Ca commence mal pour moi ! Pratiquement une demie heure avant le début des conférences il est déjà question de ne plus autoriser personne à entrer dans le hall d’attente…
Les organisateurs se frottent les mains: la foule s’est déplacée en masse pour les deux grandes tables rondes qui se tiennent dans les locaux de l’Université du Québec à Montreal. Chaque amphithéâtre peut recevoir 700 personnes: les 1500 auditeurs potentiels sont déjà là. Fille de droite: « le printemps arabe 5 ans après, l’Egypte en tant qu’exemple » file de gauche « face à l’apartheid israélien, le role et les buts de BDS ». D’un coté Maha Azzam, présidente du Conseil Révolutionnaire Egyptien accompagnée d’un journaliste du Toronto Star, une vedette du Canada, Haroon Siddiqui. De l’autre, le journaliste américain Ali Abunimah avec le palestinien Omar Barghouti créateur du BDS. Entrainé par la foule, je me retrouve dans l’amphithéatre « Printemps arabe »…
« Régime fasciste »
Maha Azzam est brillante et son discours est un réquisitoire implacable contre le régime militaire. « L’historique est rapidement fait: Nous avons connu 60 ans de régime militaire. La révolution populaire débouche par des élections démocratiques sur un régime civil. Et l’armée reprend le pouvoir ! » Et elle ajoute « c’est aujourd’hui bien pire qu’avant » Selon elle, le régime actuel n’est pas seulement une dictature militaire, « c’est un régime fasciste » qui s’appuie sur la corruption et l’utilisation incontrôlée de la force. »
Elle affirme que les Egyptiens se doutaient que la démocratie ne s’installerait pas directement mais qu’elle viendrait par vague et donc que la contre révolution était une possibilité historique. D’une certaine façon, le coup d’état était dans la logique de l’histoire. Les rapports d’Human Right Watch et d’Amnesty International donnent froid dans le dos: 50 000 prisonniers politiques dont plus de 250 sont morts en détention, 3000 peines de mort prononcées plus les assassinats ciblés en dehors de toute justice: 3000 également. « Ce ne sont pas seulement les Frères Musulmans qui sont visés » dit-elle « c’est toute l’opposition qu’on veut faire disparaitre. Le combat des Egyptiens a commencé avec la fin du colonialisme et nous n’avons toujours pas d’autre solution aujourd’hui que de continuer à nous battre. »
L’Occident islamophobe
Et de réclamer le soutien des pays occidentaux qui doivent condamner les pratiques du Général El-Sissi. Selon elle, ils devraient montrer l’exemple au lieu de voir leurs seuls intérêts économiques. Le second intervenant – membre de l’Ordre du Canada et de celui de l’Ontario- explique que « les frères musulmans » sont au bout du compte les seuls qui peuvent mobiliser les foules contre la dictature et que, les mots que l’on utilise contre eux sont exactement ceux de l’islamophobie que l’occident utilise généreusement contre tous les musulmans. « Les mêmes termes que ceux que l’on utilisait en Occident pour parler du communisme » précise t-il.
Je me dis qu’il est temps pour moi d’essayer de rejoindre la 2eme salle de conférence. Impossible d’y parvenir. La sécurité entretient l’étanchéité entre les deux amphithéâtres. Dommage donc, je pense être tombé du mauvais coté. Prendre le seul exemple de l’Egypte pour faire le point sur « les printemps arabes, 5 ans après » me semble un peu court, tout comme laisser entendre que la situation égyptienne est due à une phobie de l’Occident vis à vis des Frères Musulmans.