L’équité du procès menant à l’emprisonnement depuis dix ans d’activistes au Sahara Occidental pourrait être remise en cause le 25 novembre par la lus haute juridiction marocaone
(Tunis, le 8 novembre 2020) – La plus haute juridiction du Maroc examine l’affaire de 19 Sahraouis emprisonnés depuis 2010 à la suite de violents affrontements avec la police, où des membres des forces de l’ordre ont trouvé la mort, ont déclaré le 8 novembre Human Rights Watch et Amnesty International. Ces hommes purgent des peines allant de 20 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité, prononcées contre eux à l’issue de procès où les avocats des Sahraouis ont dénoncé de possibles tortureq.
La Cour de cassation a examiné la décision d’une juridiction inférieure le 4 novembre, quatre jours avant le 10e anniversaire des faits à l’origine de cette affaire : le démantèlement par les forces de sécurité marocaine d’un campement de manifestants à Gdeim Izik, près d’El Ayoun, au Sahara occidental contrôlé par le Maroc. Les accusés ont été déclarés coupables, tout d’abord par un tribunal militaire en 2013, puis par une cour d’appel civile en 2017, de la mort de 11 membres des forces de l’ordre marocaines qui ont été tués lors d’affrontements consécutifs au démantèlement du campement. Ces verdicts ont en grande partie été basés sur des aveux que les accusés ont réfutés.
« La Cour de cassation est le dernier recours pour remettre le procès de Gdeim Izik sur la bonne voie », a déclaré Eric Goldstein, directeur par intérim de la division Afrique du Nord et Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Toutes les personnes concernées – les accusés, les policiers tués et leurs familles – ont droit à une véritable justice, fondée sur un procès équitable et perçu comme tel. »
Le 8 novembre 2010, les forces de l’ordre marocaines ont démantelé le campement de Gdeim Izik, qui comprenait environ 6 500 tentes installées par des Sahraouis un mois plus tôt pour protester contre les mauvaises conditions socio-économiques au Sahara occidental contrôlé par le Maroc. Lors des violents affrontements qui ont alors eu lieu dans ce campement et à El Ayoun, non loin de là, 11 membres des forces de l’ordre ont été tués : certains d’entre eux ont été renversés par des voitures et d’autres tués avec des poignards et des sabres artisanaux. Le compte rendu écrit du jugement de 2017 indique qu’un agent des forces de l’ordre au moins a été égorgé.
Les forces de sécurité marocaines ont de façon répétée frappé et maltraité des personnes arrêtées immédiatement après les faits. Vingt-cinq Sahraouis ont par la suite été inculpés de constitution et de participation à une association de malfaiteurs et de participation ou complicité de participation à des actes de violence « entrainant la mort avec préméditation » à l’encontre d’agents des forces publiques, entre autres chefs d’accusation.
L’un de ces hommes a été libéré en 2011, et en 2013, un tribunal militaire a ordonné la libération de deux autres et condamné les 22 restants à de lourdes peines d’emprisonnement ; l’un des accusés, qui s’était enfui en Espagne, a été condamné par contumace à la réclusion à perpétuité. Le tribunal s’est presque entièrement basé pour les condamner sur les aveux qu’ils avaient faits à la police, ou sur des déclarations incriminant d’autres accusés, sans avoir enquêté sérieusement sur les allégations selon lesquelles les accusés ont signé ces aveux et ces déclarations sous la torture.
En 2016, la Cour de cassation a annulé la décision rendue par un tribunal militaire contre les accusés de Gdeim Izik au motif que ce verdict ne reposait pas sur des preuves concluantes. L’affaire a été renvoyée devant une juridiction civile pour un nouveau procès. Le Maroc a adopté en 2014 une loi mettant fin aux procès de civils devant des tribunaux militaires, mais cette loi n’a pas été appliquée de façon rétroactive pour le procès de Gdeim Izik de 2013. En 2017, la Cour d’appel de Salé, près de Rabat, la capitale marocaine, a déclaré les 22 hommes coupables après examen des nouveaux éléments de preuve présentés par le parquet et par les membres des familles des agents des forces de l’ordre tués qui se sont constitués parties civiles.
La Cour d’appel a également fondé son verdict sur des déclarations faites par les accusés en 2010 à la police, qui selon eux leur ont été extorquées sous la torture. La Cour a ordonné un examen médicolégal des accusés acceptant de s’y soumettre, sept ans après leur interrogatoire. Les médecins ayant procédé à ces examens ont déclaré que, compte tenu du temps écoulé depuis les événements considérés, les actes de torture ne pouvaient être ni prouvés ni réfutés, et la cour a admis ces aveux à titre de preuve, et considéré comme recevables les nouveaux éléments de preuve qui lui ont été soumis.
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