Syrie, l’Etat Islamique survit sous les décombres !

L’Etat islamique survit parfaitement bien en Syrie, de manière décentralisée. Il profite des divisions entre les forces occupantes.

Le 2 novembre, une formation de combattants locaux syriens soutenus par la Russie a tué huit miliciens de l’Etat islamique dans la région de Daraa ; le 29 octobre, le cadavre de Faleh Shehadeh al-Azizi a été retrouvé truffé de balles dans la ville de Jasim en Syrie. Cet ex-juge de la sharia de l’Etat islamique aurait été enlevé et exécuté ; le 28 octobre, un kamikaze de l’Etat Islamique s’est fait exploser à l’intérieur de la maison d’un ancien commandant de l’armée syrienne dans la ville de Daraa, dans le sud de la Syrie ; le 27 octobre, des hommes armés soupçonnés d’être membres de l’Etat islamique ont attaqué un centre de la Direction du renseignement militaire syrien dans la ville d’al-Bukamal, dans la campagne méridionale de Deir Ezzor ; le 27 octobre, la chasse aux cellules de l’Etat islamique aurait atteint la ville d’al-Yadudah dans le sud de la Syrie près de Daraa ; le 25 octobre, l’Etat islamique a annoncé que ses cellules dans la région centrale de la Syrie avaient ciblé un véhicule de l’armée arabe syrienne (AAS)…..

Pas un jour ne passe sans qu’un incident n’éclate entre les forces armées syriennes, les forces armées russes ou les forces armées américaines ou Kurdes et l’une ou l’autre des cellules de l’Etat islamique. Depuis la défaite du califat autoproclamé de l’État islamique en 2019, l’Etat Islamique survit entre les mailles du filet tendu par la multitude d’intervenants qui ont pris le contrôle des territoires qui constituaient autrefois le domaine du Califat. Ces intervenants russes, syriens, américains, kurdes ne sont pas très bien coordonnés entre eux, si bien qu’une insurrection islamiste couve sur l’ensemble des territoires qu’ils contrôlent.

Une étude de l’International Crisis Group (ICG) publiée en juillet 2022 et intitulée « Contenir un État islamique résilient dans le centre et le nord-est de la Syrie” a fait utilement le point sur cette organisation qui, dans l’ombre, “continue d’organiser des attaques et d’intimider la population dans une grande partie de son ancien domaine ».

Les campagnes anti-ISIS explique l’étude ont obtenu des gains significatifs mais non définitifs. En particulier, les nouveaux occupants de la Syrie n’ont pas empêché les combattants de circuler individuellement ni de  franchir les lignes de contrôle en Syrie. Cette situation qui perdure encore aujourd’hui permet aux cellules de l’Etat islamique de se reconstituer et de « s’enraciner profondément ».

L’Etat islamique mène une insurrection dans tout le centre et le nord-est de la Syrie. L’organisation dont on ne sait pas très bien qui la dirige, traite ces deux zones comme des théâtres indépendants mais connectés entre eux. Ce sont les liens multiples créés entre les différentes cellules qui donnent de la souplesse mais représentent aussi une forme d’occupation territoriale.  Ainsi, dans le centre de la Syrie, l’EI forme la plupart de ses nouvelles recrues ; au nord-est, il collecte des fonds et stocke des vivres ; et dans le nord-ouest, il maintient des cachettes pour les commandants de niveau intermédiaire et supérieur. 

Au plan de l’action militaire, le groupe Etat Islamique semble désormais opérer à deux niveaux affirme l’étude de l’ICG : un noyau de militants agissant sur les directives du noyau central mène des attaques complexes, tandis qu’un deuxième ensemble plus large de cellules décentralisées effectue des raids plus petits et plus fréquents, intimidant la population et collectant de l’argent issu des rapines et du racket. 

De cette manière, l’Etat islamique ne gère pas directement des territoires ce qui faciliterait son élimination, mais gère des réseaux de cellules qui communiquent entre elles, notamment par les réseaux sociaux. Chaque région, chaque zone, chaque cellule reçoit ainsi des objectifs spécifiques et l’ensemble de ces liens forme un réseau qui pourrait bien, le moment venu passer à l’offensive et récupérer les territoires perdus en 2019.

L’absence de coordination entre ceux qui combattent l’EI est le point de faiblesse central de la lutte antiterroriste. Plutôt que d’échanger des informations, de fermer les routes de contrebande et de coordonner leurs mouvements, les forces occupantes de la Syrie  se disputent entre elles. C’est de ces bisbilles entre Américains, Russes, Syriens et Kurdes que l’Etat islamique tire aujourd’hui sa force. .

Il n’est donc pas exclu que l’on entendre reparler à moyen terme de l’Etat Islamique.