Lors d’une intervention sur la télévision nationale, vendredi, le nouvel homme fort du régime, le général Abdourahamane Tchiani a justifié le coup de force par la situation sécuritaire du Niger.
Le coup d’état au Niger a pris la France de court. La fragilité du du régime nigérien était connue. Le président ne faisait pas l’unanimité au sein de l’armée nigérienne, il lui avait fallu imposer ses choix, notamment pour assumer la coopération militaire avec la France. Mais personne n’anticipait un coup de force aussi subit. Qautre jours après les événements, les interrogations l’emportent encore dans les discours officiels. «Savoir qui tient quoi n’est pas clair, dit un diplomate, ni quelles unités de l’armée ont rejoint le camp des putschistes.» Paris s’interroge sur la sortie de crise chez l’un de ses principaux partenaires africains.
L’espoir de trouver un ultime compromis avec les militaires auteurs du coup qui a renversé mercredi dernier le président Mohamed Bazoum s’est envolé avec l’échec hier samedi après-midi des pourparlers entre les représentants du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, junte au pouvoir) et l’ex-président Mohamadou Issoufou, accompagné de l’ambassadeur de France à Niamey Sylvain Itté.
Les discussions ont achoppé sur les deux principaux points à l’ordre du jour : la libération du président Mohamed Bazoum et le rétablissement de l’ordre constitution normal.
Selon une source proche des négociations, les militaires putschistes sont restés intransigeants sur ces deux points et n’ont montré aucun intérêt pour l’offre d’une amnistie totale s’ils acceptaient de retourner dans leurs casernes.
Le point de non-retour
Ne s’en tenant qu’à leur propre agenda, les militaires auteurs du coup d’Etat prennent progressivement possession de tous les leviers du pouvoir. Après le contrôle du palais présidentiel dans lequel ils retiennent toujours le président Bazoum, la radio et la télévision nationales, ils ont convoqué les secrétaires généraux des ministères. À cette occasion, ils leur ont donné des instructions sur la gestion des affaires courantes.
Les prochaines étapes devraient être la rédaction d’une Charte de la transition, la désignation d’un Premier ministre civil et d’un gouvernement composé de militaires et de civils. Dans sa première déclaration le CNSP, dirigé par le général Abdourahamane Tchiani, a adressé un sévère réquisitoire contre la politique sécuritaire du président Bazoum et la mauvaise gouvernance économique et sociale de son régime.
Un fossé entre la Présidence et l’armée
Derrière ces accusations de la junte se cachent la profonde défiance qui s’est incrusté entre l’armée et le régime civil nigérien depuis les deux mandats de l’ancien président Issoufou (2011-2021).
Selon plusieurs sources internes à l’armée nigérienne, le limogeage en mars dernier du chef d’état-major des armées nigériennes Salif Modi, après son retour d’un voyage de Bamako où il est allé prôner la coopération militaire nigéro-malienne, a laissé des traces dans les rangs.
En vérité, depuis de nombreuses années les militaires nigériens cherchaient une bonne occasion pour mettre fin à la gestion des civils qu’ils jugent désastreuse. Dans sa première déclaration, le Conseil national pour la sauvegarde de la partie (CNSP) a déploré la mauvaise gouvernance économique et sociale. De nombreux scandales de corruption et détournements des deniers publics ont émaillé ces dernières années la gouvernance de l’ex-président Issoufou et celle de son successeur Mohamed Bazoum.
Le scénario d’une irruption de l’armée sur la scène politique était d’autant plus plausible que le président ni l’ex-président Issoufou, ni son successeur ne disposait de vraie popularité dans les rangs. Les relations de défiance étaient telles que de brillants officiers ont été cantonnés dans des fonctions d’attachés militaires à l’étranger ou dans des postes subalternes dans des provinces lointaines. L’appareil sécuritaire nigérien s’est ainsi retrouvé totalement fragilisé face aux groupes terroristes qui ont marqué des points ces derniers mois.
L’ex diplomate Laurent Bigot juge l’action de la France au Niger