Avis de tempête sur les mines Mauritaniennes

Poumon économique de la Mauritanie, le secteur minier traverse une très mauvaise passe. Les déboires de l'opérateur canadien Kinross, spécialisé dans l'extraction d'or, en témoignent.

Kinross est en grande difficulté en Mauritanie et pourrait finir par se désengager complètement du pays, d’après l’article paru le 20 septembre sur le site du Globe and Mail (Canada) –Kinross est l’opérateur de la mine d’or Tasiast, un des sites à plus fort potentiel du monde d’après les études connues sur le gisement.

Guichet unique

Alors que les négociations sur un nouveau plan d’aide du F.M.I. sont sur le point de reprendre à Nouakchott, l’économie mauritanienne est en train de payer le prix de la gouvernance clanique désastreuse remise au goût du jour par le général Aziz, l’auteur du putsch de 2008 (il avait alors mis fin à la parenthèse « démocratique » de 2005-2008, qui avait vu l’arrivée au pouvoir d’un civil élu en 2007 après une libéralisation des institutions du pays et l’organisation d’élections auxquelles ne s’était pas présenté M. Vall, le Président de la transition. Le Président Aziz, qui depuis son accession au pouvoir a organisé sa légitimation à travers la mise en scène de deux élections présidentielles, ne voit le pouvoir politique que comme un raccourci vers l’enrichissement personnel : soutenu par les Occidentaux au nom de la lutte contre le terrorisme dans la région -au carrefour entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest la Mauritanie est une zone hautement stratégique-,  il a eu les mains libres pour installer un guichet unique passage obligé de tous les investissements dans le pays, contrôlé via le BASEP (Bataillon de sécurité présidentielle, dont il est issu).

Alors que des fortunes ont été amassées en moins de 5 ans parmi les courtisans du pouvoir de Nouakchott, la population est maintenue dans la pauvreté voire l’insécurité alimentaire (30% de la population), et le chômage des jeunes, conséquence d’un système d’éducation défaillant (10% de réussite au baccalauréat en 2015), est endémique à presque 50%.

L’économie extractive en berne 

Tout ceci n’est pas nouveau : ce qui l’est en revanche, c’est le délitement complet de l’économie extractive, le poumon qui permettait jusqu’ici à la junte azizienne de donner le change sur le plan international : en effet, depuis la baisse des cours du fer et de l’or, les investisseurs étrangers, échaudés par le poids de la corruption, se désengagent massivement et le pays ne compte plus que sur les grands bailleurs institutionnels internationaux.

C’est le cas de Kinross, le 5ème producteur mondial d’or, qui vient d’annoncer 225 licenciements sur son gisement géant de Tasiast. Le géant canadien ne parvient pas à rentabiliser sa mine après l’avoir rachetée en 2010 à son compatriote Red Back Mining au prix fort (7,1 milliards US$). A cause des problématiques de gouvernance qui de l’aveu même de la société la forcent à travailler avec pas moins de 600 prestataires différents en Mauritanie, les coûts de production de Tasiast-Kinross sont de 1 063 US$ par once de minerai extraite contre 690 US$ sur son site de Chirano (Ghana), ce qui fait de l’exploitation du gisement un poids financier insupportable pour la société qui a déjà dépensé près d’1,5 milliard de US$ sur place et a reporté sine die il y a quelques mois un plan d’expansion de 1,6 milliard US$, faute de financement et de perspectives de rentabilité suffisante. Notons au passage que Kinross s’est retiré du projet S.P.E.G., le serpent de mer lié à l’exploitation à venir du gaz de Banda dans le cadre de la production d’électricité à destination du Mali et du Sénégal, dans lequel il représentait les intérêts privés internationaux aux côtés du britannique Tullow Oil, qui a également jeté l’éponge.

Comme le montre entre les lignes le dossier Mauritanie paru cette semaine chez notre confère Jeune Afrique, c’est toute l’économie du pays qui est sur les dents. Non seulement les investisseurs étrangers se désengagent, mais le fleuron de l’économie nationale, la SNIM (fer), principal bailleur de l’état et de son appareil de propagande, mais aussi de tous les « éléphants blancs » du pouvoir comme le pharaonique NAIN (Nouvel Aéroport International de Nouakchott), est en grande difficulté. La société perd trop d’argent pour pouvoir continuer durablement à renflouer les caisses des autres organes de l’appareil d’état. Ironie de l’histoire, c’est la SNIM qui avait entamé la construction du siège de Tasiast-Kinross (une opération financière et immobilière plus qu’opaque) : le chantier abandonné gît aujourd’hui sous le sable en plein Nouakchott. Gageons que cette situation perdurera aussi longtemps que le Général Aziz présidera aux destinées du pays. Il a été réélu « triomphalement » en 2014 pour 5 ans.