Les chefs d’Etat membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont officiellement acté, dimanche 15 décembre à Abuja, le départ du Niger, du Burkina et du Mali, les trois pays qui ont constitué l’AES, une organisation propre. Mais ils se sont aussi donné une dernière chance de maintenir les trois pays au sein de l’union.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Les pays de la CEDEAO se sont donné un délai de rétractation de 6 mois supplémentaires et ont offert un autre mandat au président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye de poursuivre sa médiation qui est également celle de la dernière chance.
Pourtant, le Mali, le Niger et le Burkina Faso qui forment désormais la Confédération de l’alliance des Etats du Sahel (AES) n’ont pas rendu la séparation difficile comme pouvaient le craindre les ressortissants des pays sahéliens vivant dans la Cedeao. La veille du 66è sommet d’Abuja, l’AES a en effet autorisé, dans un communiqué commun signé par les trois Etats, la mise en place de la libre circulation des personnes et des biens pour tous les ressortissants des États de la CEDEAO à travers la dispensation du visa pour ces dernières dans son espace.
Or, de toutes les angoisses supposées ou réelles, l’instauration d’un visa pour les populations installées des deux côtés de la frontière était la principale crainte, surtout pour les transporteurs de marchandises. Finalement, les véhicules particuliers immatriculés dans un pays membre de la CEDEAO et les véhicules à usage commercial et de transport de passagers peuvent continuer à circuler, sous réserve de respecter les conditions établies par les textes législatifs et réglementaires des États membres de l’AES.
Divorce et tensions de trésorerie
Mais cela n’a visiblement pas suffi pour faciliter ce divorce. Car si « les trois pays du Sahel dépendent des infrastructures de leurs voisins pour importer des biens essentiels comme le carburant, l’électricité, les denrées alimentaires et les produits manufacturés, ainsi que pour exporter leurs minerais, vital pour leurs économies, cela constitue également une source importante de revenus pour les États côtiers d’Afrique de l’Ouest », analyse International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié ce mois.
Le départ des trois pays a eu en effet des répercussions économiques désastreuses pour des membres de la Cedeao pris individuellement. Le Niger par exemple était le deuxième partenaire commercial du Nigéria avec 16% des exportations annuelles derrière le Mali (18,7%) et la France, premier partenaire, avec 33,2%. Quant à la Côte d’Ivoire, elle enregistre, depuis l’embargo économique décidé contre le Mali du fait du renversement du chef de la transition Bah N’daw, le 24 mai 2021, une perte sèche de 909 milliards, vu que Bamako était son premier partenaire commercial dans la sous-région ouest-africaine et son troisième client au plan mondial. La Côte d’Ivoire perd aussi le Niger qui représente environ 33 milliards de F CFA d’exportations commerciales et son 43e client dans le monde.
Nouvelle médiation sénégalaise
Alors après un an de médiation infructueuse et de discrètes interventions tous azimuts, les pays membres de la Cedao tentent un nouveau pari de décourager le Mali, le Niger et le Burkina Faso de sortir de l’organisation. Pour ce faire, ils ont donné un nouveau mandat au président sénégalais pour poursuivre sa médiation avec les trois pays « insurgés ».
Le président sénégalais se rendra ainsi incessamment dans les trois pays pour y poursuivre le dialogue diplomatique qu’il avait commencé en vue de réintégrer les trois pays. Le choix du sénégalais pour ce dernier pari est cependant étonnant puisque Bassirou Diomaye avait étalé son inexpérience et sa méconnaissance du dossier. La Cedeao « n’avait rien à attendre de la médiation sénégalaise. Bassirou Diomaye Faye et son envoyé spécial ne maîtrisaient pas le dossier. Ce n’était pas le bon interlocuteur. Le bon interlocuteur dans cette situation, c’était le Togo, dont les autorités sont peut-être les seules que respectent les dirigeants de l’AES », avait d’ailleurs déploré un diplomate ouest-africain à ce sujet.
La diplomatie togolaise est toujours autorisée à épauler le président Faye. En revanche, impossible de lui en confier les rênes puisque le Togo est soupçonné de profiter du statu quo. Les exportations des pays sahéliens transitent désormais par son port au grand désarroi d’Abidjan et Cotonou.
Faure Essozimna Gnassingbé a pourtant remporté des victoires diplomatiques importantes, à l’instar de la libération, en décembre 2022, de 46 soldats ivoiriens détenus au Mali, puis en décembre 2024, de la libération de deux gendarmes ivoiriens détenus au Burkina Faso depuis plus d’un an.