Après l’embuscade meurtrière d’Anoumelan qui a révélé encore les failles et déficiences dans le dispositif de défense et de sécurité du Mali, en général, le désarroi au sommet de l’Etat, l’état major général des armées a publié un communiqué pour informer l’opinion d’un incident survenu lors de ses interventions. Dans des termes laconiques, il est expliqué qu’un aéronef de combat engagé dans le théâtre Est de l’opération Dougouloko a dû procéder à un « atterrissage forcé » dans le lit du fleuve Niger, à proximité de la piste de Gao, en raison d’un brusque front de sable. Le ton de la hiérarchie militaire se veut rassurant et reste empreint d’un optimisme béat: les ennuis techniques n’entameraient en rien les manœuvres terrestres en cours ni n’affecteraient la prétendue résilience des forces armées maliennes.
Samir Moussa
Une version, comme d’habitude, tronquée des faits qui aura fait long feu car démentie par des témoignages dignes de foi, des images satellitaires édifiantes et les revendications formelles et catégoriques du front de libération de l’Azawad (FLA). Il s’avère, sans équivoque ni doutes, que le Sukhoi-24, un appareil rare fourni par Moscou et exploité par des contractuels d’Africa corps, a été frappé en plein vol par un missile sol-air, portatif avant de se désintégrer dans une boule de feu, visible à plusieurs kilomètres. Certains fragments se sont envolés jusque sur la rive sud-est, loin de toute zone où l’on aurait pu imaginer un amerissage maîtrisé.
Des sources militaires, officieuses, des dépêches d’agences, des vidéos géolocalisées, permettent d’établir la chronologie des événements et de parvenir à une reconstitution minutieuse des faits.
La veille, le jeudi 13 juin 2025, peu après 16h, l’appareil avant d’être descendu, a effectué plusieurs passes d’appui-feu rapproché au-dessus du convoi FAMA- Africa corps cerné près d’Anoumelan. A l’aide de roquettes s-13 et de bombes OFAB-250, le Sukhoi-24 a assuré la couverture de soldats paniqués qui, avaient commencé à jeter leurs armes et munitions en se refugiant derrière les blindés avant d’être secourus.
Le lendemain, vendredi 14 juin 2025, dans la matinée, à 9h12, le Sukhoï, a repris les airs pour frapper des positions du FLA. C’est à ce moment-là, que la défense anti-aérienne Azawadienne a riposté, brisant l’aile gauche de l’appareil. La soute de carburant a été touchée, à en juger par les flammes qui s’en dégageaient. L’équipage a dû s’éjecter, dans l’urgence, alors même qu’une gerbe de métal incadesecent tombait vers le fleuve.
Des éléments probants confirment que le Sukhoï a été abattu. Dans une courte séquence thermique diffusée par un compte relais du FLA, l’on voit, clairement, un signal infrarouge d’un projectile précédant l’embrasement dans le ciel de l’appareil. Les données météorologiques de l’ASECNA lèvent un coin de voile: le bulletin de 08h-11h du matin annonce un ciel parfaitement dégagé au-dessus de Gao. Une visibilité supérieure à 7 km et un vent moyen plafonnant à 12 nœuds. En somme, des conditions idéales de navigabilité et de vols et de traversées tranquilles. La thèse d’une tempête de sable soudaine invoquée par le communiqué de la junte n’est donc que pure invention et faux alibi.
L’aviation malienne est maintenant clouée au sol et ne peut plus se prévaloir ni se vanter d’une quelconque supériorité comme dans un passé récent. Le Sukhoi-24 perdu était l’un des deux seuls exemplaires encore opérationnels après la destruction d’un L-39 à Tombouctou en septembre 2023. Le MIG-29k n’est toujours pas revenu de son long congé de maintenance donc ne fait plus partie de la flotte aérienne. Il ne s’agit pas que d’incidents de parcours ou de simples aléas ou avatars techniques. C’est toute la doctrine militaire de « projection dissuasive » que la junte mettait en avant depuis la réception des vecteurs russes qui est mise à rude épreuve. Chaque bombardement lourd servait autant à appuyer un bataillon au sol qu’à nourrir, via les réseaux sociaux acquis à la junte au pouvoir et à Wagner, rebaptisé Africa corps, la légende d’une supériorité technologique. Celle-ci, ne paraît plus qu’un lointain souvenir, réduite à néant, en un temps record.
L’unique chasseur-bombardier va rester au sol . Sur le plan tactique, pour un laps de temps indéterminé, toute couverture aérienne conséquente au-dessus du théâtre est compromise. Dés la matinée du 15 juin 2025, les convois logistiques censés partir de Kidal pour Menaka ont été instruits de suspendre leurs mouvements jusqu’à nouvel ordre, faute, de » parapluie », susceptible de prévenir et contenir de nouvelles embuscades. L’ennemi, est désormais doté de moyens de défense anti-aérienne.
Dans les couloirs feutrés du Ministère de la défense nationale, l’on admet, selon des indiscrétions, que l’heure est grave. Selon un officier qui a requis l’anonymat, la location d’un SU-24, de dépannage, car il s’agit bien de location avec un équipage supplétif à la clé, dépasserait quinze millions de dollars. Un montant faramineux pour un Etat failli, déjà en cessation de payements.
Loin de réaliser l’urgence d’un sursaut militaire et d’un changement de paradigmes stratégiques, le haut commandement malien, continue de vivre dans l’illusion de l’invincibilité aussi bien qu’il se complaît dans le déni. Des tares empruntées au partenaire russe. En septembre 2023, quand un L-39, s’est écrasé, on a pointé la météo, « un coup de vent », pour sauver la face. Bis repetita, pour le Sukhoi-24. Dans un cas comme dans l’autre, l’on a nié l’évidence d’un revers militaire. Une posture de dénégations qui est une insulte à l’intelligence de l’opinion publique et des observateurs avertis et acteurs du terrain. La junte se montre plus soucieuse de son image auprès des populations et de sa réputation mondiale que du sort de ses soldats et du moral de ses troupes.
Les rescapés, pilotes, mercenaires russes du Sukhoï, ont été recueillis par des pêcheurs alors que c’est l’armée de l’air qui devrait voler à leur secours après leur mésaventure.
Au sommet de l’Etat comme dans les hautes sphères de l’armée, » Search and rescue » n’est plus d’actualité dans le code d’honneur militaire ni une exigence de l’esprit de corps. Seule la survie des putchistes et leur obsession de conserver le pouvoir constituent le bréviaire et la finalité de tous les combats à mener et engager.
Alors que l’opération Dougouloko, déclenchée par le décret no 2025-0268, a pour objectif de restaurer l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national, elle commence mal et s’annonce comme un échec avant la lettre. En guise de mauvais signe, l’unique vecteur aérien capable de soutenir les colonnes mécanisées dans les territoires désertiques est hors service.
Ainsi, le FLA qui dispose d’une batterie de défense anti-aérienne performante, pourrait-il, de facto, imposer une zone d’exclusion aérienne dans le nord Mali.
Ce qui rebat les cartes en remettant en cause la suprématie de feu de Bamako dont Bamako se servait pour dicter sa loi. Les rebelles qui se rendent comptent que leurs ennemis sont de plus en plus démunis, leurs moyens d’intervention amenuisés, sont encouragés à se lancer dans des conquêtes et à rééditer des exploits. D’autant que la junte, au lieu, de se battre sur le terrain et d’inquiéter l’ennemi, préfère se bercer d’illusions et souffler sur les braises d’une propagande en voie d’extinction.
Pourtant, les signaux d’alarme persistent et s’amplifient: les rares ressources sont utilisées pour payer les salaires exorbitants de mercenaires qui bénéficient d’un meilleur traitement que les officiers maliens. La dette intérieure explose avec les recettes minières qui déclinent. Bamako et ses faubourgs vivent dans l’angoisse d’attaques et infiltrations djihadistes. La junte, elle, baigne dans l’insouciance et se délecte des délices du pouvoir.
Sur les eaux calmes et lentes du fleuve Niger, une partie tordue de l’épave du Sukhoï, déchiquetée, embaumée de suie et de kérosène, flottait comme un macabée errant, livré aux courants d’air et ballotté par le courant du fleuve Niger: un spectacle pathétique d’une machine de guerre devenue ferraille flottante. Autour d’elle, l’huile irisée projetait sur l’eau des reflets aussi trompeurs, que les discours des généraux, qui dans leurs communiqués narcissiques, crient victoire alors qu’ils sont pris à la gorge et maquillent la déroute en prouesse. Ni sur terre, ni dans le ciel, l’armée malienne ne se montre capable de protéger ses avions, ses soldats,,à bout de souffle et saturée par le volume et l’ampleur des attaques. Comme l’épave qui dérive sans moteur, ni pilote, le Mali lui-même, paraît cracher dans un courant d’aveuglement, de déni et de turbulences ininterrompues.
Tels les pilotes qui ont sauté de l’avion au-dessus de Gao, la junte est suspendue entre terre et ciel, sans parachute ni point de chutes: un crash garanti. Allahou Akbar !