Pendant 48 heures, les supporters maliens ont été empêchés de rentrer en Côte d’Ivoire pour supporter leur équipe. De plus, les amateurs de football venus par milliers dans les cars à Korhogo (Nord ivoirien) pour soutenir leur équipe nationale dans le cadre de la CAN 2023, sont invités à rester dans des zones sécurisées. C’est qu’Abidjan visiblement a multiplié les tracasseries qui visent à pénaliser le pouvoir maliens qui l’avait violemment mis en cause lors de l’arrestation des 49 militaires ivoiriens accusés de fomenter un mauvais coup au Mali et qui ont été finalement libérés par une grâce présidentielle après cinq mois de prison.
Bati Abouè
Si les Aigles du Mali ont battu sans difficulté à Korhogo les Bafana-bafana sudafricains (2-0), lors de leur match comptant pour la première journée de la CAN 2023 a lieu chez le voisin ivoirien, les supporters, eux, n’ont pas été à la fête. Pendant 48 heures, Abidjan a en effet refoulé à la frontière plusieurs dizaines des fanatiques des Aigles contre qui elle a multiplié les tracasseries. En dépit de l’arrivée expresse du ministre malien des sports, les autorités locales n’ont guère fléchi. Selon un officiel malien interrogé par la télévision malienne, « chaque fois qu’on a répondu à leur demande, une de plus est venue pour maintenir le statu quo », s’est-il agacé.
En plus des contrôles classiques d’identité aux frontières, les Ivoiriens voulaient en effet s’assurer que tous les supporters maliens ont leurs billets d’entrée au stade, qu’ils savaient exactement où ils allaient dormir et comment leur nombre serait reparti dans les différents lieux de la compétition. Alors que la première journée de la CAN coïncidait avec la polémique sur la pénurie des billets d’entrée au stade, cette conditionnalité s’est avérée bien difficile à remplir et a probablement en retardant la levée du blocus à la frontière ivoirienne.
Le contentieux Mali Côte d’Ivoire
Abidjan a expliqué que ces mesures sont nécessaires pour assurer la sécurité de l’ensemble de la compétition sans faire cas du contexte sous-régional marqué par de régulières démêlées entre la capitale ivoirienne et Bamako, d’une part et entre Abidjan et les Etats sahéliens, d’autre part. Niamey a en effet donné l’asile politique à Guillaume Soro recherché depuis des années par le régime ivoirien. Alassane Ouattara a fait pression sur les principales capitales occidentales et du Moyen-Orient pour obtenir son extradition.
Mais Abidjan et Bamako ont également d’autres querelles au compteur qui ont rendu, ces dernières années, leurs relations exécrables. En plus des échanges réguliers d’amabilités sur la fin de la transition militaire et le retour des civils au pouvoir, le président ivoirien a surtout eu toutes les difficultés du monde à libérer ses 49 soldats partis à Bamako pour assurer la relève dans le cadre de la sécurisation du Mali avec les forces de l’ONU. Bamako a accusé les soldats ivoiriens d’avoir voyagé sous de fausses identités et avec des armes de guerre sans qu’elle ait préalablement été informées. Condamnés en assises à 20 ans de prison, les militaires ivoiriens avaient finalement été libérés cinq mois plus tard à la suite d’une grâce présidentielle d’Assimi Goïta.
Cet épisode avait particulièrement humilié la diplomatie ivoirienne, Alassane Ouattara ayant d’abord menacé les autorités maliennes de représailles, puis compté sur les pressions onusiennes avant d’accepter, à la fin, un règlement à l’amiable du différend. La crise des soldats a surtout laissé des traces qui pouvaient, en partie, expliquer les tracasseries dont les supporters des Aigles ont été les victimes. Au risque pour le pays qui voulait organiser la Can de l’hospitalité de mettre seul à mal son projet.