Guinée, la France condamne, à demi-mots, le général Mamadi Doumbouya

L’espoir de changement suscité dans une partie de l’opinion par le coup d’Etat de septembre 2021 de Mamadi Doumbouya, alors lieutenant-colonel et patron des forces spéciales, a laissé place à la désillusion totale. L’ex-caporal de la Légion étrangère française a mis la Guinée sous coupe réglée, embastillant les voix critiques contre son régime, contraignant à l’exil des figures politiques majeures du pays telles que les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré.

Sous la Guinée de Doumbouya, qui s’est fait depuis bombarder général de corps d’armée, les disparitions forcées sont devenues monnaie courante alors qu’il n’existe toujours aucune visibilité sur l’agenda de la transition. Après avoir fait pendant plus de trois années d’une surprenante tiédeur envers Mamadi Doumbouya, la France a pour la première fois haussé le ton envers l’ancien légionnaire par la voix du porte-parole du Ministère des Affaires étrangères. Sans que l’on sache encore à ce stade s’il s’agit d’une simple manifestation de mauvaise humeur contre son protégé ou d’un vrai changement de cap envers la junte au pouvoir à Conakry.

Par la Rédaction de Mondafrique

Il aura fallu attendre trois ans et demi pour que le Quai d’Orsay se déclare enfin préoccupé par les multiples arrestations arbitraires, enlèvements, disparitions, perpétrés par la junte guinéenne dirigée par Mamadi Doumbouya.

Depuis le coup d’Etat de septembre 2021, la junte guinéenne dirigée par Mamadi Doumbouya a renié toutes ses promesses et a multiplié les exactions. Mais contrairement à ses admonestations contre les militaires sahéliens au pouvoir, la France a toujours fait profil bas face aux agissements de Conakry. Seul le porte-parole du Quai d’Orsay, répondant à des questions de journalistes, indiquait diplomatiquement que Paris suivait la situation de près.

Une première depuis trois ans et demi

Le 7 mars 2025, lors du point presse du ministère des Affaires étrangères, le porte-parole du Quai d’Orsay Christophe Lemoine s’est aventuré un peu plus loin en déclarant : «  La France exprime sa préoccupation quant à l’enlèvement et aux violences dont a été victime l’activiste Abdoul Sakho dans la nuit du 18 au 19 février. Cet enlèvement vient s’ajouter à ceux de deux personnalités de la société civile, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah et à celle du journaliste Marouane Camara, portés disparus en 2024 et dont nous sommes toujours sans nouvelle. Nous appelons les autorités guinéennes, auxquelles nous avons fait part à haut niveau de notre inquiétude, à faire toute la lumière sur ces disparitions. En cohérence avec ses principes, la France appelle les autorités guinéennes à garantir la liberté d’expression et la sécurité de l’espace civique, conformément à leurs engagements. »

Réaction timide

C’est mieux, mais c’est encore très peu compte tenu des drames vécus. Abdoul Sakho, militant pour un retour à l’ordre constitutionnel, a été tellement torturé et les liens autour de ses poignets devaient être si serrés qu’il avait perdu l’usage de ses mains. Mais dans son malheur il a eu de la chance, il a été retrouvé le soir même, abandonné en brousse.  

Une chance que n’ont pas eue les autres disparus. Le journaliste Marouane Camara vient d’avoir une petite fille, mais le sait il ? La reverra-t-il un jour ? Le célèbre écrivain guinéen, Thierno Monénembo, vient de lui consacrer un long texte émouvant intitulé : « Un baptême pas comme les autres ».

Des morts en détention

La liste n’est bien sûr pas exhaustive et il faut compter aussi avec ceux morts en prison, comme l’ancien chef d’état-major, le général Sadiba Koulibaly décédé en juin 2024.

Ainsi va l’humanité dans la Guinée de Mamadi Doumbouya l’ancien légionnaire français devenu président par la grâce d’un coup d’Etat en septembre 2021.

Mais que les Guinéens se rassurent comme l’a rappelé le porte-parole du Quai d’Orsay « La France suit avec attention la situation en Guinée. Comme la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les Nations unies, l‘Union européenne ou encore l’Organisation internationale de la Francophonie (OlF), nous maintenons avec les autorités de transition guinéennes un dialogue exigeant et les appelons à des avancées concrètes pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, dans un esprit d’apaisement avec l‘ensemble des forces politiques » a ajouté le porte-parole du Quai d’Orsay.  Paris et toutes ces institutions se penchent donc sur le berceau de la Guinée pour que rien ne change.

Quant au retour à l’ordre constitutionnel, les autorités l’ont annoncé pour 2025, promis, juré, il y aura des élections avant la fin de l’année. Mais selon le journaliste en exil, Latif Diallo, le processus électoral est dans l’impasse, le retard dans le recensement de la population est colossal et techniquement la situation est intenable.

A n’en pas douter, il faudra encore beaucoup de « dialogues exigeants » de la part de la France, la CEDEAO, l’OIF, l’UE, etc.