Côte d’Ivoire, Salif Kéita plombé par les milices « patriotes »

Le chanteur malien qui voulait fêter les 54 ans de son immense carrière à Abidjan, le 17 novembre prochain, a été découragé par les menaces de quelques trolls sur le réseau social tik tok, dans l’indifférence générale du gouvernement qui a sans doute voulu faire payer à l’artiste son soutien à son pays lors de la crise des 49 mercenaires ivoiriens.

Malcolm J. Bamoundé

 Le gouvernement ivoirien a donc laissé ses « patriotes » faire le sale boulot contre Salif Kéita en l’obligeant à renoncer à la fête des 54 ans de son immense carrière qui devait se tenir à Abidjan, le 17 novembre prochain. Il a suffi pour cela que quelques trolls éructent quelques menaces de boycott de son concert sur les réseaux sociaux pour que l’organisateur décide de tout annuler, ayant sans doute compris que le silence du gouvernement ne présageait rien de bon pour son investissement.

D’ordinaire prompt à exhiber la menace, le gouvernement ivoirien n’a en effet guère daigné cette fois réagir auxdits éclats de voix contre le concert du malien. Cette levée de bouclier était pourtant d’autant plus anecdotique qu’elle était largement tournée en dérision sur les réseaux sociaux.

Salif Kéita était pourtant un ami du régime. En 2015, il avait chanté à Grand-Bassam, située à une trentaine de kilomètres d’Abidjan, sur une chanson qu’il avait dédiée à Alassane Ouattara et à la paix, avait-il commenté autrefois. Cette année-là, Laurent Gbagbo était en bute avec la Cour pénale internationale où il était accusé de crimes contre l’humanité. L’artiste y exhortait Ouattara et Bédié à maintenir la paix qu’ils avaient su ramener en Côte d’Ivoire embourbée autrefois dans les palabres.

Certainement déçu du silence des autorités ivoiriennes, Salif Kéita s’est contenté d’expliquer que sa musique n’a pas vocation à provoquer des troubles. « Je suis Salif Kéita, artiste-chanteur et musicien africain. A force de travail, j’ai emmené ma musique à toucher des personnes à travers le monde. Je chante l’amour, la tolérance, la dignité, la paix, la solidarité, la souffrance des peuples opprimés. Ma musique ne sera jamais un instrument de trouble », a-t-il réagi.

Ses détracteurs, eux, qui se présentent comme les patriotes n’ayant pas oublié la crise des 49 mercenaires ivoiriens incarcérés durant des mois par Bamako, ont fêté leur victoire sur tik tok en expliquant qu’ils ne laisseront plus personne manquer de respect à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens.

 

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)