Indépendant depuis 1991, le Somaliland n’est pas reconnu par la communauté internationale. Le pays ne peut donc pas frapper à la porte du FMI et de la Banque mondiale. L’ancienne Somalie britannique mise sur le développement du port de Berbera, sur le Golfe d’Aden, pour concurrencer Djibouti et accueillir les importations et les exportations de l’Éthiopie (120 millions d’habitants), un géant privé d’accès à la mer.
Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed a inquiété tous ses voisins en déclarant que l’Ethiopie a un « droit naturel » à disposer d’un accès à la mer. Il s’agirait, selon lui, d’«une question existentielle » qui pourrait bien cibler les ports du Somaliland. Le pays où les Somaliens ont investi, début 2023, la ville de Las Anod, est très convoité sous la menace de ses voisins.
Ian Hamel, de envoyé spécial à Hargeisa
Installée dans une petite rue paisible, la modeste ambassade du Somaliland n’est qu’à un coup d’accélérateur de l’aéroport d’Addis-Abeba. L’Éthiopie demeure le seul pays – avec Taïwan – à reconnaître cet État fantôme boudé par le reste du monde. Les formalités ne durent qu’une quinzaine de minutes. Les visiteurs ne se bousculent guère dans ce territoire semi-désertique, vaste comme le tiers de la France, et peuplé de 3,5 millions d’âmes. Seule la compagnie Ethiopien Airlines permet de rejoindre en quatre-vingt-dix minutes Hargeisa, la capitale de ce pays qui n’existe pas.
Fidèle à l’ancien colonisateur, le Somaliland importe des voitures avec le volant à droite, mais paradoxalement, on y roule aujourd’hui à droite… La langue officielle, le Somali, a opté pour les caractères latins. Mais sur son drapeau, la devise est écrite en arabe. L’islam est la religion d’État et toute promotion d’un autre culte est interdite par la constitution somalilandaise.
Dans le centre-ville de la capitale, le compound, composé d’un hôtel quatre étoiles et d’un restaurant avec terrasse, est solidement gardé par des policiers, mitraillette à portée de main. Le matin, des serveurs très stylés proposent, en souvenir de l’occupation anglaise, du thé, du porridge, et des toasts, toutefois arrosés de miel, et servis avec des bananes. Il n’est pas possible de quitter Hargeisa sans être accompagné d’un fonctionnaire en armes. Le pays est-il si peu sûr ? Durant notre séjour d’une dizaine de jours, nous n’entendrons pas un seul coup de feu. Pas de problème pour se promener même tard le soir dans les rues de Berbera, de Sheikh, ou de Borama. « Imposer un policier, c’est d’abord un moyen pour l’État de faire payer la rémunération des fonctionnaires par les visiteurs. Le Nord du pays est sécurisé. En revanche, ce n’est pas forcément le cas plus au Sud. Le Somaliland a perdu cette année Las Anod, la capitale de la province de Sool, prise par des milices somaliennes après de violents combats », souligne une diplomate occidentale de passage à Hargeisa.
Un Intégrisme non violent
Si l’ancienne Somalie britannique n’est toujours pas reconnue, car toujours considérée comme une province séparatiste de l’actuelle Somalie, elle ne laisse pas pour autant indifférente les capitales occidentales et les pays du Golfe. Les mosquées y poussent comme des champignons. Si la burqa n’est pas (encore ?) généralisée, aucune femme ne sort de son domicile sans son voile. Même, les petites filles, à partir de quatre ou cinq ans, sont couvertes. Le soleil ne s’est pas levé que les muezzins se font écho pour vous rappeler la prière de l’aube. Cette radicalisation n’est pas récente. En 1992, un reportage du Monde évoquait déjà « la percée, pourtant spectaculaire, des groupes intégristes islamiques ». Des groupes qui disposeraient de « camps d’entrainement militaires à Borama, Burao et Las Anod » (1).
Alors que Mogadiscio sombrait dans le chaos, paralysée par les attentats à la bombe des Shebab, Hargeisa a longtemps joué les bons élèves, organisant des élections pour choisir le président de la République et les députés. Axelle Djama, autrice d’une thèse consacrée aux forces de sécurité au Somaliland, rappelait en mars 2023, que le dernier attentat remontait à 2008 et que s’il doit exister des cellules de Shebabs au Somaliland, elles n’y sont pas actives. Et surtout, « elles ne parviennent pas à mettre en place leur projet terroriste », en raison de « quadrillages territoriaux par la police et les forces de sécurité plutôt efficaces. Les services de renseignement aussi semblent performants », affirme cette doctorante en anthropologie (2). Des services fortement “conseillés“ par les Britanniques, les Américains, mais aussi les voisins Ethiopiens.
La perte de Las Anod, 150 000 habitants
La démocratie vient d’en prendre un coup avec le report de l’élections présidentielles, qui auraient dû se dérouler en novembre 2022. Élu en 2017, Muse Bihi Abdi restera au pouvoir au moins jusqu’en 2024… Des manifestations antigouvernementales se sont soldées par quelques morts, du côté des opposants comme des forces de l’ordre.
Mais surtout, le Somaliland a perdu la ville de Las Anod (150 000 habitants) au début de l’année 2023, après de violents combats qui ont fait des centaines de victimes et des dizaines de milliers de déplacés. Cette cité occupe une position stratégique sur les routes commerciales du nord de la Somalie.
Cette défaite atteste d’abord d’une dérive du pouvoir somalilandais, qui, peu à peu, est accaparé par les Issaq, largement majoritaires (70 % de la population), au détriment des autres clans, notamment les Dulbahante, qui peuplent la province de Sool. « Pour construire la paix à la fin du XXe siècle, des clans minoritaires ont accepté de lâcher la Somalie pour former le Somaliland avec les Issaq. Mais aujourd’hui, étant de plus en plus marginalisés, ils ne se sentent plus vraiment somalilandais », constate un chercheur français, qui ne souhaite pas que son nom apparaisse. « Si vous vous permettez la moindre critique, vous êtes interdit de séjour. Quant à la population, elle n’ose plus critiquer le pouvoir. Des journalistes sont emprisonnés », assure l’universitaire. Malgré la promesse en août 2023 de « prendre sa revanche » contre la milice SSC (Sool, Sanaag et Ayan), fidèle au gouvernement somalien, le pouvoir somalilandais n’a pas mené jusqu’à présent d’offensives pour reprendre Las Anod.
L’Alliance avec Taïwan
Exclu des circuits financiers mondiaux depuis sa création en 1991, le pays a toujours échappé au surendettement, mais il ne survit que grâce à l’exportation annuelle de deux millions de têtes de bétail vers les pays du Golfe. Et à la générosité de la diaspora (1,5 million de personnes), établie en Europe, notamment en Grande-Bretagne, parfois même aux États-Unis. Le PIB par habitant était estimé, il y a quelques années, à 675 dollars. Pour l’avenir, Hargeisa mise sur le renforcement de ses liens avec un autre paria de la communauté internationale, Taïwan, qui a installé une vraie ambassade dans la capitale. L’île mène des recherches pétrolières et minières. De quoi provoquer le courroux de la Chine. Réplique cinglante d’Essa Kayd Mohamoud, chef de la diplomatie somalilandaise : « Pékin ne peut pas nous dicter sa conduite. Nous mènerons nos affaires comme nous le voulons ».
Autre partenaire d’importance, les Émirats arabes unis (EAU). Ils ne reconnaissant pas le Somaliland (comme la Ligue arabe), mais investissent des millions de dollars dans le port de Berbera. Les raisons ? Dubai Port Word 8DP World) a été évincé de Djibouti en 2018 au profit des Chinois. L’opérateur portuaire des Émirats entend faire de Berbera une alternative pour les exportations et l’approvisionnement de l’Éthiopie, un marché de 120 millions d’habitants. DP World a investi 442 millions de dollars dans la construction d’un nouveau quai et l’extension du port en eau profonde. Le sultan Ahmed Bin Sulayem, président de DP World, s’est déplacé en juin 2021 pour l’inauguration d’un terminal à conteneurs et l’ouverture d’une zone franche de 1 200 hectares, la Berbera Economic Zone (BEZ), qui accueillera prochainement une usine d’embouteillage d’huile de table.
Acheter un passeport étranger
Le port somalilandais peut-il grignoter Djibouti ? « C’est un pari difficile. Djibouti a la réputation d’être plus efficace que Berbera. Quel est le temps de déchargement au Somaliland ? Par ailleurs, Djibouti dispose d’une ligne de chemin de fer, alors qu’à Berbera, les conteneurs partent par la route. C’est plus long et plus risqué. Ajoutez des primes d’assurance élevées car la piraterie n’a pas totalement disparue dans le Golf d’Aden », analyse Hervé Deiss, le rédacteur en chef de Ports et Corridors, site spécialisé dans la logistique portuaire.
En clair, l’avenir n’est pas bouché, mais il reste incertain. La reconnaissance du Somaliland par la communauté internationale n’est pas pour demain, malgré un important lobbying de la part de la diaspora à Washington. « Au Somaliland, la priorité des priorités pour les jeunes, c’est d’acheter un passeport étranger pour enfin pouvoir voyager », nous explique note fixeur. Son passeport éthiopien, obtenu cet été, lui a coûté 5 000 dollars. Mais s’il part, reviendra-t-il dans le pays qui n’existe pas ?
- Catherine Simon, « Somaliland, État fantôme », Le Monde, 24 décembre 1992.
- Mathieu Vendrely, « Le Somaliland, une “sécession réussie“, mais un État non reconnu internationalement », information.tv5monde.com.
Longtemps considéré un modèle de démocratie en comparaison de son voisin presque éponyme la Somalie, le Somaliland risque avec le temps de sombrer aussi dans le chaos de la Somalie, ce qu’on appelle la « Somalisation », lamentable!. Car cette répression du pouvoir risque de créer des mécontents en ajoutant ces laissés pour compte (ces ethnies minoritaires) qui n’hésiteront pas à sombrer dans le jihadisme, vues que ces cellules des Shebabs existent déjà, même si le système sécuritaire est performant comme vous le dites ici dans cet article. Les Shebab au Somalie ont commencé justement à cause de ce sentiment d’exclusion. Donc une fois de plus, c’est lamentable pour le Somaliland de sombrer dans cette direction.
Quant aux ambitions de l’Éthiopie de s’accaparer probablement une portion de terre accessible à la mer du Somaliland, à mon avis, je pense que c’est peu probable.
Pour la coopération entre le Somaliland et Taiwan, c’est une bonne chose, car « les oiseaux de même plumage volent ensemble », car même si le Somaliland était internationalement reconnu, je ne pense pas qu’une coopération avec les Usa lui sera bénéfique, car trop déséquilibré entre un pays puissant, et un pays comme le Somaliland.
Et pour ce qui est de cette coopération entre Taïwan et le Somaliland, je pense que le Somaliland peut profiter de l’expérience du développement de Taïwan pour se développer aussi, comme ça leurs principaled ressources : exportations du bétail et argent de la diaspora, ne seront que complémentaires, bien que cedt très ingénieux de leurs parts comme sources de revenus, vue leur statut international et vues les menaces constantes de la Somalie.
Une fois que le développement est à portée de main du Somaliland, la Somalie ne va plus conquérir ce pays, si ça ne sera que des menaces, comme actuellement la Chine le fait à Taïwan, et la communauté internationale finira par reconnaître ce pays (Somaliland) via des implantations des structures culturelles comme c’est le cas aussi à Taipei avec l’installation des centres culturels français, britanniques, des structures des Usa, mais qui servent en réalité d’ambassades, et qui seront des ambassades comme telles, le jour où Taïwan proclamera son indépendance.
L’exploration pétrolière et gazière de Taïwan au Somaliland, peut servir justement du début de transferts de technologie et connaissances pour le développement, de Taïwan vers le Somaliland, si ce dernier bien sûr notamment ses autorités le veuillent, ont une volonté politique de développer leurs pays, car avec ce début tyrannique du pouvoir Somalilandais, le développement risque de ne plus être leurs priorités.
Je dois dire que en tant que Historien et Professeur d’Histoire-Géographie, en faisant un parallèle historique, ce début de pouvoir tyrannique d’une ethnie majoritaire au Somaliland, les Issaq au détriment des autres ethnies minoritaires, qui ont fait sécession du Somalie, me rappelent, l’exercice de pouvoir au Royaume Loango, par les 27 clans guerriers Bouvandjis du grand groupe ethnique Kongo (ayant quitté le Puissant Royaume de Kongo Dia Ntotila), qui sont à l’origine de la fondation de ce Royaume Loango, avec les autres ethnies issues du même groupe Kongo. Les Bouvandjis sombreront dans la tyrannie avec une monarchie absolue, car ils se sentaient puissants que les autres ethnies, étant donné qu’ils étaient guerriers et principaux artisans de la fondation du Royaume Loango, ils (Bouvandjis) seront chassés du pouvoir, et une nouvelle dynastie s’installera au pouvoir avec l’instauration d’une monarchie élective. J’en parle dans mon article sur le Royaume Loango, dont voici le lien pour les intéressés: https://www.academia.edu/104648700/Le_Royaume_Loango_Afrique_Centrale_et_son_Organisation_Politique_Sa_Province_de_Mâ_Mpili_et_sa_Capitale_Politique_Bwali_XIVè_XIXè_Siècles_
Les Issaq finiront aussi ainsi, s’ils font pas attention, même s’ils sont majoritaires (ce qui est certainement l’une des causes de ce début de leur tyrannie), et se sentent puissants, à l’image des Bouvandjis. Même si en lisant l’article, on a l’impression que les ethnies minoritaires au Somaliland face à la tyrannie des Issaq, préfèrent rejoindre la Somalie qu’ils ne voulaient plus avant, comme en atteste la prise de Las Anod dans laquelle vive cette petite ethnie qui peuple cette ville.
Quant à la prise de Las Anod par la Somalie, cela me fait rire, car la Somalie a déjà du mal à réinstaurer l’autorité de l’État sur son territoire miné par les Shebab, mais ils veulent ajouter à leur territoire déjà incontrolé, un autre territoire, qui était plutôt en sécurité en Somaliland, c’est n’importe quoi. Et si les autorités somaliennes ont déjà du mal à sécuriser leur territoire avant la conquête de Las Anod, c’est seulement Las Anod maintenant conquis, qu’ils sécuriseront?! je ne pense pas, au contraire il sera miné par les Shebab, de la même manière que le reste du territoire somalien fut et est miné, avant la prise de Las Anod.
C’est vraiment conquérir des territoires pour le plaisir de les conquérir en tenant compte juste de la dimension historique du ou des territoires qui appartenaient à la Somalie, sans penser à une bonne gouvernance des territoires en général, tenant compte de la situation sécuritaire actuelle du pays (Somalie), lamentable…!.
Enfin pour terminer, pour les intéressés et amoureux d’Histoire, et d’Anthropologie de la Diaspora Africaine lointaine (partie durant la Traite Négrière) ou des Afrodescendants aux Amériques, et même sur des thèmes sociologiques et anthropologiques, vous pouvez consulter la page principale de mon profil sur la plateforme academia.edu, vous trouverez des travaux scientifiques intéressants, comme l’histoire invisible des Afro-Argentins, des Afro-paraguayens, et des Afro-urugayens, l’histoire occultée des Afro-mexicains, l’histoire de la présence des Bantous originaires d’Afrique Centrale (appelés Loango là-bas du fait qu’ils ont été embarqués par le port de Loango, j’en parle aussi dans mon travail scientifique sur le royaume Loango), dans les bataillons militaires d’indépendance de Simón Bolívar, Héros et Libérateur reconnu par beaucoup, de justement de plus 4 pays hispaniques sous le joug espagnol au XIXè siècle, et bien d’autres sujets interessants dur l’Afrique politique aussi, et vous pouvez partager à vos proches intéressés aussi ce lien de profil. Voici alors le lien de la page principale de mon profil où se trouvent mes travaux sur cette plateforme academia.edu: https://ufrrj.academia.edu/SAMBAAxel