Le 25 mars, la conférence des chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest s’est une nouvelle fois penchée sur les républiques des colonels : Mali, Burkina Faso, Guinée Conakry. Elle a promis de nouvelles sanctions, appelé les militaires à publier des calendriers électoraux raisonnables, nommé des médiateurs, sans grand effet.
Jusqu’au 25 mars, Mamadi Doumbouya, qui s’est intronisé président de la Guinée après le coup d’Etat de septembre 2021 n’avait pas eu trop à se plaindre de la CEDEAO. L’institution ouest-africaine s’était contentée de geler les avoirs des dirigeants guinéens et de les interdire de voyage. Pourtant, Conakry n’a jamais dévoilé ses intentions sur la durée de la transition.
Combien de temps, le colonel restera-t-il au pouvoir ? Mystère, le putschiste n’a jamais voulu clarifier ce point malgré les multiples demandes de la CEDEAO d’organiser des élections dans les six mois. Si cette dernière est restée indulgente, c’est que les nouvelles autorités guinéennes avaient suscité beaucoup d’espoir dans la population. Mais l’espérance a été de courte durée, les mauvaises pratiques sont revenues au galop, les tensions entre Malinkés et Peuls aussi.
La maison du principal opposant Celou Dalein Diallo a été démolie sous prétexte qu’elle n’était plus aux normes. Le pouvoir est peu pressé de publier un chronogramme électoral mais très impatient de revoir les contrats miniers. Ainsi, sept mois à peine après le putsch, l’Etat guinéen a eu le temps d’inscrire un nouvel épisode à la série Simandou, du nom de ce gigantesque gisement de fer en signant un accord de 15 milliards de dollars avec Rio Tinto et Winning Consortium. Le pays se réveille de son court rêve avec la gueule de bois des mauvais jours.
Les chefs d’Etat réuni à Accra ont donc promis des sanctions dures si la date des prochaines élections n’était pas fixée au plus tard le 25 avril. Ils ont aussi décidé d’imposer un médiateur, malgré le précédent refus de Mamadi Doumbouya d’accepter un intermédiaire dans les négociations.
Ouagadougou : peut faire mieux…
Paul Henri Damiba, le colonel qui a pris le pouvoir au Burkina Faso en janvier dernier, peine à trouver ses marques. Contrairement à son homologue guinéen, la rue ne lui a pas accordé d’état de grâce. Si le coup d’Etat a été plus ou moins accepté par les Burkinabè, c’est seulement au vu des bilans sécuritaire et humanitaire catastrophiques de l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré. Des résultats rapides étaient donc attendus.
Mais après deux mois de pouvoir, force est de constater que la situation sécuritaire est pire que jamais. Au cours des quinze derniers jours six attaques dans l’est et le nord du pays ont été recensées, tuant au moins 23 civils et 25 militaires. La situation humanitaire n’est pas meilleure, on compte plus 1,7 million de personnes déplacées et l’insécurité alimentaire augmente.
Politiquement, le climat se tend aussi, dimanche 27 mars, une grande marche a eu lieu pour demander que le Président s’exprime « Nous ne comprenons plus rien. Que Paul Damiba s’explique devant le peuple pour dire exactement ce qu’il est venu faire » Au vu, de l’atmosphère ambiante, la CEDEAO a légèrement monté le ton, jusqu’à présent, elle avait condamné le putsch du bout des lèvres. A Accra, les chefs d’Etat ont fixé la même peine que pour la Guinée, réduire le délai de transition, que la junte burkinabè a fixé à trois ans?
Et en prime, la nomination d’un médiateur a été demandée par la Cedeao, ce qui ne mange pas de pain!.
Bamako au poteau !
Le Mali, lui, reste sur la liste noire de la CEDEAO qui maintient ses sévères sanctions imposées le 9 janvier 2022. De nombreux journalistes et observateurs ont par ailleurs très mal interprété la sentence rendue par la Cour de justice de l’UMEOA, une Union monétaire, suspendant ses propres sanctions. Ils ont voulu voir là une grande victoire de la junte. Il n’en est rien, l’UMEOA n’étant pas la CEDEAO.
Ce sont deux organisations différentes qui ont pris des mesures différentes. Celles de Union monétaire concernent la fin du gel des avoirs de la Banque centrale maliennes, afin de permettre à Bamako d’être en capacité de rembourser ses prêts arrivés à maturité. Le Mali reste donc toujours puni et le blocage entre le gouvernement et la CEDEAO demeure entier.
Aucune bonne option
Il apparaît clairement que les chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest n’ont pas adopté les mêmes mesures envers les différentes juntes, le Mali a été beaucoup plus sévèrement sanctionné que le Burkina Faso, qui a été seulement suspendu des instances de la CEDEAO. Cependant, que les peines soient lourdes ou légères, n’empêchent pas les colonels de rester au pouvoir.
C’est la preuve de l’impuissance d’une institution qui n’a plus de légitimité, qui n’a pas su se renouveler et qui n’a plus aucune autorité pour remettre de l’ordre dans sa propre maison. Mamadou Doumbouya, chef de la junte, ne s’y est pas trompé. À l’annonce des décisions de la Cedeao, son porte-parole a répliqué : « Cela n’engage que ceux qui ont parlé. La Guinée n’était pas représentée à cette réunion. Ceux qui ont donné ce calendrier-là, en sont responsables. La Guinée continue d’évoluer au rythme de son peuple et en tenant compte des impératifs de sa situation ».
Circulez, chers amis de la Cedeao, l’Afrique de demain se construit sans vous.
La Cedeao coupe les vivres au Mali