Gabon, le crime de lèse Bongo


Pour avoir critiqué Ali Bongo et son régime, l’opposant Armel Mouendou Mbina dit « Grand Kallé » a passé 12 mois en prison ; Ce, en vertu de la loi sur « l’outrage au président de la République » entrée en vigueur en juillet 2019.
Par Jocksy Ondo Louemba

C’était le 17 juillet 2019 que paraissait dans le N°27 Bis Spécial du Journal officiel de la République Gabonaise dans lequel figure une loi sanctionnant tous les détracteurs d’Ali Bongo nommée « Outrage envers le président de la République ». Cette loi définit l’outrage comme « Tout acte ou toute attitude de nature à porter atteinte à la considération, au respect, au prestige » du président de la République du Gabon. Si plusieurs personnes avaient déjà été en prison pour leurs activités politiques ou pour avoir simplement critiqué le régime d’Ali Bongo, on n’avait pas connaissance de personnes tombées sous le coup de la nouvelle loi particulièrement liberticide.

Armel Mouendou Mbina, l’opposant de toujours

Armel Mouendou Mbina est un homme qui a toujours été opposé au pouvoir gabonais. Proche de Pierre Mamboundou au temps d’Omar Bongo, celui-ci n’avait pas suivi l’opposant historique lors de son rapprochement avec Omar Bongo. Très critique, il préfère continuer à militer dans l’opposition et refuse toute compromission. En 2016, on le retrouve aux côtés de Jean Ping avec la même verve et la même critique acerbe du régime désormais dirigé par Ali Bongo.

Traqué puis enlevé

Très vite, Armel Mouendou Mbina est repéré par les services de sécurité du Gabon comme « individu dangereux » et « très subversif ». En marge de la sanglante répression post-électorale de septembre 2016, il est activement recherché. Ayant échappé à un enlèvement par des hommes armés dans un pick-up et désirant porter plainte, il se rend dans un Commissariat de Police de Libreville et y raconte ce qu’il croit être une mésaventure. Mais l’agent de police qui le reçoit refuse d’enregistrer sa plainte : «Monsieur, nous savons qu’il y a des kidnappings tous les jours, mais ce sont des kidnappings organisés par le gouvernement par conséquent, il n’y aura pas de suite».Sans se décourager, il se rend à la Police judiciaire où là aussi personne ne veut recevoir sa plainte. En sortant, il rencontre un officier de police qui lui confie après l’avoir reconnu comme soutien de Jean Ping : « Il y a des milices qui sont organisées au Gabon pour enlever les gens vous les opposants », l’officier lui conseille de « se mettre au vert » en lui disant « Même nous les policiers, on ne peut rien faire ».

Torturé à l’électricité
Armel Mouendou Mbina, finira par être enlevé par des hommes armés et détenu extra-judiciairement pendant près d’un an notamment au sein d’un complexe militaro-administratif dénommé – cela ne s’invente pas! – « Cité de la Démocratie ». Durant près d’un an, il sera ligoté et bâillonné pendant des semaines, frappé et torturé à l’électricité…Libéré, il sera le premier à révéler l’existence de centres de détentions clandestins au Gabon.  Armel Mouendou Mbina donnera aussi des informations sur la composition des escadrons de la mort en révélant qu’ils sont composés de militaires de divers corps et dirigés par des officiers supérieurs.

Coupable du «crime de lèse Bongo».
Peu après ses révélations, Armel Mouendou Mbina ne renonce pas et dénonce la non-restitution de son véhicule saisi le jour de son enlèvement et sa détention extrajudiciaire devant un commissariat de police de Libreville. Quelques heures après, Armel Mouendou est arrêté pour « Outrage au Président de la République » et placé sous mandat de dépôt le mercredi 9 octobre 2019. Il est condamné, le 20 novembre 2019, à un an de prison ferme.
Coupable du « crime de  lèse Bongo »,  Armel Mouendou a purgé sa peine de prison jusqu’au dernier jour et a été libéré le vendredi 9 octobre 2020…  

Article précédentEtats-Unis, la victoire de l’islam politique !
Article suivantMaroc, la Cour de Cassation saisie du procès de 19 Sahraouis
Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)