Série Mali (2), des pourparlers engagés avec les djihadistes


Le président Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, a annoncé, lundi en marge du sommet de l’OUA, que les autorités maliennes tentaient de dialoguer avec les chefs jihadistes. Ce que n’a jamais cessé de faire en coulisses ce politicien roué et sans colonne vertébrale.

« J’ai le devoir et la mission, a affirmé un IBK décomplexé, de créer tous les espaces possibles et de tout faire pour que, par un biais ou un autre, nous parvenions à un apaisement. Le nombre de morts dans le Sahel devient exponentiel. Je crois qu’il est temps que certaines voies soient explorées- (…) Nous ne sommes pas des gens butés, bloqués ou obtus. »

Ce 10 février, dans une interview à nos confrères de RFI et France 24 à Addis-Abeba, en marge du 33e sommet de l’Union africaine, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a jeté un pavé dans la mare. Un pavé? Pa si sur. Au fond, et pour la première fois, le président malien a reconnu ce que beaucoup savent depuis des mois, voire des années: l’existence de contacts entre Bamako et les chefs djihadistes, notamment Iyad Ag Ghali

Une fausse surprise

L’annonce que le président malien cherche à dialoguer avec les chefs djihadistes qui en 2013 prévoyaient de descendre dur Bamako et d’installer une république islamiste, sera présentée comme un tournant. Ainsi on ne manquera pas, notamment au sein du pouvoir français, de s’étonner que Bamako assume une telle piste de discussion pour tenter d’éradiquer la crise sécuritaire.  Or depuis toujours – les autorités françaises le savent parfaitement-, le président malien entretient des relations troubles avec les chefs djihadistes du Nord Mali, et notamment avec Iyad Ag Ghali.

Ces relations troubles entre IBK et Ag Ghali existaient avant même l’opération Serval de 2013, lorsque l’homme politique malien était soutenu, au terme d’une alliance constante, par l’Imam Dicko, alors président du Haut Conseil Islamique et interlocuteur permanent et fidèle d’Iyad Ag Ghali. Quelques semaines avant l’intervention française, les émissaires de Dicko rencontraient régulièrement le chef djihaiste.

Rebelle touareg du nord Mali devenu djihadiste, Iyad Ag Ghali a le parcours d’un personnage de roman. Passé par l’armée de Kadhafi et proche des services de renseignements algériens (DRS), celui que l’on surnomme « le lion du désert » est désormais inscrit sur la liste des terroristes recherchés par les Etats-Unis. Ses réseaux tentaculaires le placent pourtant hors de toute atteinte et le rendent incontournable dans la crise malienne. Replié dans le sud algérien depuis l’offensive des militaires français, cet expert des jeux à mille bandes apparait désormais comme indispensable dans le jeu des négociations. 

La duplicité de Le Drian

Le pouvoir français, qui depuis son intervention militaire au Mali, met en avant son rôle salvateur dans la guerre contre le terrorisme, a toujours été parfaitement au courant du double langage du pouvoir malien, et s’en est fort bien accommodé. Après tout, la France a porté un IBK au pouvoir en 2013, en dépit de sa proximité avec l’Imam Dicko, et l’a soutenu encore, cinq ans plus tard, lors d’une réélection contestée.

Il faudra bien que Jean Yves Le Drian, qui comme ministre de la Défense de Hollande puis des Affaires Etrangères de Macron, a disposé des pleins pouvoirs en Afrique, se justifie de ces petits arrangements avec les réalités politiques maliennes.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

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