L’ancien Premier ministre du Président algérien, Ahmed Ouyahia, nommé simple conseiller au Palais d’El-Mouradia, est devenu, dans l’ombre, un des principaux acteurs de la transition hasardeuse qui se joue en Algérie.
Il occupe le devant de la scène, explique dans des confidences calculées les intrigues du sérail, anime des conférences de presse pour éclairer les Algériens, à sa façon, sur les principales décisions majeures prises dans leur pays.
C’est lui qui décrypte la restructuration du DRS, le puissant service secret algérien décapité par le président algérien. Lui qui a piloté le très délicat chantier de la révision constitutionnelle. Et lui encore qui a défié l’autorité de Saïd Bouteflika dans le carré intime du Palais d’El-Mouradia.
Au fil du temps, ce simple conseiller à la Présidence, fort de la confiance du Prince, est devenu l’un des piliers incontournables du régime algérien. Et sans lui, il est difficile de donner une chance de survie à ce régime en transition.
Tel un Phoenix
Cet homme s’appelle Ahmed Ouyahia. Lors du début du quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika en 2014, beaucoup à Alger ont misé sur sa « décapitation ». Le clan présidentiel autour du frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika, n’en voulait pas: trop aguerri, trop ambitieux, trop proche du DRS honni, trop lié aux réseaux d’hier. Pourtant l’ancien chef du gouvernement de Bouteflika, trop vite enterré, a pris son envol cette dernière année. C’est que Si Ahmed, comme l’appellent ses proches, a le cuir épais.
Un des innombrables « accords » passés ces dernières années par Bouteflika avec le général Toufik a fait d’Ahmed Ouyahia un conseiller de la Présidence, une sorte de caution du DRS auprès du chef de l’Etat. Une fois parvenu dans ce sérail miné, Ahmed Ouyahia est traité froidement par les autres conseillers de la Présidence, avec à leur tête un certain Saïd Bouteflika. Mais Si Ahmed tient la dragée haute à ses adversaires et concurrents.
Au nom de l’équilibre des pouvoirs
Avec l’aide des réseaux du DRS, qui ont parfois survécu au départ de leur chef, le redouté général Toufik, Ouyahia fait le ménage. Sur ses conseils pressants, Bouteflika met à la retraite plusieurs conseillers très influents. Ainsi le très actif Mohamed M’guedem, qui sévissait déja à la Présidence sous Chadli où il surveillait de près les journalistes étrangers, est poussé vers la sortie. De même, le puissant Mohamed Rougab est démissionné de ses fonctions.
Ahmed Ouyahia a compris que Bouteflika ne veut pas de divorce brutal avec son frère ennemi du DRS, le général Toufik. Le modeste conseiller qu’il est apparemment va occuper le créneau. Il va jouer ensuite les intermédiaires entre le Général Toufik et Abdelaziz Bouteflika, ne serait ce que pour sceller une fois pour toute la restructuration du DRS.
Deuxième étape de sa reconquête, Si Ahmed tente de marginaliser le FLN d’Amar Saâdani, qui a fait allégeance au général Gaït Salah, le puissant chef d’Etat Major qui a imposé son autorité au sein de l’institution militaire
Jeux de sérail.
Il faut à Ahmed Ouyahia casser l’influence de Saadani pour couper les ailes de Gait Salah qui se verrait bien comme le sauveur de l’Algérie, à l’instar du maréchal Sissi en Egypte.
Et notre homme de l’ombre réussira à empêcher la mainmise du FLN sur la vie parlementaire algérienne.
Ahmed Ouyahia jouera aussi un rôle important dans l’affaire Isaad Rerbrab. C’est lui qui a plaidé la cause de l’homme d’affaires en le défendant contre les manoeuvres déstabilisatrices. Car il faut bien rassurer les chancelleries occidentales, notamment les Français, qui ont applaudi, ces dernières années, aux investissements que Rebrab a fait en Europe.
Le Si Ahmed de 2016 rappelle étrangement le Larbi Belkheïr des débuts des années 2000. Avec ses manières de cardinal, ce Mazarin algérien manie l’art du compromis pour permettre au régime de survivre le plus longtemps possible.