Le président de la Commission de l’Union Africaine (1), le tchadien Moussa Faki, qui a pris une position tranchée contre la junte au pouvoir dans son pays, vient d’essuyer un revers cinglant de la part du Conseil de Paix et de Sécurité, l’exécutif de l’UA dont il est l’homme fort. Jamais dans l’histoire de cette organisation, cette personnalité influente qui rêve de conquérir la Présidence au Tchad, n’avait été ainsi désavoué.
Depuis la mort d’Idriss Déby père, Moussa Faki, ancien ministre Premier ministre, ex ministre des Affaires étrangères du Tchad, et actuel président de la Commission africaine, scrute avec une grande attention les événements en cours à Ndjamena. Nul n’ignore désormais qu’il a des visées présidentielles dans son pays.
Des arguments incontestables…
Suite au jeudi noir, où on dénombre entre 60 et 200 victimes, selon les sources, Moussa Faki a « fermement condamné la répression des manifestations ayant entraîné morts d’hommes ». Puis il a commis un rapport sévère contre la junte au pouvoir à Ndjamena à destination du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS). Selon ce texte, il appelle les membres de ce conseil à « condamner fermement la répression sanglante, les meurtres, la torture, l’arrestation et les emprisonnements arbitraires de civils. » Il exige également une « enquête sérieuse et crédible » à propos des événements survenus le 20 octobre.
Dans ce document le président de la Commission condamne également la prolongation de la transition de 18 mois, Il fustige également, le fait que l’actuel Président puisse se présenter à une élection et demande que le CPS inflige des sanctions aux autorités de Ndjamena. Au vu des actes posés par la junte au pouvoir ces arguments sont incontestables.
Anadif 1/ Faki 0
Pourtant dans sa grande majorité, 11 membres sur 15, le CPS n’a pas suivi le président de la Commission et n’a pas condamné Ndjamena. Comment l’expliquer ? D’une part Moussa Faki a été le premier aux cotés de la France à adouber Mahamat Déby. D’autre part, à l’époque, il n’a rien trouvé à redire sur la charte du Conseil militaire qui donnait des pouvoirs exorbitants à la junte et précisait que la durée de la transition pouvait être : « prorogée une seule fois par le Conseil National de Transition, à la majorité qualifiée des 2/3. » Il n’a commencé à prendre des positions tranchées que lorsque l’actuel chef de l’Etat a annoncé qu’il pourrait se présenter aux prochaines élections. La ficelle était trop grosse. Enfin ses ambitions se heurtent à celles de Mahamat Saleh Anadif, ancien patron de la Minusma qui vient de quitter son poste de représentant du Secrétaire général des Nations unies pour endosser le costume de ministres des Affaires du Tchad. Et au petit jeu des soutiens diplomatiques en Afrique, ce dernier a gagné haut la main contre son rival.
La géométrie variable de l’UA
Dans un communiqué signé par le porte-parole de Moussa Faki, ce dernier se défend, il « a fait le serment de s’en tenir aux principes et aux décisions de l’organisation, sans parti pris et sans aucune autre autorité de quelque nature. » Mais où étaient donc les principes de l’UA lorsqu’il s’est agi de valider la prise de pouvoir anticonstitutionnelle de Mahamat Déby ? Où étaient les principes, lors des 3èmes mandats anticonstitutionnels en Côte d’Ivoire et en Guinée Conakry ? Quand a-t-elle condamné « « condamner fermement la répression sanglante, les meurtres » à l’occasion des manifestations préélectorales dans ces deux pays ? Qu’a dit son organisation lors des élections si peu crédibles au Congo Brazzaville ? Et la liste est longue… En réalité, Moussa Faki paye aujourd’hui tous ses silences depuis son arrivée à la tête de l’organisation en 2017.
(1) La Commission de l’Union africaine (CUA) est le secrétariat de l’UA et assure les activités quotidiennes de l’Union. Elle est basée à Addis-Abeba, en Éthiopie. Ses fonctions consistent notamment à : représenter l’UA et défendre ses intérêts, sous l’autorité et sur mandat de la Conférence et du Conseil exécutif
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