En Côte d’Ivoire, l’école affiche ses mauvais chiffres

Moins de la moitié des candidats à l’examen du brevet d’études du premier cycle du second degré (BEPC) ont été déclarés admis cette année en Côte d’Ivoire. Soit 40,18% de taux de réussite qui apparaît malgré tout comme le meilleur taux d’admis affiché ces trois dernières années.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè 

Le président ivoirien n’a pas son pareil dans le monde pour s’autocongratuler. Alors qu’il prononçait, mardi 18 juin, son discours à la nation devant les deux chambres du parlement réunis en congrès à Abidjan, Alassane Ouattara a en effet félicité à plusieurs reprises son gouvernement et particulièrement son ministre de l’éducation nationale pour les résultats affichés cette année à l’examen du brevet d’études du premier cycle du second degré (BEPC). Ceux-ci ne sont pourtant pas fameux. Car sur les 610.869 candidats, seulement 245.459 ont été déclarés admis, soit un taux de réussite de 40,18% qui reste malgré tout le moins mauvais chiffre des trois dernières années. En 2023, seulement 31,47% de candidats avaient été jugés aptes contre 28,89% d’admis en 2022.

La situation du système éducatif ivoirien est d’autant plus préoccupante que le Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la Confemen (PASEC) a estimé, dans son rapport de 2019, que 53% des élèves qui arrivent en 6è ne savent ni lire ni écrire. Pour y remédier, le gouvernement s’est lancé dans un projet d’amélioration de la prestation des services éducatifs (PAPSE) grâce à un financement de la Banque Mondiale. Ce programme a permis la création de 117 classes préscolaires et 134 classes primaires publiques. Mais pour remédier à l’insuffisance d’infrastructures éducatives publiques, le gouvernement a créé des collèges de proximité et recruté, dans la foulée, des enseignants bivalents qui sont obligatoirement chargés de deux cours d’enseignement dont un en option.

Des apprenants surchargés mal formés

Ces enseignants bivalents n’ont pourtant eu que six petits mois de formation pédagogique à l’Ecole normale supérieure (ENS) d’Abidjan et pas nécessairement pour le deuxième cours choisi en option. Mais la plupart sont inexpérimentés et peu efficaces. D’ailleurs, parfois, le gouvernement a recruté des diplômés en sciences économiques pour faire d’eux des professeurs de mathématiques. « Tout cela ne permet pas de donner une formation optimale aux élèves et surtout à ceux qui sont en classe d’examen », peste un de leurs collègues de sciences physiques.

Pour lui, les 40,18% de taux de réussite de cette année est « une vraie surprise ». Ces chiffres ont pourtant été communiqués par la Direction des examens et concours (DECO) mais de l’avis d’Augustin A., il n’est pas exclu que le gouvernement ait manipulé ce chiffre pour montrer qu’il travaille.  Cela dit, si le niveau scolaire est aussi plombé, c’est également en raison de la rareté des investissements dans ce secteur. En 2024, le total des crédits alloués à l’éducation nationale est estimé à 1.705,9 milliards de FCFA dont plus de la moitié affectés aux salaires des enseignants. Le reste de budget ne permet pas de recruter de nouveaux enseignants et, à fortiori, de construire de nouvelles résidences universitaires pour abriter les 70.000 étudiants qui étudient dans les différentes universités nationales.

Selon le président Ouattara, la Côte d’Ivoire compte désormais neuf universités publiques. Malgré tout, seulement un étudiant sur 10 dispose d’un dortoir pour dormir. De telle sorte que la plupart d’entre eux se regroupent à 5 ou à 10 dans la même chambre. Quant aux autres qui n’ont pas de parents ou de tuteurs à Abidjan, ils choisissent de dormir dans des amphis ou dans les salles de TD quand tombe la nuit. Cette situation rend incontournable la Fédération estudiantine et scolaire (FESCI) dont les responsables règnent sur l’université comme de véritables chefs de gangs.