C’est « Le Monde* qui a révélé cette grave affaire de corruption éclaboussant le président maritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, ainsi que son clan. Elle concerne les agissements du géant minier canadien Kinross Gold Corporation en Mauritanie. En 2010, celui-ci a acheté la mine d’or de Tasiat, située à 300 kilomètres au nord de Nouakchott. C’est cette acquisition et l’exploitation du gisement qui valent aujourd’hui au cinquième producteur mondial d’or de faire l’objet d’une enquête de la SEC, le gendarme de la Bourse américain, et du Département US de la Justice. Et le moins que l’on puisse dire est que les Américains n’y vont pas de main morte.
Selon Le Monde, la SEC a exigé de Kinross Gold Corporation « une liste de documents internes tels que l’intégralité des courriers et échanges électroniques, mais aussi les contrats et les virements passés avec une longue liste de personnalités mauritaniennes, le plus souvent des proches du président. Les paiements de taxe sur les carburants, les relations avec les inspecteurs du travail, et les rapports environnementaux ont également été demandés ». Si la Kinross Gold Corporation se trouve à ce point dans le collimateur anti-corruption des Etats-Unis, c’est qu’elle est lourdement suspectée d’avoir bien arrosé l’entourage du président Ould Abdel Aziz.
Bakchichs à gogo
Le Monde publie en effet une liste de corps de métiers et de personnalités mauritaniennes qui ont profité des largesses de cette société. Sont pêle-mêle cités des agents des douanes, des gendarmes, des militaires, des inspecteurs du travail, des hauts fonctionnaires et des conseillers du président. C’est notamment le cas d’un « entrepreneur logistique », Ismaël Hassana, qui a « fait fonction de directeur des relations extérieures de la filiale mauritanienne de la Kinross Gold Corporation. » Mais aussi de l’homme d’affaires Melaïnine Ould Tomy, « toujours chic et coutumier des palaces parisiens », ancien vice-président de la mine de Tasiat. A son sujet, Le Monde relève ironiquement que c’est « sans doute un hasard qu’il ait été directeur du protocole de la présidence et que son cousin se nomme Mohamed Ould Abdel Aziz »…
Parmi les autres personnalités sur lesquelles les autorités américaines enquêtent, figure Mohamed Abdellali Ould Yaha, « ancien délégué à l’investissement privé du gouvernement et sous-traitant du géant minier » ; ou encore « le patron de la gendarmerie nationale, le général N’Daga Dieng, (qui) loue plusieurs de ses villas à Nouakchott aux éployés de Kinross Gold Corporation, qui a d’ailleurs embauché sa fille. »
Bien connue des lecteurs de Mondafrique, cette corruption du clan présidentiel mauritanien ne peut qu’alerter la communauté internationale. Laquelle n’a que trop soutenu Ould Abdel Aziz et les sines en fermant les yeux sur la corruption du régime.
* Mauritanie : le géant minier Kinross dans le viseur des autorités américaines, par Joan Tilouine et Xavier Monnier, paru sur www.lemonde.fr le 4 octobre 2015
ENCADRE KA REPONSE DE KINROSS
En réponse aux demandes de renseignements des médias, Kinross Gold Corporation (TSX: K, NYSE: KGC) souhaite faire connaître les circonstances relatives à un examen réglementaire en cours concernant ses opérations minières en Afrique de l’Ouest.
En août 2013, Kinross a reçu des informations sur des allégations de paiements irréguliers effectués à des fonctionnaires de gouvernements ainsi que sur certaines déficiences de contrôle interne au niveau de ses opérations minières en Afrique de l’Ouest.
Kinross prend ces allégations très au sérieux et a immédiatement engagé des mesures en accord avec sa politique en matière de dénonciation. Un cabinet de conseil juridique externe a été immédiatement retenu pour mener une enquête interne objective sur ces allégations.
En mars et décembre 2014, ainsi qu’en juillet 2015, Kinross a reçu des assignations de la part de la Securities and Exchange Commission des États-Unis (la «SEC» – organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers) en quête d’informations et de documents sur sensiblement les mêmes sujets qui avaient été déjà soulevés à titre anonyme. En décembre 2014, Kinross a reçu des demandes d’informations similaires de la part du Département de la Justice des États-Unis (le «DOJ»).
Kinross coopère pleinement avec la SEC et le DOJ et continue à mener avec rigueur sa propre enquête interne qui, au cours des 25 derniers mois, n’a pas identifié de problèmes que Kinross croit susceptibles d’avoir un effet négatif sur sa position financière ou sur ses opérations. Notre enquête interne se poursuit et dans ce cadre des éléments ou faits nouveaux pourraient être connus.
Il est important de noter que les assignations de la SEC indiquent expressément que: « cette enquête est confidentielle et non publique et ne doit pas être interprétée comme une indication par la Commission ou son personnel de toute violation commise, ni comme une appréciation sur une personne, entité ou sécurité ».
Kinross s’engage à mener ses opérations selon les standards éthiques les plus élevés et à conduire ses affaires d’une manière honnête et transparente en conformité avec la loi. Kinross a mis en œuvre, de longue date, une solide culture d’éthique et de responsabilité conformément à son code de déontologie et d’éthique et aux programmes de conformité anti-corruption qui y sont liés.
Du fait qu’il s’agit d’une affaire légale en cours, Kinross ne fera pas davantage de commentaire pour le moment.