La presse française spécialiste des problèmes de défense, « embedded » par l’armée et biberonnée par la propagande militaire, veut croire que la France a « sauvé » le Mali et la Centrafrique
En aout 1914, au début de la « grande » guerre, on pouvait lire dans la presse française des informations réconfortantes. Capables de maintenir le moral des combattants et de soutenir ceux de « l’arrière ». En cette période d’inventaire, à l’occasion du centième anniversaire de cette boucherie, les historiens ont rappelé les incroyables perles publiées par les journaux. Deux exemples entre les plus gros, on pouvait lire à la une cette information capitale : « Les balles boches ne tuent pas » ou encore : « Il suffit à nos soldats de tendre une tartine de confiture pour faire prisonniers des boches »…
Un siècle plus tard, le propos s’est amélioré mais le mensonge demeure une arme de guerre. Ainsi, afin de mobiliser le soutien des français poussant en mêlée derrière leurs soldats – et justifier à la fois les options politiques et le coût énorme de la guerre mondiale contre le « terrorisme »-, l’armée et le ministère de le Défense ont enrôlé la presse. Comme en 14.
Le terrorisme, le seul ennemi
Pas une semaine ne se passe sans que les employés des télévisions, publiques ou privées, s’en aillent dormir sur les lits Picot des militaires. Notons qu’avant d’être agréé comme reporter de guerre, le « journaliste » doit se signaler par son bon esprit, pas question qu’il ait jamais signalé quelque chose qui cloche dans le monde enchanté de Le Drian. Ceci étant acquis, le candidat doit aller à l’école. « Story telling », on lui inculque les mots qu’il lui faudra répéter. Celui qu’il faut bien marteler, c’est que celui d’en face, donc l’ennemi, est forcément un « terroriste ». Et rien d’autre. Pas question de finasser avec le statut des touaregs en révolte au Nord Mali, ou avec les anciens du parti Baas en Irak, écrasés par le pouvoir chiite installé par Bush à Bagdad, et qui sont aujourd’hui du mauvais côté de la ligne de front, celle de Daech… L’armée humanitaire française ne combat que des terroristes. Même les « Balakas » et « Anti Balakas » de Centrafrique, engagés dans une guérilla ethnico-religieuse, doivent être dépeints comme les admirateurs de Ben Laden.
Quand il a été sélectionné, puis « briefé », le journaliste convenable est conduit sur le front. Ou pas trop loin. Si nécessaire, nos troufions lui réservent une mise en scène, genre manœuvres balles à blancs, afin que, derrière ses écrans, la France ait peur et voit bien que son armée est très utile.
Sur le pont…
Le porte-avions De Gaulle ayant réussi à se rendre « sur zone », dans le Golfe Persique, les équipes de reporters sont bien évidemment sur le pont pour filmer la guerre. Et récupérer des vidéos de bombardements dont on jure, pou chacun d’eux, qu’un « objectif majeur » de Daech a été détruit. Pour l’instant, la propagande marche : tous les députés et sénateurs sont, comme « l’opinion », mobilisés derrière nos « petits gars ». Dans un an, au même endroit sur le même porte-avions, il faudra aux mêmes reporters une belle imagination pour expliquer que les bombes continuent de pleuvoir… mais sans effet pour la lutte finale filmée en tricolore.
Dernier détail, cette presse qui se relaie au front est incapable de fournir une information crédible, aussi simple que le nombre de nos soldats combattant actuellement en Afrique. On ne demande pas à ces journalistes en kaki de lâcher des vérités, mais juste de faire de belles images. Comme en 14.