Notre entretien avec l’infléxible Président malgache Andry Rajoelina

Derrière l’entente affichée entre le présidents malgache Andry Rajoelina et Emmanuel Macron, qui se sont vus le vendredi 9 juin à Paris, apparaît le contentieux territorial entre la France et Madagascar sur les iles Éparses. Un premier round de négociations n’a pas permis d’aplanir définitivement le différend.

L’entretien de Mondafrique mené à Madagascar par Francis Sahel 

Cette dénomination des îles Éparses recouvre un ensemble de cinq îles dans l’océan Indien: Bassas da India, Europa, Juan da Nova et Glorieuses dans le canal de Mozambique, puis Tromelin, plus isolée dans l’océan Indien. Depuis 1950, à la demande de l’Organisation météorologique mondiale, la France y a implanté des stations météorologiques

           « Nous tenons absolument à récupérer les îles Éparses »

« Pour nous, l’enjeu autour des îles éparses n’est pas tant les potentialités qu’elles recèlent. Ces îles font partie de l’identité de la nation malgache et nous tenons donc absolument à les récupérer ». Assis au milieu de la table à manger qui trône dans son salon, au cœur d’Antananarivo, le président malgache évoque, sur un ton ferme et mesuré, le différend territorial entre son pays et la France autour des iles éparses, situées aux larges du Canal du Mozambique, en plein coeur de l’océan indien.  

Confortés dans leur revendication par deux résolutions des Nations unies adoptées en 1979 et 1980, les Malgaches de disent ouverts à la poursuite des négociations ouvertes en 2019 avec la France mais n’entendent toutefois pas transiger sur la souveraineté de leur pays sur les ïles éparses. 

« Les discussions avec la France sont très techniques et certes difficiles, mais nous allons les continuer dans le cadre de la commission technique mixte franco-malgache. Nous estimons que le statu quo actuel n’est pas tenable, tout en restant ouverts à toute forme d’évolution », poursuit d’une voix posée, portée par un vif regard, le président malgache. 

« Je suis un dirigeant révolutionnaire et nationaliste », prend-il soin d’ajouter au milieu de son repas avec un groupe de journalistes. 

La France et Madagascar ont eu un premier round de discussions qui auraient dû être suivi de plusieurs autres, si la crise sanitaire n’était pas venue chambouler le calendrier initial. 

« Nous attendons que la France nous propose une nouvelle date de négociation, maintenant que nous sommes sortis de la crise sanitaire liée au Covid-19. La balle est dans le camp de Paris », détaille un proche du président malgache.  

Un agenda intérieur chargé 

Andry Rajoelina affiche la même détermination sur plusieurs dossiers nationaux. Il s’est personnellement impliqué dans le démantèlement des réseaux criminels spécialisés dans le kidnapping des hommes d’affaires indo-pakistanais, libérés ensuite contre le paiement de fortes rançons. 

Des députés, des sous-officiers et des gendarmes du rang ont été arrêtés et sont actuellement en détention dans le cadre du démantèlement des réseaux de kidnappings. 

« J’ai donné carte blanche au Secrétaire d’Etat à la gendarmerie pour poursuivre les investigations sur ce fléau du kidnapping. Les investigations achevées, j’ai ordonné que personne ne soit épargnée, quels que soient son rang, sa position sociale, sa fonction ou sa proximité avec moi », s’est réjoui le président malgache. 

 Sur les instructions de celui que ses compatriotes surnomment TGV (train à grandes vitesse) pour son agenda de travail quotidien et sa capacité à mener de front plusieurs dossiers en même temps, le gouvernement malgache s’est attaqué aux vols des zébus, l’autre défi sécuritaire qui empoisonne la vie et affecte la cohésion sociale sur la grande île. 

Outre les arrestations massives de voleurs de zébus opérées ces derniers mois, les autorités ont contracté les services d’une société internationale de sécurité pour équiper les troupeaux d’animaux de puces permettant de les géolocaliser. 

Sur le dossier de la vanille aussi, le président malgache est monté au créneau pour défendre un prix plancher pour les paysans et guerroyer contre les courtiers nationaux et les multinationales qui cherchent à tirer le maximum de profit. 

 Le gouvernement malgache a ainsi défendu pendant plusieurs semaines le principe d’un prix de la vanille à 250 dollars la tonne avant de céder à la demande des planteurs eux-mêmes qui se sont retrouvés avec d’importants stocks invendus. 

« Si j’ai estimé que ce n’était pas le rôle de l’Etat d’acheter de la vanille aux producteurs malgaches, j’ai défendu toutefois le principe d’un prix plancher d’au moins 250 dollars, qui me semblait rémunérateur pour les producteurs de mon pays », a argumenté le président malgache.  

« Nous avons dû céder face à la stratégie du pire des acheteurs internationaux qui ont abandonné les paysans avec des stocks invendus, ne leur laissant ainsi d’autres choix que de vendre à vil prix. Nous avons donc dû libéraliser l’ensemble de la filière vanille, tout en restant vigilants sur la défense des intérêts de nos compatriotes », a-t-il concédé. 

La présidentielle en ligne de mire 

Sur la Grande ile de l’océan indien, la candidature d’Andry Rajoelina à la présidentielle prévue à la fin de cette année semble ressemble à un secret de Polichinelle. Ses adversaires se préparent à le contrer alors que ses partisans affûtent les arguments pour justifier qu’il rempile. Lui-même ne l’exclut pas et s’y prépare. Selon la Constitution malgache, le président en exercice doit, s’il est candidat à sa succession, démissionner deux mois avant le scrutin.  

Dans la pratique, Andry Rajoelina doit démissionner au plus tard le 9 septembre 2023 et laisser le président du Sénat organiser la présidentielle.   

« C’est une disposition qui n’a pas, à l’épreuve des faits, montrer toute son efficacité. Mais nous n’allons pas y toucher pour ne pas même laisser la moindre suspicion s’installer. La compétition se fera à armes égales et de manière tout à fait transparente », jure la main sur le cœur l’ancien maire d’Antananarivo et ancien président de la transition. 

Il promet que la disposition constitutionnelle qui interdit aux ministres en fonction de battre campagne pour la présidentielle sera, elle aussi, entièrement respectée. 

La Grande ile de l’océan indien est arrivée dixième pays Etat africain le plus démocratique sur les 54 pays du continent, selon un classement établi par une ONG indépendante, à la grande satisfaction du gouvernement malgache. 

Francis Sahel 

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  1. La Grande ile de l’océan indien est arrivée dixième pays Etat africain le plus démocratique sur les 54 pays du continent, selon un classement établi par une ONG indépendante, à la grande satisfaction du gouvernement malgache.

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