Le procès sur la tuerie du 28 septembre 2009 passionne les Guinéens

Le procès du massacre du 28 septembre 2009 s’est ouvert treize ans jour pour jour après les événements qui ont endeuillé Conakry. Depuis tous les Guinéens, de l’intérieur comme ceux de la diaspora, suivent avec passion les audiences du tribunal retransmises en direct à la télévision.

Voici un procès qui tient les Guinéens en haleine. Dans les maquis, les taxis, en privé, Ils jugent les déclarations des inculpés, s’indignent, se moquent, mais personne n’est indifférent. C’est une partie sombre de l’histoire du pays qui refait surface.

Ambiance

Dans une grande salle rénovée de la Cour d’appel de la capitale, le public sage et attentif fait face à la Cour. Avec son autorité naturelle, le Président Tounkara anime les débats d’une manière calme mais ferme et son professionnalisme fait l’unanimité. Au fond à droite de cette grande salle, une cage de verre a été installée dans laquelle sont assis les treize inculpés de ce massacre qui a fait au moins 157 victimes.

Parmi eux, Dadis Camara, l’ex président de la transition au moment des faits, qui reste impassible derrière son masque ; Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba, ancien aide de camp de Dadis, qui passait pour le principal responsable des événements du 28 septembre et qui a réussi au fil de ses auditions à retourner l’opinion ; l’ancien ministre de la sécurité, Claude Pivi, sur le grill depuis le 22 novembre qui nie avec force et constance toutes responsabilités.

Monsieur « c’est pas vrai »

Ce 28 novembre, c’est encore lui qui est à la barre, cuisiné sans relâche par les avocats de Toumba. Lors d’une précédente audience, l’homme avait eu pour seule réponse à toutes les questions : « c’est pas vrai. » Et les Guinéens réunis devant une petite télévision dans un maquis de crier en chœur : « il ment ! » Ce lundi, alors que les avocats de Toumba le « cuisine », il adopte la même stratégie de défense : tout réfuter en bloc.

–        Avez-vous participé à la préparation du massacre ?

–        Non, j’ai jamais participé

–        Etiez-vous au stade ?

–        Je confirme, ni de près ni de loin, je n’étais pas au stade

–        Où sont passés les morts ?

–        Je n’en sais rien

–        Mais en tant que ministre, vous auriez dû savoir

–        Je n’ai pas de réponse.

L’avocat l’interroge alors sur sa fonction, son cabinet, ses missions, son budget, sa présence lors des conseils de ministre. Sur tous ces points-là encore, Claude Pivi, ne donne aucune réponse concrète, apparaissant ainsi plus comme un homme de l’ombre chargé des basses besognes que d’un représentant de l’Etat. Vient ensuite le tour de ses conseils qui lui posent des questions aux réponses évidentes, et en un instant l’homme se transforme et enchaîne les « oui » « absolument » « bien sûr ». Ce sera au tribunal d’apprécier la sincérité des réponses.

En attendant Dadis…

Dadis Camara n’a pas encore été appelé à la barre, il attend patiemment son heure. Nul doute que ce sera le prochain temps fort de ce tribunal où les audiences devraient se prolonger encore pendant quelques mois. En organisant ce procès espéré par les Guinéens depuis des lustres, le président de la transition, Mamadi Doumbouya a joué un joli coup, non seulement il a donné des gages à la communauté internationale, mais en prime, il s’est acheté une paix sociale. Entre la Cour d’appel et la coupe du monde, le pays est comme suspendu.

Mieux que la Cour pénale internationale

Il a d’autant mieux joué que ce procès est de bonne tenue. Si les Guinéens se plaignent parfois de la faiblesse de l’enquête ou du manque de professionnalisme de certains avocats, c’est qu’ils n’ont pas regardé les audiences de la CPI. A Conakry personne ne se perd interminablement dans ses fiches, personne n’écorche les patronymes, tout le monde connaît les personnages et la configuration des lieux. Chacun sait qui est qui et d’où il parle, autant d’éléments qui donnent une certaine crédibilité aux débats. Il faudra néanmoins attendre le verdict pour savoir si justice a été rendue aux si nombreuses victimes de ce sinistre 28 septembre 2009.