L’Afrique totalement absente de l’intervention d’Emmanuel Macron

« Ministre de tout, Président de rien », a estimé l’élu de gauche François Ruffin. Encore que le chef de l’état dans sa conférence de presse du 16 janvier  n’a pas dit un mot sur sa politique africaine qu’aucun journaliste présent n’a cru bon d’évoquer.

L’intervention d’Emmanuel Macron ce mardi 16 janvier a permis au Président français de recadrer la majorité gouvernementale sur l’éducation où il a défendu sa ministre, sur l’immigration, un sujet qu’il a vite évacué en invoquant une révision prochaine et attendue du texte actuel par le Conseil Constitutionnel, et sur la Santé, un secteur privilégié par le Président en raison des sondages qui montrent à quel point la médecine et l’hopital sont prioritaires pour les Français.

Le Président français est apparu comme un Premier ministre, certes passionné par les uniformes à l’école et formidable connaisseur des dossiers, mais qui plancherait en deux heures et demie, sur une déclaration de politique générale face au Parlement et non pour donner une nouvelle impulsion à la conduite de l’État français.

Une certitude, Emmanuel Macron aura été particulièrement décevant sur la politique internationale, notamment sur la diplomatie française en Afrique et au Maghreb dont il n’a même pas dit un mot.

L’Afrique à la trappe

« De l’audace », a-t-il proclamé, en décrivant » un monde en dérèglement » face auquel une Europe doit se ré-armer: voici les annonces bien peu nouvelles d’un Président en panne de projet pour la diplomatie française. 

L’intervention présidentielle hésitante sur le fond n’aura répondu à aucun moment, même d’une phrase, aux échecs flagrants et récents de la diplomatie française en Afrique qu’il s’agisse des juntes militaires qui ont chassé l’armée tricolore du Sahel ou de la montée du sentiment anti français.

Aucune annonce diplomatique

Rien en tout cas de vraiment neuf, alors que la diplomatie française en berne a tant besoin d’un élan nouveau..

Sur le Moyen Orient, l’intervention d’Emmanuel Macron, à force de contorsions entre force de frappe anti terroriste et nécessité d’un cessez le feu, aura été à peu près inaudible. « Toutes les vies se valent », a déclaré le Président français qui a rappelé, sans laisser apparaitre une ligne de conduite claire, que l’intervention du 7 octobre relevait de la seule responsabilité du Hamas, qu’une célébration aurait lieu à Paris en février pour les otages, qu’il était temps de se limiter à des « opérations ciblées », que le droit humanitaire devait être respecté et qu’une solution politique ne devait  être rendue caduque par la guerre actuelle. Autant d’assertions parfois contradictoires et en tout cas sans surprise qui ne font guère avancer l’épineux dossier de « l’après Gaza ». 

Sur l’Ukraine, des attaques convenues contre Vladimir Poutine et un soutien tout aussi convenu à l’Ukraine, même si la France n’a pas modifié sensiblement le choix de ses clients prioritaires en matière d’armement qui restent les pays du Golfe.  

-Sur le Liban, le président français rappelle que le mandat du Finul doit être adapté et que toute escalade doit être évitée. On ne saurait le contredire tant le propos est consensuel. Il n’a pas été interrogé pour autant sur son soutien au candidat du Hezbollah pour la Présidentielle libanaise, un choix qui a semé la consternations chez les amis libanais de la France. 

-Sur les Houthis, « nous agissons », a répété Emmanuel Macron, mais en rappelant que l’armée française n’a pas voulu intervenir militairement aux cotés des Américains et des Anglais, mais sans évoquer pour autant les intérèts pétroliers de Total dans cette partie du monde qu’il s’agit de ménager.

                                                                               

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)