À Gaya, dans le sud-ouest du Niger, à la frontière du Bénin, l’oléoduc le plus grand d’Afrique était menacé d’être gelé en raison de la dégradation des relations entre les deux pays après le coup d’Etat à Niamey. Long de près de 2.000 km – dont 1.250 km au Niger – le tuyau doit relier les puits pétroliers d’Agadem au port béninois de Sèmè. Or la surprise, la voici : le Bénin, qui soutenait l’intervention militaire prônée par la France contre le Niger en appui à certains pays ouest-africains, a tourné casaque. Le ministre béninois de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni, a officiellement confirmé que l’oléoduc devant exporter le pétrole brut nigérien serait mis en service malgré les sanctions ordonnées le 30 juillet par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest contre Niamey.
Des ouvriers chinois et nigériens, masqués et casqués, hissent des tuyaux géants en acier au-dessus de monticules de terre. Plus loin, de la fumée s’échappe des chalumeaux. Camouflés dans les champs de mil, des soldats lourdement armés sont aux aguets.
Avec une modeste production de 20.000 barils par jour, le Niger, un des États les plus pauvres au monde, est devenu producteur de pétrole en 2011.
L’or noir extrait par la China National Petroleum Corporation (CNPC) est jusqu’ici acheminé par des pipelines jusqu’à Zinder (centre-sud du Niger), où il est raffiné. Le Niger avait initialement envisagé d’évacuer son brut par le port camerounais de Kribi via le Tchad voisin, avant d’opter pour le corridor béninois.
La Cedeao isolée
Dans une lettre à l’administrateur général de la West African Oil Pipeline (Bénin) Company SA, parvenue à Mondafrique, le ministre «réaffirme l’engagement du Gouvernement de la République du Bénin à respecter pleinement les termes des accords conclus dans le cadre du projet PENB (Projet de Pipeline Export Niger-Bénin).»«Aussi, poursuit le ministre, prenant en compte le caractère transfrontalier du Projet PENB, la partie béninoise réitère-t-elle son engagement à fournir à WAPCO Bénin et aux participants au Projet tout le soutien et l’accompagnement nécessaires à la mise en oeuvre des activités transfrontalières».
Cette lettre datée du 17 novembre répond à la demande d’éclaircissement «sur l’application des sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA au Bénin et d’exemption de l’application des sanctions», adressée au ministre le 9 octobre précédent par l’administrateur général de WAPCO Bénin.
Le ministre y évoque les «inquiétudes légitimes» de son interlocuteur sur «les répercussions défavorables découlant de l’application des sanctions imposées à la République du Niger depuis le 26 juillet 2023 en ce qui concerne (…) la mise en oeuvre du Projet de Pipeline d’Exportation Niger-Bénin.»
Shell et Chevron sortis vainqueurs
La West African Gas Pipeline Company Limited (WAPCo) est une joint-venture internationale pilotée par le géant américain Chevron, en association avec Shell et plusieurs entreprises publiques et privées du Nigeria, du Bénin, du Togo et du Ghana. Elle exploite le West African Gas Pipeline (WAGP) qui exporte du gaz naturel nigérian à partir de plusieurs ports du golfe de Guinée.
Elle assure également sur le territoire du Bénin la construction de l’oléoduc de 1980 km de long qui évacuera dès janvier prochain le pétrole brut produit à l’est du Niger vers le marché international à partir du port de Sèmè. Le Niger compte porter de 20 000 à 110 000 barils/jour sa production, fruit du partenariat avec la CNPC (China National Petroleum Corporation), la nationale pétrolière chinoise.
Suite aux sanctions financières et commerciales très dures prononcées contre le Niger le 30 juillet dernier, les transactions financières et commerciales avec le Niger sont interdites, les avoirs de la République du Niger gelés dans les banques centrales de la CEDEAO et les frontières terrestres et aériennes avec le Niger fermées.
Abas les sanctions. Les affaires c’est les affaires. Telle est la devise du développement dans des pays qui se respectent et respectent leurs peuples.