Le 28 mars, Mamadi Doumbouya le chef de la junte guinéenne, a gracié l’ancien putschiste Dadis Camara condamné à 20 ans de prison dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Pour les victimes comme pour la magistrature ce geste de clémence, guidé par de sombres calculs politiques, fait l’effet d’un camouflet.

Le procès du 28 septembre a débuté en septembre 2022 et s’est terminé en juillet 2024. Pendant deux ans le tribunal de Conakry est revenu sur ce lundi noir de 2009 où le rassemblement des opposants à la junte au pouvoir dirigée alors par Dadis Camara avait été violement réprimé.
Un procès historique et de haute tenue
Entre 150 et 200 personnes avaient été tués, de nombreux cas de viol et des disparitions avaient également été recensés. Mondafrique avait suivi ce procès qui tenait en haleine les Guinéens et qui avait été dirigé d’une main de maître par le Président Tounkara. Grâce à l’excellence des magistrats, la justice guinéenne est passée montrant en cela qu’elle n’avait rien à envier, bien au contraire, à la Cour Pénale internationale.
En graciant Dadis Camara condamné à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité, Mamadi Doumbouya balaie cet événement historique d’un revers de main. Il crée en outre, l’indignation et la consternation chez les victimes, L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) a dénoncé cette décision comme une atteinte à leur honneur et à leur dignité.
Un massacre peut en cacher un autre…
Les victimes et leurs soutiens ont d’autant plus de raisons d’être en colère qu’officiellement Dadis Camara a été gracié pour raisons médicales, or, il est apparu à la télévision en bonne forme. En réalité, en l’élargissant Mamadi Doumbouya cherche à se réconcilier avec la région de la Guinée forestière, région natale de l’ancien chef de la junte, en vue de la prochaine élection présidentielle. Une région très éprouvée par une autre tragédie. Le 1er décembre 2024, un match de foot en l’honneur de Mamadi Doumbouya est organisé dans la ville de Nzérékoré. Mais très vite, le match tourne mal, les forces de l’ordre enveniment les choses en tirant des gaz lacrymogènes créant ainsi la panique générale. Le stade ne dispose que d’une seule issue, la foule de jeunes se piétine, la police traverse le stade pour exfiltrer les officiels et roule sur les corps. Le drame fera au moins 150 victimes selon les organisations des droits de l’homme, 56 selon le gouvernement. Toutes les personnes décédées sont des jeunes des villages alentours qui avaient été transportés pour faire nombre afin de montrer la popularité du président actuel. Si cet événement a créé un choc dans toute la Guinée, les Forestiers restent particulièrement meurtris, d’autant que la Commission d’enquête promise n’a toujours pas vue le jour.
Les Forestiers ont fêté la grâce de Dadis Camara, mais cela suffira-t-il à réconcilier cette région avec Mamadi Doumbouya si la justice ne passe pas ? Il a fallu attendre treize longues années pour que les auteurs du massacre du 28 septembre 2009 soit enfin jugés. Combien en faudra-t-il pour que les responsables de celui de Nzérékoré subissent le même sort ?