Hollande, Macro hérite d’une relation de confiance entre la France et Déby. Il en profite pour la consolider en confiant les Affaires étrangères à Jean-Yves Le Drian, ami personnel du président tchadien.  

Pour la France, toute stratégie de lutte antiterroriste au Sahel passe par N’Djamena où se trouve le quartier général de l’opération Barkhane, opération militaire héritière de Serval mais élargie à la lutte contre les groupes djihadistes dans toute la bande sahélo-saharienne. Macron s’est personnellement investi pour obtenir de Déby en février dernier l’envoi de 1200 soldats tchadiens dans la zone dite des trois frontières commune au Burkina Faso, au Mali et au Niger.  

Avec l’arrivée du contingent tchadien sur cette zone devenue l’épicentre des activités de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), Macro espère renverser le rapport de force entre les groupes terroristes et les armées nationales du Sahel. Ce qui lui permettrait d’envisager le retrait d’une partie des soldats de Barkhane, de préférence avant la présidentielle de 2022 en France. C’est donc en reconnaissance de tous les services rendus à la France que Macron va braver le contexte sanitaire français, qui s’est même aggravé depuis février, pour participer aux obsèques de Déby.  Mais, il y va aussi pour s’assurer de la poursuite de l’engagement du Tchad dans la lutte contre le terrorisme pendant la transition et après.