L’armée française émet ses plus vives réserves sur le rapport de l’ONU qui estime que sur les 22 personnes tuées par une frappe française le 3 janvier dernier, trois seulement étaient des terroristes
Une enquête de l’Organisation des Nations unies (ONU) conclut qu’une frappe aérienne menée par l’armée française au Mali en janvier a tué 19 civils réunis pour un mariage, et pas seulement des djihadistes, qui étaient au nombre de trois à être abattus, selon un rapport consulté par l’Agence France-Presse (AFP).
Au terme de l’enquête conduite par la division des droits de l’homme de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), appuyée par la police scientifique des Nations unies, sur les événements survenus le 3 janvier près de Bounti (centre), la Minusma « est en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma », assure aussi le résumé du rapport. La Katiba Serma est affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM en arabe), alliance djihadiste, elle-même affiliée à Al-Qaida.
L’armée française persiste à affirmer que seuls trente terroristes auraient été tués ce jour là, une version de plus en plus invraisemblable. De multiples témoignages de civils innocents, dont les proches ont trouvé la mort, en témoignent.
« Un déluge de feu«
Ce dimanche, les jeunes époux s’appelaient Allaye et Aissata dans un modeste village au pied des falaises. On célébrait leur mariage. «Après la prière de la mi-journée», celle du zénith, «les groupes de jeunes et des hommes âgés» sont allés «sous les arbres pour partager viande et thé», raconte à Libération un participant. «Il y a une petite forêt juste à côté du village, précise un ressortissant de Bounti joint par Libération. C’est à quelques centaines de mètres.» Le terrain en question est «le champ du père de la mariée», ajoute un autre habitant.
D’après ces témoins, un déluge de feu s’est abattu en début d’après midi. «La première bombe a touché 16 personnes sous un premier arbre, tuées sur le coup. La deuxième en a tué deux autres sous un autre arbre, le reste du groupe ayant eu le temps de s’éloigner du lieu après la première frappe. Une troisième explosion a eu lieu, mais sans faire de mort», selon le récit fait par Aly Barry, de l’association peule Tabital Pulaaku.
Sur France Inter, qui a envoyé un journaliste pendant dix jours, un autre villageois témoigne. Nous nous étions rassemblés après la prière dans un champ proche du village. Trois groupes étaient présents; les personnes âgées, les hommes et les enfants. les femmes étaient restés dans les cases. Parmi nous, aucun terroriste n’était présent ». Et de poursuivre: « Un déluge de feu s’est abattu sur nous qui m’a obligé de fuir dans la brousse. Ce fut un véritable carnage. J’ai perdu, ce jour là, trois frères et un cousin. C’est un miracle si j’ai survécu ».
Autant de témoignages que des grandes ONG, sur place, ont recoupé et confirmé.
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