Centrafrique : l’Onu, dans le piège des diamants du sang

Une enquête du Réseau d'information régional des Nations Unies (Irin) révèle le versement d''une importante somme d'argent par l'Onu à une société centrafricaine impliquée dans le trafic de diamants

C’est un autre coup dur qui frappe de plein fouet, la Minusca, la mission de l’Onu en Centrafrique. Après le scandale des viols sur mineurs par des casques bleus, une autre affaire embarrasse au plus haut point les responsables de la mission. Selon une enquête réalisée par le Réseau d’information régional des Nations Unies (Irin), les Nations Unies auraient versé, depuis le déploiement de la Minusca en 2014, plus d’un million de dollars à une société qui figure sur leur propre liste d’entités faisant l’objet de sanctions.

Le Bureau d’achat de diamant en Centrafrique (BADICA), placé sur la liste récapitulative des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies pour son rôle dans le trafic de diamants en République centrafricaine est accusée d’avoir alimenté le conflit en République centrafricaine par la vente de « diamants de la guerre ». La société Badica est en effet soupçonnée d’avoir contribué en partie au financement de l’ex Séléka, le groupe rebelle qui avait renversé l’ex président François Bozizé en mars 2013.  Or, le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies a confirmé à l’IRIN l’existence d’un contrat de crédit-bail avec cette société pour des locaux situés dans la capitale, Bangui.

Dan-Azoumi, le « Monsieur diamant » de la Centrafrique

BADICA fait partie du Groupe Abdoulkarim, une entreprise dont le siège est situé à Anvers – plateforme du monde diamantaire – et dirigée par l’homme d’affaires centrafricain Abdoulkarim Dan-Azoumi, originaire de Bouar dans l’ouest du pays et qui vit désormais en Belgique. En février 2015, Le Monde Afrique avait révélé que les flux financiers liés à l’activité de diamantaire d’Abdoulkarim Dan-Azoumi avaient été placés sur un compte HSBC Private Bank à Genève. « Les gestionnaires de fortune de HSBC Private Bank n’avaient cure de l’opacité, de la corruption, et des trafics en cours sur le marché anarchique du diamant centrafricain. Et ils n’hésitaient pas non plus à se déplacer à Anvers pour courtiser ces nantis d’Afrique centrale, les inciter placer leurs revenus du diamant dans les coffres suisses et leur distiller des conseils d’exil fiscal » révélait l’article du Monde. Suite à la clôture du compte suisse en 2005, 500 000 dollars avaient été transférés vers une société écran basée au Panama.

Autres entreprise à l’actif d’Abdoulkarim Dan-Azoumi, Minair, la société aérienne Minair dont les militaires français de la force Sangaris utilisent régulièrement les services, et Sofia-TP, une firme de transport, sont également répertoriées comme des « filiales » de BADICA sur la liste récapitulative des sanctions des Nations Unies. Or, selon l’enquête de l’IRIN, un contrat entre les Nations Unies et Sofia-TP pour des « services de transport et de fret » a également été conclu en 2014.