Projet hydraulique, le droit de réponse de l’OMVS

Mondafrique

A la suite d’un article publié le 23 mai 2018 et intitulé : « Des remugles de corruption sur les bords du fleuve Sénégal », qui présentait le processus qui a abouti à la sélection d’une entreprise pour la réalisation du Projet d’aménagement hydro-électrique de Koukoutamba, nous publions le droit de réponse de la cellule communication du Haut Commissariat de l’OMVS, l’office qui représnete la République de Guinée, la République du Mali, la République Islamique de Mauritanie et la République du Sénégal.

Le point de départ des allégations parues dans l’article serait la sélection de l’entreprise chinoise Sinohydro pour le marché de construction du futur barrage hydroélectrique de Koukoutamba sur le Bafing (affluent du fleuve Sénégal), en République de Guinée.

La construction et la mise en service de ce barrage est un dossier majeur pour les Etats membres de l’OMVS (la République de Guinée, la République du Mali, la République Islamique de Mauritanie et la République du Sénégal). C’est ainsi que le 25 mars 2013 les Chefs d’Etat des pays de l’OMVS ont donné des instructions pour accélérer la mise en œuvre des projets structurants dont notamment l’aménagement hydroélectrique de Koukoutamba. En exécution de cette instruction, le Conseil des Ministres de l’Organisation ordonnait en 2015 la mise en œuvre du projet en mode EPC avec apport de financement. En d’autres termes, l’option de réalisation du projet est celle de la construction clés en main avec apport de financement : l’entreprise en charge des travaux apportera également les financements nécessaires. Ceci explique qu’aucun accord de financement n’est signé à date.

Cette formule inédite a été choisie par les Etats membres en raison de l’ampleur du financement à mobiliser, mais également de l’envergure de l’ouvrage à construire qui sera le plus grand dans l’espace OMVS en termes de dimensions et de productible d’énergie hydroélectrique.

La sélection de l’entreprise pour le projet Koukoutamba, comme tous les marchés de l’OMVS, a été effectuée selon les plus hauts standards de rigueur et de transparence en la matière. La procédure a duré deux ans, avec l’appui d’un Ingénieur conseil de notoriété internationale (Tractebel), un suivi de proximité par les Etats membres de l’OMVS et le tout couronné par des délibérations d’une Commission régionale des marchés regroupant pas moins de 27 experts de ces Etats.

Il y a lieu d’ailleurs de dire que la procédure n’a pas dérogé aux règles de passation de marché dont l’OMVS est coutumière pour avoir réalisé, sur plus de 40 ans d’existence, un programme d’infrastructures relativement étoffé. Nous n’en voulons pour preuve que la construction des barrages de Diama à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, qui fournit, entre autres, 100% de l’eau municipale de Nouakchott et plus de 60% de l’eau potable consommée à Dakar, les barrages hydroélectriques de Manantali, Félou ainsi que Gouina en cours d’achèvement au Mali, sans compter les voies routières, les lignes haute tension de transport électrique…, qui ont valu à l’OMVS le satisfecit de ses partenaires.

 

Cependant, en dépit de ces garanties de transparence et d’équité, l’entreprise China Gezhouba Group Co. Ltd (CGGC) nous a adressé un recours gracieux par lettre datée du 18 avril 2018. En réponse, nous avons confirmé les résultats de l’évaluation de la Commission régionale des marchés, qui ne classe pas l’entreprise CGGC en tête. Contrairement aux allégations de CGGC, ces résultats ne découlent nullement d’une erreur de calcul. Ils ont été obtenus en application des principes indiqués dans le Dossier d’Appel d’Offres (volume 0 « Instructions aux soumissionnaires ») qui intègrent l’application de la formule de calcul à l’évaluation des offres technique et financière. Ainsi, la proposition la moins disante a été déterminée sur la base de ce qui suit, nous citons : « L’Offre évaluée la moins disante sera celle qui aura proposé la meilleure note financière parmi les propositions techniques jugées acceptables … ».

Concernant le résultat de l’évaluation des offres :

L’évaluation des offres a été consciencieusement menée par des experts des 4 pays membres de l’OMVS. Les résultats ont été démontrés puis validés en séance de la Commission régionale des marchés. Il ressort de cet exercice que :

  • le marché a été attribué à l’entreprise Sinohydro pour un montant total de 812 798 559,01 USD (et non 999 000 000 USD) et un délai d’exécution de 49 mois ;
  • le montant évalué de l’offre de CGGC est de 805 888 898,14 USD pour un délai d’exécution de 58 mois ;
  • la différence de prix est de 6 909 660.87 USD. Toutefois, la société Sinohydro propose un délai de 49 mois soit 9 mois de moins que CGGC et, en application de la formule PVE (Prix de Vente de l’Energie), l’offre de Sinohydro est ressortie comme la plus avantageuse.

 Concernant les recours de CGGC :

Après le recours gracieux auprès de l’OMVS, l’entreprise CGGC a saisi l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) du Sénégal par lettre datée du 25 avril 2018. Il s’en est suivi que :

  • L’ARMP par Décision n° 028/ARMP du 03/05/2018 a notifié à l’OMVS sa décision de suspendre la procédure. Cette décision a été notifiée à l’OMVS par la lettre n° 000985/ARMP du 7/05/2018.
  • L’OMVS a apporté des éléments de réponse à cette Décision de l’ARMP par courrier n° 001031/ER/HC du 11/05/2018. Nous avons fait valoir qu’en vertu de son statut d’organisation internationale, conféré par la convention ayant présidé à sa création et les textes subséquents, l’OMVS dispose de ses propres règles de fonctionnement et n’entre pas dans le champ d’application des Codes applicables aux dépenses publiques de ses Etats membres, pris chacun comme Etat individuel. En outre, les décisions de son instance suprême qu’est la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et de son instance délibérante qu’est le Conseil des Ministres ont « force obligatoire pour les Etats membres ».
  • L’ARPM, par Décision n° 070/ARMP du 24/05/2018, s’est déclarée incompétente pour traiter la plainte de la société CGGC. Cette décision a été notifiée à l’OMVS par lettre n° 0011/ARMP du 30/05/2018 reçue à l’OMVS le 31/05/2018.

Concernant la réintégration de l’entreprise Sinohydro dans le processus d’évaluation :

Cette réintégration est légitimée par l’organisation institutionnelle spécifique de l’OMVS que nous avons fait valoir dans les éléments de réponse fournis à l’ARMP du Sénégal. En dernier recours, le Conseil des Ministres de l’OMVS – et non pas un Ministre comme inexactement avancé par CGGC – a décidé de la recevabilité de la caution de Sinohydro dans le souci de maintenir une concurrence ouverte et surtout de préserver les intérêts communs aux quatre Etats membres.

Tels sont les faits. D’ailleurs, l’autre concurrent malheureux, l’entreprise chinoise CWE, a pris acte sans difficultés aucunes de la notification de non sélection de son offre. 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)