Dans cette série de quatre articles écrits pour Mondafrique, Jeremy Keenan, professeur invité à l’école de droit de l’Université de la Reine Marie à Londres (QMUL) raconte l’attaque terroriste de la base d’In Amenas en janvier 2013 au coeur du sahara algérien et revient sur le rôle central des services de renseignement algériens à l’intérieur d’un pouvoir conflictuel.
Une enquête de Jeremy Keenan
Le 16 janvier 2013, l’énorme plateforme gazière de Tiguentourine au Sahara, gérée par la joint venture de production réunissant la compagnie nationale algérienne de pétrole, Sonatrach (51%), BP (24.5%) et Statoil (renommée Equinor) (24.5%), est attaquée par des terroristes. Tiguentourine est située à peu près à 50 km à l’ouest-sud-ouest de la ville d’In Amenas et à 78 km de la frontière libyenne. In Amenas se trouve à 1 583 km par la route d’Alger, 731 km du gisement de pétrole de Hassi Messaoud et 246 km au nord de la capitale de la wilaya (préfecture), Illizi. Au moment de l’attaque, Tiguentourine fournissait environ 12% de la totalité de la production de gaz naturel de l’Algérie.
En ce 16 janvier 2013, plus de 130 des 800 employés travaillant sur le site sont des expatriés de près de 30 nationalités différentes. Les autres sont algériens. Lorsque l’armée algérienne a repris le contrôle de l’usine, le 19 janvier, près de 80 personnes étaient mortes: 40 expatriés, 29 des 32 terroristes et 9 ou 10 Algériens, parmi lesquels au moins un garde.
En quelques secondes, deux balles s’écrasèrent sur le pare-brise. Paul Morgan fut le premier à mourir.
L’attaque a commencé à 5h47 (Central European Time), lorsqu’un bus transportant 12 expatriés, dont deux pilotes qui se rendaient à l’aéroport d’In Amenas ou en ville pour renouveler des documents administratifs, a été pris à partie. Le bus se trouvait au centre d’un convoi de 5 véhicules: 3 de la gendarmerie, transportant chacun quatre gendarmes armés, et le véhicule de sécurité liaison, avec à son bord Paul Morgan, l’un des officiers de sécurité qui quittait le complexe pour rentrer chez lui en Angleterre le jour-même, ainsi que son chauffeur. Le véhicule de Morgan était le deuxième du convoi, suivant le véhicule de tête des gendarmes et devançant le bus. Alors qu’ils approchaient du check-point, Morgan a allumé la lumière intérieure de l’habitacle, pour que les gardes en faction au check-point puissent le reconnaître. En quelques secondes, deux balles s’écrasèrent sur le pare-brise. Paul Morgan fut le premier à mourir.
Une fusillade s’ensuivit entre les assaillants armés et les gendarmes qui escortaient le bus. Elle dura environ 45 à 60 minutes. Bien que criblé de balles, le bus ne fut pas pris et aucun de ses passagers ne mourut. A un certain moment, certains des assaillants, comprenant, peut-être, que le bus était trop bien défendu, s’éloignèrent et s’introduisirent à l’intérieur de Tiguentourine, après des échanges de coups de feu avec les trop faibles forces de sécurité qui défendaient le site. Certains pénétrèrent à l’intérieur de la Base de Vie (BdV) à l’extrême sud du complexe; d’autres se dirigèrent vers la zone de production, où se trouvent l’Installation Centrale de Traitement (CPF) et la Base Industrielle d’Opérations (IBO), trois kilomètres au nord de la BdV et reliée à celle-ci par une route goudronnée.
Vers 07h00, ou juste avant, alors que les assaillants se trouvaient tous désormais à l’intérieur de la plateforme, les soldats de la base militaire d’In Amenas arrivèrent sur place et commencèrent à encercler l’usine, prenant au piège les 32 terroristes à l’intérieur de son périmètre.
Quatre jours de cauchemar pour les otages et pour ceux qui essayaient de rester cachés pendant que les terroristes les traquaient.
Le siège de quatre jours qui suivit fut un cauchemar pour les otages ainsi que pour ceux qui essayaient de rester cachés pendant que les terroristes les traquaient. Lorsque l’armée algérienne reprit le contrôle des lieux, 80 personnes étaient mortes.
L’enquête sur la mort de six citoyens britanniques et d’un résident britannique tués pendant l’attaque débuta à Londres le 15 septembre 2014, vingt mois plus tard, et s’acheva le 26 février 2015. Au fil des trente jours d’audience, presque chaque seconde terrifiante des quatre jours de siège fit l’objet d’une enquête légale attentive et minutieuse. .Les actes d’héroïsme, d’extraordinaire courage, de tragédie, de souffrance, de mort, d’évasion, de survie et même d’amour, qui firent souvent pleurer le public, furent tous bien documentés.
Toutefois, nonobstant les preuves rapportées par plus de 70 témoins, l’enquête londonienne évita scrupuleusement la question clé, échappant, selon elle, à ses attributions, portant sur le commanditaire de l’attaque et son mobile. A l’instar des media dominants, la cour fit sienne la thèse d’une attaque d’In Amenas par des membres d’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), sous le commandement du célèbre terroriste algérien Mokhtar ben Mokhtar (alias Belmokhtar, MBM). La seule preuve en était la désinformation produite par les autorités algériennes, soutenant que MBM avait revendiqué sa responsabilité dans l’attentat.
Pourtant, les autorités algériennes avaient, jusqu’à l’audience de Londres, refusé toute coopération, prétextant de leur intention de mener leur propre enquête judiciaire. Cette dernière ne vit jamais le jour, sans surprise pour ceux qui connaissent l’Algérie.
Une précédente enquête judiciaire en France n’avait pas davantage bénéficié de la coopération algérienne. La Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) française n’a jamais reçu l’autorisation de pénétrer en Algérie et les demandes de coopération judiciaire sont restées sans réponse. Dans son livre In Amenas, Histoire d’un piège (2014), Murielle Ravey, qui a survécu à l’attentat, écrit que le manque de transparence entre Alger et Paris était pharamineux. (R.67-9).
Des deux associés de Sonatrach, BP n’a jamais ordonné d’enquête et a gardé le silence. A l’inverse, Statoil a mené une enquête dont le rapport a été rendu public en septembre 2013. Mais le mandat des enquêteurs évitait scrupuleusement de soulever la question du mobile de l’attentat et de son commanditaire. Le mandat, rédigé de façon à ne pas fâcher les Algériens, était ainsi libellé : « Il est important dès le début de préciser que ce sont les terroristes [désignés par Statoil comme étant AQMI et Mokhtar Belmokhtar] et personne d’autre qui portent la responsabilité de cet attentat vicieux et tragique. »
Ainsi, au moment où l’enquête de Londres s’est achevée, plus de deux ans après l’attentat, les questions de « qui » avait ordonné l’opération et « pourquoi » n’avaient toujours pas trouvé de réponse. La désinformation et le refus de coopérer de l’Algérie, approuvés par les services de renseignement américain, britannique et français, renforcèrent la version officielle de l’attentat qui en attribuait la responsabilité à MBM et AQMI.
Les premiers soupçons sur l’implication du DRS ont surgi immédiatement, tout simplement parce que la majorité des incidents terroristes depuis 2002 était le fait d’une collusion entre le DRS et les groupes armés.
Toutefois, après quatre ans d’enquête, l’auteur du Rapport sur In Amenas, page 281, éclaire d’une lumière sensiblement différente les mobiles de l’attaque. Et révèle que MBM et AQMI n’ont guère été que des pions.
Dès la nouvelle de l’attentat, des suspicions d’implication des services secrets algériens – à travers le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) – étaient apparues. En réalité, n’importe quel spécialiste de sécurité connaissant bien l’Algérie devait immédiatement soupçonner une collusion entre le DRS et les assaillants, tout simplement parce que la majorité des incidents terroristes en Algérie depuis 2002/3 (comme dans les années 90) impliquait une collusion entre le DRS et les terroristes (R.42-5).
C’était justement le problème sur lequel John Schindler – officier supérieur américain du renseignement (R.42-4) – avait essayé d’attirer l’attention des gouvernements et services de renseignement occidentaux en juillet 2012 et, de nouveau, à la veille d’In Amenas. Le 10 juillet 2012, Schindler publia un article intitulé « La laide vérité sur l’Algérie » ( The Ugly Truth about Algeria, R43), qui décrivait comment le DRS, pendant plus de deux décennies, avait créé ses propres terroristes et les avait utilisés pour conduire ses propres opérations.
Le GIA était une création du DRS; utilisant des méthodes soviétiques d’infiltration et de provocation, l’agence l’organisa pour discréditer les extrémistes. La majorité des leaders du GIA était des agents du DRS, qui ont jeté le groupe dans la fuite en avant des crimes de masse, tactique brutale qui discrédita le GIA partout en Algérie. Ses opérations majeures furent l’oeuvre du DRS, y compris la vague d’attentats commis en France en 1995. Certains des massacres de civils les plus spectaculaires furent commis par des unités militaires spéciales se faisant passer pour des moujahidine ou par des unités du GIA contrôlées par le DRS. (R.43)
Le fait que les assaillants d’In Amenas avaient pu traverser sans se faire repérer l’une des zones militaires les plus sûres d’Algérie, protégée, selon l’armée algérienne, par environ 7 000 membres des forces armées, était suspect. Tout aussi suspect était le fait que les autorités algériennes donnèrent cinq versions différentes en cinq jours du trajet emprunté par les terroristes. (R.42).
Mais la base la plus solide, à ce moment-là, du soupçon d’implication du DRS résidait dans les déclarations des autorités algériennes affirmant que l’attentat avait été organisé par MBM et conduit, sur le terrain, par Mohamed Lamine Bouchneb (alias Tahar). Les deux hommes étaient connus de l’auteur pour être des agents du DRS. MBM avait conclu dix ans plus tôt un accord avec le DRS, dont l’auteur fut le témoin, aux termes duquel il s’engageait à ne pas attaquer les compagnies étrangères de gaz ou de pétrole ni leurs installations en Algérie. Les emails de l’ancienne Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton ont confirmé par la suite que MBM avait conclu un accord encore plus récent, moins d’un an avant l’attentat, avec le DRS (voir plus bas.)
Bouchneb, qui fut tué pendant le siège, était connu de l’auteur pour avoir été le responsable des enlèvements et du trafic de drogue autour d’Illizi (Djanet), dans la région du sud-est de l’Algérie et au Fezzan libyen voisin. Il était aussi connu pour être un visiteur fréquent du camp d’entraînement d’Al Qaida à Tamouret, géré par le DRS, au sud d’In Amenas.
Toutefois, la preuve la plus flagrante de l’implication du DRS n’apparut que près de trente mois plus tard, en août 2015, six mois après la fin de l’enquête de Londres.
Lors du siège d’In Amenas, l’armée algérienne avait capturé trois terroristes. Mais on ne sut rien de leurs dépositions jusqu’en août 2015.
Lors du siège d’In Amenas, l’armée algérienne avait capturé trois terroristes. Selon certaines sources, ils auraient été pris à l’intérieur du site; selon d’autres, ils se seraient échappés mais auraient été rattrapés ultérieurement par une unité de l’armée à l’extérieur. Leurs noms, probablement faux – – Derouiche Abdelkader (alias Abou al Barra), Kerroumi Bouziane (alias. Redouane) et Laaroussi Ederbali – ont été publiés par le quotidien algérien El Watan, proche du DRS, et ainsi portés à la connaissance des autorités britanniques et américaines (R.153f.).
Mais on ne sut rien de leurs dépositions, au moins publiquement, jusqu’en août 2015. Les raisons de ce secret seront expliquées dans la IVe partie. Pour le moment, il nous suffit de dire que leurs confessions touchaient au plus profond de la structure du pouvoir algérien. Au moment d’In Amenas, le clivage politique principal à l’intérieur du régime se situait entre la Présidence de Bouteflika et l’armée, d’une part, et le DRS commandé par le puissant général « Toufik » Mediène, de l’autre. Les relations étaient glaciales entre le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, et le général Mediène.
Les trois terroristes avouèrent qu’ils avaient été armés par le général Abdelkader Aït Ouarabi (alias Hassan), commandant le célèbre Groupement d’Intervention Spécial (GIS), la force de frappe du DRS. (voir IIe partie) et le Service de coordination opérationnelle et de renseignement antiterroriste (SCORAT). Cette information fournit au général Gaïd Salah les munitions dont il avait besoin pour entreprendre le démantèlement du DRS puis la chute et l’emprisonnement du général Hassan d’abord et du général Mediène, enfin. (voir IVe partie).
La Présidence et le commandement de l’armée sachant que le DRS se trouvait derrière l’attaque d’In Amenas, il n’est pas surprenant que l’Algérie ait manifesté aussi peu de désir de coopération, aussi bien dans le cadre de l’enquête judiciaire française que britannique, sans jamais s’impliquer non plus dans sa propre enquête judiciaire de façade.
Les premiers à parler publiquement de l’implication du DRS furent deux anciens capitaines du service. Ils affirmaient que le général Mediène avait ordonné l’attentat.
Pourtant, même avant que ces aveux ne soient rendus publics, il y eu plusieurs déclarations, dans les mois qui suivirent l’attentat, qui, bien que ne rapportant pas de preuve définitive de l’implication du DRS, commencèrent à en faire germer le soupçon. Les premiers à parler, sur les réseaux sociaux, furent Haroune Hacine, un ancien capitaine du DRS, et Ahmed Chouchane, un ancien capitaine et instructeur du GIS commandé par le général Hassan (R.75). Ils affirmaient que le général Mediène avait ordonné l’attaque d’In Amenas parce qu’il était furieux de l’autorisation de survol accordée par Bouteflika à la France pour attaquer les islamistes dans le nord du Mali, dont les chefs – Abdelhamid Abou Zaïd et Iyad ag Ghali – travaillaient avec le DRS.
L’éditeur François Gèze et le journaliste Nicolas Beau, directeur de publication de Mondafrique, accordèrent quelque crédit à cette thèse. Beau cita une interview, rapportée par Gèze, dans laquelle le colonel Ali Benguedda (surnommé ‘Petit Smaïn’), assistant de feu le général Smaïn Lamari, chef de la sécurité interne du DRS et du directorat du contre-espionnage, confirmait comment le DRS entraînait et gérait les groupes islamistes et encourageait leurs actions violentes pour apparaître, aux yeux de ses soutiens occidentaux, comme un partenaire incontournable dans la lutte contre le terrorisme. C’est précisément ce qu’écrivait en 2012 l’officier américain John Schindler. Gèze et Beau évoquaient eux-aussi la colère du DRS contre l’intervention française au Mali.
Le premier anniversaire de l’attaque fit l’objet d’un torrent d’articles dans la presse algérienne dont deux au moins, par inadvertance, apportèrent de nouvelles preuves de l’implication du DRS. L’un, écrit par Salima Tlemçani, connu pour ses liens étroits avec le DRS, contredisait la plupart des informations officielles : le nombre de terroristes impliqués dans l’attaque, le nombre de terroristes capturés et le nombre de morts. A la première lecture, l’article pouvait apparaître comme une tentative délibérée de semer la confusion dans les enquêtes française et britannique. Toutefois, à la deuxième lecture, l’article apparaissait plutôt comme une tentative d’éclabousser l’armée, qui, à l’insu du public, était en possession des aveux des terroristes capturés et s’apprêtait déjà à démanteler le DRS et isoler son chef tout puissant, le général Mediène (R.70-4).
Trois jours après l’article de Tlemçani, l’agence de presse Xinhua publia un article(R.74), sourcé auprès des opérations militaires françaises dans le nord du Mali, qui nommait 10 individus basés dans le septentrion malien n’ayant pas « été directement impliqués dans l’attentat mais ayant sponsorisé l’opération à travers leur contribution stratégique et logistique. » Ce que ne savait pas Xinhua, c’est que certains d’entre eux étaient liés, d’une manière ou d’une autre, avec le DRS. Par exemple, Sultan Ould Badi était directement placé sous la protection du général Rachid (‘Attafi’) Lallali, le chef de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE) du DRS.
Trois ans après l’attentat, des interceptions audio semblent démontrer que les terroristes croyaient bénéficier d’une certaine protection de l’armée algérienne.
Le pays qui perdit le plus de ressortissants dans l’attaque fut le Japon. Dix employés de la compagnie japonaise JGC Corp furent tués. Le 5 décembre 2015, près de trois ans après l’attentat, le journal japonais Nikkan-Gendai affirmait s’être procuré des interceptions audio surprises lors de l’assaut final des terroristes par l’armée algérienne à l’intérieur du site de Tiguentourine. Les interceptions, certifiées authentiques, révèlent que les terroristes croyaient bénéficier d’une certaine protection du commandement militaire algérien. L’un d’eux, Abdoul Afman, dit ces mots: « L’armée a violé son serment et nous a déçus! Ils (l’armée algérienne) ont frappé les véhicules transportant les otages et nos amis, et tout le monde est mort! » Un certain Abderrahmane crie: « Le gouvernement algérien n’a pas de parole. » (R.189).
C’est en mars 2016, plus de trois ans après In Amenas, que le dernier clou sur le cercueil de l’implication du DRS dans l’attentat fut rendu public, quand Wikileaks publia les emails privés de la Secrétaire d’Etat américaine de l’époque, Hillary Clinton (R.195). Pendant le siège, madame Clinton reçut deux emails, les 17 et 19 janvier (2013), de Sidney Blumenthal, l’ancien conseiller à la Présidence de Bill Clinton que madame Clinton continuait d’employer à titre privé en tant que Secrétaire d’Etat. Dans le premier mail, Blumenthal informait madame Clinton que le gouvernement Bouteflika était surpris et désorienté par l’attentat d’In Amenas, ayant conclu un accord secret avec MBM en avril 2012 selon lequel MBM cantonnerait ses opérations au Mali ou aux intérêts marocains dans le Sahara occidental mais seulement avec « l‘encouragement » du DRS (R.197-202). Le deuxième email confirmait que le DRS avait reçu l’ordre [de la Présidence et/ou du gouvernement) de rencontrer MBM ou ses lieutenants dans le nord de la Mauritanie pour découvrir pourquoi « MBM avait violé son engagement et lancé des attaques à l’intérieur de l’Algérie ». (R.200).
Il faut noter deux choses concernant ces emails. Tout d’abord, l’auteur pense que l’accord entre MBM et le gouvernement Bouteflika en vigueur en avril 2012 est la continuité de l’accord conclu par MBM avec le DRS dans la période 2001-2003, dont l’auteur a été le témoin. Deuxièmement, la raison pour laquelle la Présidence et le gouvernement sont surpris par la violation de cet accord par MBM est qu’ils ne savent pas que MBM, précisément, n’a pas, en réalité, violé son engagement. Au moment où Blumenthal envoie ses emails à Hillary Clinton, les 17 et 19 janvier, l’armée ne connaît pas encore le rôle qu’a joué le général Hassan dans l’armement des terroristes. Il n’est donc pas étonnant que la Présidence soit surprise d’apprendre, par ses services de renseignement – le DRS – que MBM est derrière l’attaque. En fait, la Présidence n’a alors aucun moyen de savoir que le DRS–qui était effectivement un Etat dans l’Etat – a parrainé l’attentat, du moins jusqu’à la fin de l’interrogatoire des trois terroristes capturés par l’armée, à une date ultérieure au deuxième email de Blumenthal le 19 janvier.
Même si nous avons désormais des preuves écrasantes du fait que c’est le DRS, et non MBM et AQMI, qui ordonna l’attentat d’In Amenas, il reste deux questions essentielles: Quel était le mobile du DRS pour ordonner cette attaque ? Et pourquoi l’opération fut un désastre ?
Ces deux questions trouveront leur réponse dans la IIe partie de notre série.
Jeremy Keenan est spécialiste du Sahara-Sahel sur lequel il travaille depuis 1964. Le Rapport sur In Amenas a été publié par l’Initiative Internationale sur les crimes d’Etat (ISCI), logée à l’école de droit de la QMUL. On peut le consulter en entier par le lien suivant : http://statecrime.org/data/2016/11/KEENAN-IN-AMENAS-REPORT-FINAL-November-2016.pdf