Le 20 juin, les rythmes africains au cœur battant de Rabat

Du 20 au 27 juin, Rabat devient le centre musical du continent avec le retour flamboyant de Mawazine. D’Etuk Ubong à Salif Keïta, la scène africaine y brille de mille feux dans un dialogue vibrant avec le reste du monde.

Au Maroc, la musique est une diplomatie. Une manière de tisser des liens entre les peuples, les langues, les héritages. Depuis plus de vingt ans, le Festival Mawazine – Rythmes du Monde en est la démonstration la plus spectaculaire. Pour l’édition 2025, qui se déroule du 20 au 28 juin, la promesse est tenue. Rabat et Salé accueillent à nouveau des dizaines de milliers de festivaliers venus d’Afrique, d’Europe et du monde arabe pour assister à un rassemblement musical unique en son genre. Entre scènes monumentales, concerts gratuits, et programmation vertigineuse, Mawazine se distingue par son ambition à conjuguer les voix du Sud global, dans toute leur diversité et leur excellence. Et cette année encore, l’Afrique y occupe le devant de la scène, non pas comme folklore, mais comme centre de gravité artistique.

Dès les premières notes, le ton est donné : le 21 juin, la Nigériane Yemi Alade électrise la scène de Bourregreg. Icône afro-pop, féministe engagée, diva solaire, elle enchaîne ses tubes dans un concert mêlant percussions traditionnelles et beats urbains. Dans la foule, des drapeaux nigérians, maliens, congolais se dressent entre deux chorégraphies. Le lendemain, le Sénégal est à l’honneur avec Cheikh Lô, dont le mbalax mystique et la voix feutrée convoquent une mémoire à la fois spirituelle et politique. Plus loin, sur la même scène, le Camerounais Etuk Ubong réinvente l’afro-jazz avec ses cuivres indociles, tandis que le 27 juin, Salif Keïta, la « voix d’or de l’Afrique », clôt majestueusement la semaine africaine du festival.

Ce qui frappe à Mawazine, ce n’est pas seulement la qualité des artistes programmés, mais la manière dont ils cohabitent avec d’autres figures majeures de la musique mondiale. Le rappeur 50 Cent, le Marocain El Grande Toto, le jazzman Etienne Mbappé ou encore le chanteur ghanéen Ckay partagent l’affiche avec des stars coréennes comme Aespa ou américaines comme Kid Cudi. Ce métissage de styles, loin du marketing global, est pensé comme un tissage cohérent d’identités musicales. Rabat devient alors une ville-plateforme, où l’on passe en quelques heures d’un griot malien à une rave électro ou à une performance gnawa.

Mais Mawazine, c’est aussi une géographie : des scènes réparties dans toute la capitale, des publics mélangés, une organisation massive mais fluide, et un ancrage populaire inébranlable. L’entrée est gratuite sur la majorité des sites, permettant à des milliers de Marocains, toutes classes confondues, de vibrer au rythme des musiques du monde. À Salé, sur la plage, les familles s’installent dès le milieu de l’après-midi. À l’OLM Souissi, les jeunes campent devant les grilles pour être au plus près de leurs idoles. Et à Bourregreg, entre les deux rives du fleuve, on danse comme si Rabat était soudain devenue Lagos ou Bamako.

Le choix de placer des figures africaines dans les créneaux les plus prestigieux n’est pas anodin. Il marque une inversion symbolique : ce ne sont plus les artistes du Nord qui légitiment ceux du Sud, mais bien l’Afrique qui attire, fédère, crée la dynamique. Yemi Alade, Salif Keïta, Etuk Ubong, Cheikh Lô : tous participent à une cartographie nouvelle des sons contemporains, où l’Afrique est à la fois racine et avenir.

Le festival n’est pas sans critiques. Certains dénoncent sa dépendance au mécénat royal, d’autres regrettent un déséquilibre entre Rabat et d’autres villes du royaume moins favorisées culturellement. Mais il est indéniable que Mawazine reste une vitrine d’excellence artistique africaine et un modèle de grand festival accessible. À l’heure où nombre d’événements culturels peinent à survivre, le maintien de cette ambition collective mérite d’être salué.

Infos pratiques :
Rabat & Salé, Maroc
Du 20 au 28 juin 2025 (programmation africaine du 21 au 27)
Entrée gratuite sur la plupart des scènes (Bourregreg, Salé, Nahda), zones VIP payantes
Artistes africains confirmés : Yemi Alade (21/6), Cheikh Lô (22/6), Etuk Ubong (23/6), Salif Keïta (27/6)
Plus d’infos : www.festivalmawazine.ma